Surmenage ou dépassement de soi : comment distinguer ?

Article écrit par Cyril Schmit

Il est intuitif de penser que le surmenage est avant tout révélé par un changement dans le niveau de performance du sportif : qui ne peut soutenir la séance prévue est alors un profil possiblement surmené. Effectivement, cela fait partie des repères de choix autant dans les laboratoires de sport que sur le terrain.

Cependant, la réalité est plus complexe et il est possible que certains surmenés s’arrachent – encore davantage – afin de tenir leur séance quand, à l’inverse, d’autres non-surmenés refusent de soutenir l’intensité car ils sont moins forts dans la tête ou ne connaissent pas ce type de douleur par manque d’expérience… Bien que cela soit moins intuitif, l’idée sous-jacente reste que les raisons d’une hausse/baisse de performance pullulent sans qu’elles soient forcément imputables à la fatigue.

Pour différencier si vous en faites trop ou si au contraire tout va bien et que c’est donc « juste » votre corps qui souffre pendant la séance (une étape « normale » de la progression), voici donc un article-opinion qui ouvre la porte aux réflexions / à vos retours d’expérience. 

 

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Pendant la séance, si c’est le cœur qui tape, les jambes qui brulent et qui vacillent, ou le souffle qui est hyper-rapide, alors il n’y a pas de quoi s’alarmer. 

Même si c’est difficile dans la tête pour coordonner tout cela… 

Même si tout cela paraît plus difficile que pour le voisin… 

Même si le niveau d’effort est inédit… 

 

Nous dépasser doit en effet permettre d’étendre notre zone de confort grâce à la manipulation de curseurs que l’organisme considère comme « stress ». Et ces réactions de l’organisme (un cœur qui tape, etc.) montrent justement une bonne adaptation à l’exercice.

 

Évidemment, chacune de ces réactions du corps est aussi présente en cas de surmenage (il serait naïf de les confiner au dépassement de soi). Cependant, contrôler « tout ça, en même temps » ne demande pas le même effort en cas de surmenage et requiert d’être quasiment en mode monotâche sur chaque paramètre de façon successive et intense : être capable d’inspirer un grand coup à fond, puis être capable de tirer son genou devant, puis être capable de … être capable d’avancer, au final ! Mais l’Homme n’est pas fait pour le multitâche.

 

 

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Cette impression de surcharge informationnelle commence d’abord à se manifester en fin de séance difficile : alors que l’on devrait encore tenir 1km, vient soudainement s’ajouter à l’effort une faiblesse musculaire qui n’était pas présente et qui nous force à compenser en ayant un focus supplémentaire sur la qualité du mouvement technique. Par exemple.

 

Puis, si la fatigue s’accumule entre deux entraînements, on dénote cette sensation de plus en plus tôt, dès de le début de la séance suivante, comme signe que le corps n’était pas encore prêt à y retourner.

 

Lorsque cette impression de « focus supplémentaire nécessaire » se présente, cela ne signifie toutefois pas qu’il faille arrêter tout effort puisque sortir de notre zone de confort est aussi nécessaire pour progresser. En revanche, cette perte de contrôle sur soi doit sonner l’alerte. Mais quelle alerte ?

 

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On sait que le système nerveux central est le dénominateur commun à notre fatigue (physique comme mentale, énergétique comme cardiaque, etc.) et que les différents symptômes que nous avons mentionnés révèlent au moins 2 choses :

 

  • Une sollicitation multiple de sa part (implication spatiale)
  • Une sollicitation durable de sa part (implication temporelle)

 

 

Tous ensemble, ces symptômes de sur-contrôle attentionnel alimentent donc le diagnostic d’une « fatigue accumulée », bien qu’à ce stade celui de surmenage ne soit pas encore posé.

 

En effet, on sait par ailleurs qu’il est possible pour un sportif de récupérer rapidement de la fatigue accumulée – parfois en 1 seule longue nuit. Les plus entraînés étant d’ailleurs les plus rapides à récupérer. 

Autrement dit, pour parler de surmenage, ce sera le temps passé à manifester ces 1ers symptômes qui validera le diagnostic. Logiquement, plus ce temps sera important et plus de signaux d’alerte viendront se coupler à ces 1ers symptômes (à découvrir dans S’entraîner mais régresser : comprendre le surmenage)

Dans cette perspective, la réponse à notre question-titre se situe donc ici : c’est un double facteur espace * temps appliqué à notre zone d’inconfort attentionnel qui va distinguer l’évolution vers un état de surmenage (un terme trop souvent lancé à la volée, on le comprend).

 

Durant la séance :

  • Espace = plus il y a de paramètres du corps impliqués dans la nécessité d’un sur-contrôle par le sportif, moins c’est bon signe.
  • Temps = plus le temps passé par chacun de ces paramètres dans l’état de sur-contrôle est grand, moins c’est bon signe.

 

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L’instauration du surmenage devient plus évidente encore si, en parallèle de ce type de séance, la récupération suit la logique inverse :

  • Espace = moins il y a de paramètres du corps impliqués dans la stratégie de récupération, moins cela sera favorable.
  • Temps = plus le temps passé par chacun de ces paramètres dans un état de régénération est faible, moins cela sera favorable.

 

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Cette logique qui consiste à analyser l’équilibre entre les effets d’une charge d’entraînement et ceux d’une récupération, est connue sous le nom de « dose-réponse ». Par ex. « plus je fais de cardio, plus je serai entraîné, mais si j’en fais trop alors je peux aussi me blesser ». Donc selon la dose, la réponse change.

Toutefois, la particularité de l’approche présentée ici, c’est qu’elle suppose qu’un sportif est effectivement capable de « se doser » à la sensation. À chaque séance et sans suivi cardio, ou autre.

