Trois usines prêtes à répondre à la demande !
La majorité des tests d’effort réalisés vont consister à augmenter l’intensité d’effort jusqu’à ce que vous ne puissiez plus la tenir. La durée et l’incrément (montée de vitesse) des paliers pourra différer mais la logique sera donc toujours la même : vous amener au bout de vos capacités. Mais pourquoi donc ce type de protocole ? Mettons donc nous à la place de notre organisme. Lorsque vous augmentez l’intensité de votre effort, vos organes vont dans le même temps augmenter leur consommation d’ATP. L’ATP pourrait être assimilée à la somme d’argent nécessaire pour produire l’énergie dévolue à l’effort souhaitée. Cette augmentation de l’effort va donc demander une plus grande et plus fréquente contraction de vos muscles, votre cœur débitera d’avantage de sang, votre ventilation s’accélérera, votre cerveau deviendra hyper activé, etc. La logique voudrait donc que vos muscles soient remplis d’ATP afin de répondre au mieux à ce qui leur est demandé… Malheureusement nos réserves sont extrêmement limitées et seront même épuisées avant l’arrivée d’un simple 100m en course à pied… Fâcheux ! Pire même, cette ATP ne se transporte pas dans l’organisme, obligeant chacune de nos cellules à être autonome pour préserver ses réserves. La solution ? Chacune de nos cellules va être en capacité de renouveler ses réserves d’ATP à hauteur de la vitesse à laquelle elle les utilise. L’équivalent de l’offre et de la demande pour notre organisme. On comprend donc mieux le véritable challenge auquel nous allons être confrontés lors d’un test d’effort ou il faudra courir, nager, ou pédaler toujours plus fort ! Lors de ce type d’évaluation nous allons donc mesurer la capacité de l’organisme à répondre à une dépense en énergie de plus en plus forte, afin de constater jusqu’à quel niveau d’intensité il pourra répondre à la demande !
Il faut comprendre que lorsque vous réalisez un effort, la dégradation de vos réserves en énergie va activer 3 mécanismes différents de régénération de l’ATP. De façon imagée, tout se passe finalement comme si un appel d’offres pour renouveler vos réserves en ATP était lancé et que 3 usines présentes dans votre muscle étaient mises en concurrence pour y répondre. Ces 3 usines sont ce qu’on appelle plus communément les filières énergétiques et l’appel d’offres sera donc l’intensité souhaitée.
Feu vert : jusqu’ici tout roule !
Lorsque vous attaquez votre test VMA, l’allure sera facile et vos besoins en énergie resteront modérés. Comme nous allons le voir par la suite, il sera important de passer par cette phase, il faudra donc que la vitesse de départ (ou la puissance en vélo) soit choisie en fonction de votre niveau. Dans cette « zone énergétique » l’organisme parvient à s’ajuster facilement à la demande et une seule des trois usines va répondre en très grande partie à l’appel d’offre : la filière aérobie. Celle-ci utilise des matières présentes en grande quantité tel que l’oxygène et s’avère également écolo-durable. En effet, les déchets qu’elle produit sont en quantité raisonnables et facilement éliminées par l’organisme. On peut donc très clairement parler d’une allure verte : l’allure est ressentie comme facile, on parvient sans peine à s’ajuster à la vitesse qui augmente et aucun déchet n’est présent à l’horizon. Un signe simple pour se savoir dans l’allure verte : vous pouvez parfaitement tenir une conversation avec vos partenaires sans que l’air ne vienne à vous manquer. Clairement, ce sont les allures d’échauffement, de footing, de sortie longue à vélo, etc.
Zone orange : les choses deviennent plus sérieuses…
Alors que le test VMA se poursuit et que votre allure augmente toujours, vous arrivez progressivement dans la seconde zone : la zone orange. A partir de ce basculement, les besoins en ATP demeurent toujours majoritairement assurés par l’usine aérobie, mais son apport ne sera plus suffisant, la filière lactique va donc venir lui prêter main forte. Il s’en traduit une augmentation du « fameux » taux de lactate dans le sang. Cependant, votre organisme parvient toujours à conserver un état de fonctionnement relativement stable puisque les déchets libérés par l’usine lactique sont éliminés à la même vitesse que celle de leur production. Cependant l’effort commence à devenir plus pénible. De façon intéressante il est encore assez simple de la déterminer par soi-même. Elle correspond lors d’une sortie, à l’allure à partir de laquelle votre ventilation s’accélérera (pour évacuer les déchets lactique sous forme de dioxyde de carbone, soit ce que vous expirez). Vous ventiliez donc plus intensément mais n’avez pas perdu l’usage de la parole, simplement vos réponses seront plus courtes et il ne sera plus possible de raconter vos récentes vacances ou votre dernière course. Suivant l’intensité et votre niveau d’expertise, nous parlons d’une allure qu’il sera possible de tenir entre 50 et 90 minutes. Nous pourrions donc l’assimiler à une allure autour de celle du semi-marathon (évidemment suivant les niveaux de chacun) ou tout simplement à un footing bien poussé.
