Une bonne sieste pour performer

Par Cyril Granier, expert cyclisme.

Souvent mal aimée et décriée, voire même renvoyée à une pratique de fainéants ou d’enfants en bas âge, ce temps de repos est souvent négligé dans notre monde moderne ou tout doit toujours aller plus vite. Mais ne devrait-on pas sacrifier sur l’autel du temps quelques dizaines de minutes à cette pratique ô combien réparatrice ?

sieste

C’est en adepte et fervent défenseur de la sieste que j’écris ces quelques lignes qui vous prouveront, je l’espère, toute mon objectivité vis à vis de ce rituel que je mets en place quotidiennement. Mais finalement la question est de savoir si cette sieste à des effets sur notre capacité de travail ou sportive, s’il faut la pratiquer tout le temps, à quelle heure de la journée, sur quelle durée… ?

Connaissance de notre rythme circadien

Le premier élément de réflexion se base sur la connaissance de notre rythme circadien ou horloge biologique interne, qui a un effet direct sur la durée et la qualité du sommeil.

Cette horloge et son fonctionnement sont régulés par l’hypothalamus qui va sécréter un certain nombre d’hormones et notamment la mélatonine, régulatrice de nos phases d’éveil et d’endormissement. En effet, cette sécrétion se produit à la tombée de la nuit, pour atteindre son pic de production entre 2 et 5h du matin, là où le sommeil est le plus profond. La production de mélatonine diminue, puis cesse, avec les premiers rayons lumineux et l’exposition à la pleine lumière. 

Le rythme circadien est donc influencé par notre exposition à la lumière naturelle ou artificielle. Nous remercierons donc Joseph Swan et Thomas Edison, qui grâce à leur invention de la lampe à incandescence nous ont permis d’y voir plus clair et par voie de conséquence d’éveiller nos nuits.  Un des éléments actuels les plus perturbateurs est notre exposition aux lumières bleutées ou à forte intensité qui vont retarder la production de mélatonine et de fait l’endormissement.

Augmentation de la chaleur corporelle

En résumé, ce rythme circadien nous permet d’être dans un état d’éveil allant en s’améliorant du lever jusqu’à l’heure du déjeuner. Suite à notre pause repas, une légère augmentation de la température interne va procurer cette sensation de bien-être qui va nous pousser dans les bras de Morphée. Suite au réveil post-sieste le pic de vigilance se fera entre 18 et 20 h. Suite au souper, l’envie de dormir apparaît, les lumières se tamisent et l’endormissement vient. 

Le deuxième élément de réponse est notre mode de vie. La journée type de monsieur tout le monde ressemble grandement au célèbre adage, « Métro, boulot, dodo ». Si l’on considère les adolescent(e)s ou jeunes adultes, on va y ajouter, coucher tardif, exposition aux objets connectés et leur lumière bleutée. Pour les sportifs, prenez les deux constats précédents et rajoutez-y de la pratique sportive quotidienne ou biquotidienne.

Prenons par exemple un ou une adulte d’une quarantaine d’années ayant des horaires de travail fixe de 8h à midi et 14h à 18h, une vie de famille avec des enfants à récupérer à la crèche ou à l’école. Les seules possibilités qui s’offrent à elle ou lui, vont être une pratique sportive le matin avant le réveil de la famille, entre midi et 14h ou le soir après avoir récupéré toute ce petit monde, voire même après le souper.

Dette de sommeil ?

Ce mode de vie assumé par une grande majorité de pratiquant(e)s risque d’engendrer ce que l’on nomme une dette de sommeil si la pratique sportive est tardive en journée (Après 18h). Il sera alors bon pour chacun d’entre nous de connaître notre volume horaire de sommeil idéal (aux environs de 8h pour une personne adulte) et d’observer ce que nous avons pu effectivement dormir. Si l’on est en dessous de la valeur recommandée les effets néfastes du manque de sommeil et ses conséquences si vous n’êtes pas capable de les verbaliser vous sauteront aux yeux à la vue de cette liste : perturbations de l’humeur, baisse de la capacité de concentration et d’attention, perte de motivation ou d’efficacité au travail… De plus, ce manque de sommeil impactera également les performances sportives de manière négative ainsi que les capacités de récupération post-exercice. Vous le comprenez cela peut mener à un état de surmenage et engendrer des blessures.

La question à se poser dès lors est de savoir si dans une situation de dette de sommeil un sportif pratiquant la sieste peut récupérer entre deux séances et surtout faire des séances d’entraînement de qualité dans les sports d’endurance?