 

L’enjeu crucial de la motivation 

 

C’est un facteur que l’on oublie souvent dans le phénomène de fatigue alors qu’il conditionne largement la vitesse à laquelle on peut progresser (ou régresser). Non pas pour des raisons d’assiduité que l’on connait, mais pour des raisons de neurosciences moins étayées.

Essayez par exemple de vous souvenir de votre réaction immédiate lorsque vous devez réaliser une tâche embêtante ou fournir un travail en plus… À contrecœur, ce n’est plus le circuit de la récompense (et la dopamine) qui nous guide dans ces cas, c’est l’impulsion d’arrêter qu’il nous faut alors inhiber fortement pour accomplir notre devoir et être mobilisé sur la tâche. Et cette action mentale est énergivore.

 

Placez maintenant ce phénomène dans une séance d’entraînement difficile, peu attrayante et de surcroît dans laquelle vous n’avez encore réalisé que la moitié du contenu. Si dans la 2nde partie de séance il vous faut vous battre contre vous-même pour vous motiver, en plus de fournir les efforts physiques nécessaires pour tenir, cela devient problématique… En effet, c’est un peu comme faire un double-effort là où une personne pleine d’envie ne fournirait qu’un unique effort. 

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C’est pourquoi la motivation intrinsèque (celle liée au plaisir) est plus bénéfique que la motivation extrinsèque (celle liée au résultat) à moyen-terme. C’est aussi pourquoi la monotonie de l’entraînement est un facteur de surmenage… Innovez, et chaque séance deviendra alors comme une aventure à la « découverte de soi » plutôt qu’une contrainte à endurer.

Pour faire le rapprochement avec notre sujet, retenons donc que la motivation conditionne en partie le rendu de l’entraînement, autrement dit la vitesse à laquelle notre corps accumule de la fatigue, et donc à laquelle il est susceptible d’évoluer vers le surmenage.

 

Dans la vie courante

 

La limite-seuil qui consiste à se dire que l’on dépasse les bornes est à apprivoiser avec le temps (heureusement ou malheureusement ?), notamment pour pouvoir la ré-actualiser selon notre propre évolution. Afin de la situer précisément pour soi-même « ici et maintenant », cette limite doit considérer le niveau de fatigue ressenti immédiat et le croiser aux contraintes qu’il reste à encaisser durant et après la séance : « Que me reste-t-il à gérer aujourd’hui ? Cela m’autorise-t-il à me fatiguer comme je le serai après la séance ? »

 

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On comprendra donc d’abord que cette limite-seuil est dépendante du contexte / environnement du moment : on ne supporte pas l’entraînement de la même façon en période de travail VS de vacances, par exemple.

Par ailleurs, on déduira que cette limite implique 2 comportements de notre part, à l’égard d’une séance ou d’un plan d’entraînement donné :

  • Si le plan / la séance est généralement suivie à la lettre par le sportif, alors des ajustements du quotidien seront nécessaires pour compenser les réactions imprévisibles de l’entraînement (ex : dormir plus car on est vraiment fatigué, supprimer une séance de musculation prévue, arrêter de bricoler sa maison, ajouter un en-cas, etc.)
  • Comme ce 1er point est rarement réalisé puisque notre emploi du temps est souvent maintenu, cela signifie que le plan / la séance est « toujours » à se réapproprier en cours de route en vue de déterminer si la 2nde partie de l’entraînement est réalisable telle que prévue, ou doit être réajustée en accord avec l’agenda du moment.

 

Il est important de souligner que cette gestion microscopique / à l’échelle de l’entraînement et de la journée, convient à un sportif non-surmené étant donné que la nuit suivante sert de moyen principal de récupération. En revanche, en cas de surmenage installé, la fenêtre d’intervention est à étendre à l’échelle de la semaine/mois afin de favoriser plus largement les temps de récupération et minimiser ceux d’effort.

 

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No pain – no gain ?

 

Qu’est représenté derrière la « douleur » dans ce fameux adage : L’effort global ? L’épuisement systématique ? La contraction musculaire maximale ? Être « lactique » ? 

Par rapport à cette philosophie et dans la logique de cet article-opinion, le sportif devrait réussir à faire la part des choses entre une sollicitation acceptable VS déraisonnée. Et « acceptable » ne signifie pas du tout « sous-maximale » : même une séance peu intense peut être déraisonnée si sa durée oblige le sportif à dépasser son niveau de ressources disponibles à ce moment.

 

Nous avons donc situé ici la limite entre acceptable et déraisonné au niveau de la dimension multitâche à gérer à l’entraînement par le sportif (voir plus haut). Pour distinguer plus largement les curseurs que celui-ci peut s’autoriser à laisser bouger et ceux à maintenir figés coûte que coûte, voir : S’entraîner mais régresser : comprendre le surmenage

 

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En conclusion, si vous souhaitez rationnaliser votre niveau de fatigue à l’entraînement, voilà les 2 axes sur lesquels vous pouvez essayer de situer votre analyse :

  • Local VS Systémique : il s’agit ici de l’endroit où est situé votre effort. Sentez-vous qu’il est placé précisément sur un muscle, un membre… ou généralisé à votre corps ? Par exemple, les séances de running sont plus globales que celles de renforcement musculaire car elles impliquent plusieurs membres ET plusieurs fonctions physiologiques (cardio, ventilation, énergie, chaleur interne…). De même que les séances l’été par rapport à celles d’automne.
  • Ponctuel VS Durable : il s’agit là que vous déterminiez à quel point il sera délétère pour le reste de la journée de maintenir l’effort en question. Par exemple, tenir 2’ de plus en courant à 16 km.h pourra être largement plus impactant que courir 10’ de plus à 10 km.h. 

Votre corps vous parle. Écouter. Décidez. Apprenez. Recommencez.

 

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