Zone rouge : pas là pour rigoler !
A partir de la troisième zone il n’est plus question de discuter. En effet, la filière aérobie approche de son maximum et elle devient vraiment insuffisante pour apporter l’énergie nécessaire à l’allure souhaitée. Pour contrecarrer ce manque d’énergie, la filière anaérobie lactique va prendre une part de plus en plus importante. Le point positif est que cela va vous permettre d’augmenter encore votre allure. Le point négatif est que votre temps de course sera compté. En effet, cette nouvelle augmentation du taux de lactate dans le sang va accélérer le taux d’acidification progressive des tissus, ce qui empêchera de poursuivre l’effort encore très longtemps. Encore une façon simple de se rendre compte du passage de l’orange au rouge : un nouveau point d’inflexion de votre respiration se déroulera, il s’agit du second seuil. Vos inspirations et expirations deviennent très prononcées et cette fois-ci il n’est vraiment plus question de discuter mais de simplement donner une réponse la plus rapide possible : « oui » « non » « à boire », etc. Ce passage dans la zone rouge pourra être tenu 40 à 50’ suivant les profils nous sommes donc clairement sur l’allure 10km en course à pied. Les sensations deviennent donc franchement intenses mais encore tenables. Dès que l’on va à nouveau augmenter l’intensité elles deviendront douloureuses et la fin approchera, le rythme devenant difficile à tenir. La fréquence cardiaque commence à dériver de façon prémonitoire et l’on réfléchit tout doucement à mettre le clignotant. En fait, le passage dans la zone 3 marque concrètement le point de rupture à partir duquel l’organisme ne parvient plus au maintien d’un état physiologique stable : le système s’emballe comme si vous faisiez cocotte-minute ! Par conséquent, la filière aérobie finit donc par plafonner : votre fréquence cardiaque et votre consommation d’oxygène approchent de leur maximum. A ce moment, les plus aguerris et ceux présentant un profil « lactique » parviendront à tenir quelques secondes de plus, mettant leurs dernières forces anaérobies, mais guère plus car l’autonomie de ces usines n’est pas bien importante. Le dernier palier du test vous donnera donc une appréciation assez correcte de l’allure à laquelle votre filière aérobie atteindra son maximum, d’où l’acronyme « Vitesse Maximale Aérobie ».
Zone |
% Fréquence cardiaque maximale (moyenne) |
Lactatémie | Pénibilité de l’effort | Temps de soutien |
1 (verte) | 60 – 82 | 0.8 – 2.5 | Très très léger à modéré | 1 – 6 h |
2 (orange) | 82 – 87 | 2.5 – 4.0 | Modéré à difficile | 50 – 90 min |
3 (rouge) | 88 – 100 | 4.0 – 10.0 | Difficile à très très difficile | 5 – 50 min |
Pourquoi donc des tests en laboratoire ?
L’avantage des tests de terrain réside dans la grande simplicité de leur mise en place. Par exemple un simple bipper en course à pied, un capteur de puissance en vélo, une augmentation graduelle des vitesses de nage en natation et vous pourrez facilement affiner vos entraînements en fonction des ressentis que nous avons évoqué plus haut, notamment ventilatoires. En course à pied il pourra par exemple être réalisé les fameux VAMEVAL (0.5 km/h par minute) ou Vaussenat (3 minutes d’effort à une allure cible, 1 minute de repos passif, incrément 1 km/h) ; les vitesses de départ devront absolument être déterminées en fonction de votre niveau : le plus important étant de pouvoir passer par la zone verte. En vélo, 25 Watts toutes les deux minutes sera un bon compromis suivant les niveaux (20 W pour les débutants Vs 30 W pour les experts). En natation 5×200m de très très facile à très très difficile correspondra également à une évaluation de la VMA (réduisez jusqu’à 100m pour les débutants Vs 300m pour les experts).
Toutefois ils ne permettent pas d’apprécier la manière dont votre organisme s’ajuste de façon précise à l’effort au fur et à mesure du test. En laboratoire, la mesure de la lactatémie et des gaz que vous échangez par la ventilation permet d’identifier le passage d’une zone à l’autre et d’apprécier plus fidèlement vos progrès. L’investissement dans ce type de test peut donc s’avérer judicieux si vous souhaitez ajuster au mieux vos entraînements. En effet il n’est pas rare de voir deux athlètes boucler leur test VMA au même palier et présentant pourtant des profils physiologiques totalement hétérogènes.