Récemment une équipe de recherche dirigée par le professeur Blanchfield de l’université de Bangor au Royaume Uni, s’est penchée sur la question de l’impact d’une sieste effectuée l’après-midi, sur les performances de sportifs d’endurance en course à pied.

Tests de la sieste

Les 11 athlètes qui ont effectué cette étude devaient être capable de courir le 5 000m en moins de 23 min… On n’est pas prêt de faire tomber Kenenisa Bekele avec ces valeurs! Disons que les sujets testés ressemblent davantage à vous et moi, qu’à des champions du monde, mais au moins les résultats de cette étude seront transposables à tout un chacun.

Chaque sujet fut convié à plusieurs reprises dans le laboratoire de nos chercheurs et un groupe contrôle et un groupe sieste (20 min de sieste entre 14h et 16h) furent constitués. Une visite préliminaire fut effectuée afin de déterminer leur consommation maximale d’oxygène (la fameuse VO2max) grâce à un test incrémental progressif mené jusqu’à épuisement. Le test débuta à 10 km.h-1 avec augmentation de 1 km.h-1 chaque minute jusqu’à 16 km.h-1, puis la pente du tapis roulant fut augmentée de 1% toute les minutes jusqu’à épuisement. Outre la VO2max, des données de fréquence cardiaque (FC) et de sensation (CR10) furent enregistrées. Après 10 min de repos, chaque coureur remonta sur le tapis roulant avec une inclinaison de 1%, afin de déterminer leur vitesse de déplacement à 60, 75 et 90 % de VO2max.

Chaque sportif fut ensuite convié à des sessions de test en matinée (vers 9h00 du matin) consistant en un effort de 30 min à 75% VO2max, ou en soirée consistant avec un effort de 20 min à 60 % VO2max suivi d’un exercice jusqu’à épuisement à une intensité de 90 % VO2max (vers 17h00). La nuit précédent chaque journée de test, l’activité sommeil/éveil fut évaluée au moyen d’un journal de bord et d’une montre actimètre permettant de mesurer la totalité des heures dormies. Le jour du test, la qualité du sommeil fut déterminée par deux questionnaires spécifiques.

Meilleurs résultats après une sieste

Les résultats ne montrèrent aucune différence de FC ou de difficulté de l’effort perçu au cours du tests de 30 min à 75% VO2max entre les deux groupes.

Concernant les tests de l’après-midi le temps limite maintenu à 90% VO2max démontrèrent que sur 8 sujets ayant effectué la sieste demandée, 5 améliorèrent leur temps de maintien à l’intensité fixée associé à une diminution de la difficulté de l’effort perçu. Ils se rendirent compte que la sieste avait un impact positif sur la performance à condition que les sujets soient en dette de sommeil la nuit précédant le test. En définitive plus les sujets avaient un sommeil détérioré la nuit précédant le test plus la sieste avait un impact positif sur la performance en fin d’après-midi.

En définitive, les chercheurs conclurent qu’un athlète ayant une nuit de sommeil de moins de 7h, tirent parti d’une sieste en début d’après-midi sur leurs performances en endurance en fin de journée.

la sieste entre 13 et 16h

En conclusion, même si l’on savait déjà que la sieste, pratiquée après une nuit de sommeil normale ou réduite, permettait l’amélioration des capacités de traitement de l’information, des performances psychomotrices (telles que l’acquisition de nouvelles capacités techniques) ou la capacité à sprinter, aucune étude n’avait à ce jour démontré l’impact d’une sieste sur les performances en endurance. Il semble aujourd’hui admis que dans le cas de sportifs ou de sportives ayant des troubles du sommeil la nuit, le recours à une sieste en journée permettrait d’améliorer les performances en endurance.

Cependant permettez-moi de vous proposer quelques recommandations :

  • La sieste doit se pratiquer entre 13h et 16h.
  • Compter à minima 3 h entre la fin de la sieste et le coucher.
  • Elle ne doit pas excéder 20 min.
  • Allongez-vous dans un endroit au calme et peu soumis à des sources lumineuses intenses.
  • Pour ceux qui ont des réveils difficiles, la sieste peut être combinée à une dose de caféine.

Finalement cette sieste à un réel avantage, en plus d’améliorer vos performances sportives, elle vous apprend à vous endormir et donc à favoriser l’endormissement lors du coucher. À bon « siesteur » bon dormeur devrait-on dire. Et puis rassurez-vous la sieste n’est pas une marque de fainéantise mais plutôt un gage de réussite sportive et sociale.

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