Voici ici l’exemple de deux triathlètes élites, qui vont présenter des performances en compétition très proches l’une de l’autre. Nous nommerons ces athlètes A et B. Pour que nous ayons tous la même lecture du test en voici le protocole : des paliers de 3’ entrecoupés d’une récupération de 30’’, un départ à 12km/h, puis 14, puis 16, puis de 1km/ à 1 km/h jusqu’à l’arrêt du test.
Vs.aérobie correspond au passage de la zone verte à orange ;
Vs.ana. au passage de la zone orange à rouge ;
VVO2max à la vitesse où le maximum de la filière aérobie est atteint ;
Vmax à la vitesse terminale du test (déterminée en fonction du moment où l’athlète ne tiendra plus l’allure souhaitée).
Résumé de résultats de tests VMA pour deux triathlètes élites :
- Course à pied
De façon intéressante nos deux athlètes vont présenter lors du test course à pied, une vitesse au passage de la zone rouge très similaire (20.3 km/h Vs 20.4 km/h). Pourtant, l’athlète A finira son test plus tard (22.5 km/h) que l’athlète B (21.8 km/h). Sans matériel de laboratoire nous ferions donc une petite erreur dans le travail de nos deux triathlètes si nous estimions ce second seuil à l’aide d’un % de la vitesse de fin de test. D’autant plus que l’ath. A aura un profil plus lactique (VMA à 22 km/h) que l’ath.B (VMA à 21.8 km/h équivalent à sa Vmax). De la même façon, le passage dans la zone orange correspondant au seuil aérobie sera différent de près d’1 km/h (19 km/h Vs 18.3 km/h). Alors même que nos deux athlètes présentent donc des vitesses de croisière (10km CAP) très similaires. Leurs profils seront donc fondamentalement différents et demanderont par conséquent un travail individuel à dissocier sur les vitesses de zone et sur le travail des points forts/faibles en fonction des objectifs de course et de développement.
Résumé de résultats de tests PMA pour deux triathlètes élites :
- Vélo :
De façon très intéressante, ces deux athlètes vont encore une fois présenter des profils bien différents en cyclisme malgré leurs résultats très proches en compétition. Un premier seuil très légèrement supérieur pour l’ath. B lorsqu’il le sera pour l’ath. A sur le second. Mais, alors que l’ath. A présentera une PMA bien supérieure à celle de son coéquipier (460 Vs 400), son profil demandera une attention toute particulière. En effet, d’un côté il sera capable comme nous avions pu le voir en course à pied d’être très efficace à haute intensité, mais à l’inverse sera assez peu économique à moyenne intensité. En effet, comme vous pouvez le voir son % de FCmax ou de VO2max sera très faible vis-à-vis de celle(s) de son partenaire. Pourtant, une fois ce second seuil à 370W passé il produira des « déchets » difficiles à évacuer, d’autant plus sur des courses de triathlon à haut niveau où les variations d’allures sont très importantes en vélo. Ici, nous sommes typiquement en face d’un athlète pour qui le test en laboratoire aura une grande importance puisqu’il fera ressortir des points forts très intéressants, mais également des points faibles qu’il sera nécessaire de gommer à l’entraînement afin de pouvoir bénéficier des points forts en course. Ici, il sera donc nécessaire d’entretenir ces très belles capacités lactiques, tout en renforçant la base de la filière aérobie au travers de travail continu ou fractionné long à des intensités basses et intermédiaires.
Dans un premier temps, vous pourrez donc désormais affiner la lecture de vos tests VMA de terrain en écoutant votre ressenti et les signaux de votre corps. Il pourra en être de même à l’entraînement ou en compétition afin de s’assurer que vous êtes à la bonne allure. Si vous souhaitez aller plus loin et individualiser encore plus la lecture de vos tests, il sera donc nécessaire de faire appel à un professionnel et à pousser la porte d’une clinique du sport proposant ce type d’évaluation.
Ce type de test vous renseignera donc sur la grosseur de votre moteur (VO2max) et sur le moment où vous passerez les rapports de votre boite de vitesse (les différents seuils). Par la suite, suivant vos objectifs il pourra être intéressant de réaliser des tests plus spécifiques. Par exemple, constater votre économie : ce que vous consommez à une vitesse donnée. Où bien dans l’exemple de nos triathlètes la capacité à réaliser un sprint le plus puissant possible afin d’être efficace en relance à vélo, mais également d’évaluer la capacité à les répéter malgré la fatigue (parfois pas loin de 100 relances à vélo sur des courses de niveau international).
Comme toujours, il n’y a pas de recette. Ici, ce ne sont que des possibilités supplémentaires dans la construction de vos planifications d’entraînement, mais les tests ne seront pas nécessairement la priorité.
A très vite et continuez d’être curieux sur votre pratique.
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