Le sommeil est considéré comme le facteur n°1 de la récupération du sportif, le « gold standard ». Sans lui, toutes les autres stratégies perdent en intérêt puisqu’il régule notamment l’activité hormonale du corps. Lui qui nous occupe ~30% de notre vie reste pourtant encore scientifiquement largement incompris, même si les choses changent…
Les études qui ont lié sommeil et performance en endurance ont généralement opté pour la compréhension des effets d’une restriction du temps de sommeil, raccourcissant la nuit de sportifs et scrutant leur efficacité le lendemain. Cela paraît pertinent en contexte réel dans la mesure où avant une compétition, les périodes de stress et/ou les déplacements peuvent s’accompagner d’une dégradation du sommeil.
Assez étonnamment toutefois, les résultats demeurent inconsistants quant aux effets délétères de ce type de situation ponctuelle sur la performance aérobie. Plusieurs raisons à cela :
– une seule nuit de sommeil raccourcie, dont les effets sur la performance du lendemain peuvent être invisibles (d’ailleurs, combien de records du monde ont été établis malgré une courte nuit ?!).
– des tests <30’, ce qui ne représente qu’une minorité des épreuves d’endurance courues aujourd’hui,
– des participants parfois non-entraînés, donc peu représentatifs de la population pour laquelle sont véritablement générées des recommandations pratiques,
Par ailleurs, aucune étude n’était encore parue à propos de l’intérêt d’une extension de la durée du sommeil sur la performance en endurance. Alors que les performances psychomotrices et cognitives ont, elles, effectivement été démontrées comme meilleures après des nuits rallongées, il restait encore à faire le point quant à l’intérêt de cette « stratégie » peu commune sur l’endurance.
Dans ce contexte, une étude publiée le mois dernier dans la revue Medicine & Science in Sports & Exercise a investigué les effets d’un cumul de nuits raccourcies et de nuits rallongées sur la performance en contre-la-montre chez 9 participants triathlètes/cyclistes. Durant 3 nuits consécutives, ces athlètes ont ainsi vu leur durée de sommeil soit préservée (6.5-7h), soit raccourcie de ~30% (4.8h), soit allongée de ~30% (8.4h).
Ce protocole avait une perspective clairement écologique. En effet, dans la mesure où il nous est autant possible de subir les effets ponctuels d’une mauvaise nuit que d’emmagasiner sur plusieurs jours une charge qui nous affecte à la longue, l’idée était ici, on le devine, de dégager des recommandations très « pratiques » pour le sportif lambda.
Chaque jour de l’étude (J1, J2, J3, J4), les participants ont donc réalisé un test de contre-la-montre visant à objectiver l’effet des différentes conditions de sommeil. Celui-ci consistait à couvrir, sur home-trainer et en un minimum de temps, une quantité de travail (en joules) initialement calculée pour durer 60’.
« Par rapport à une durée de sommeil normale., l’allongement du temps de sommeil pendant trois nuits consécutives de 90’, 108’ et 78’, respectivement, a amélioré la performance de 3% (environ 2‘) sur un contre-la-montre d’environ 60’. En revanche, la réduction du temps de sommeil pendant deux nuits consécutives de 144’ et 102’, respectivement, a ralenti la performance du contre-la-montre de 3 %, soit environ 1,5’. »
Spencer et al., 2019
À noter : on remarque que les effets négatifs de la restriction du sommeil se sont manifestés plus tôt que les effets positifs d’une extension de sommeil. Cette observation est probablement spécifique à ce protocole (effort moyennement fatiguant, 30% de variation de sommeil, participants entraînés…)
En parallèle de ces performances, des marqueurs psychologiques ont été suivis afin de dégager des axes de compréhension. En particulier, la restriction cumulée de sommeil a dégradé le niveau d’humeur des participants ainsi que leur niveau de performance psychomotrice. Ce type de réaction est déjà reporté par la littérature à l’égard du phénomène de fatigue mentale, vis-à-vis duquel peuvent se rapprocher les effets d’une restriction de sommeil (gain d’impulsivité, baisse de la capacité de self-control).
À l’inverse, en situation d’extension de sommeil, les participants se trouvaient plus vigoureux et vigilants, ce qui conforte l’idée selon laquelle l’efficacité des fonctions cognitives déterminent la tolérance à la douleur, l’intensité d’exercice, la stratégie d’allure et donc (en partie) la performance.
De ces résultats peuvent alors être envisagées plusieurs informations utiles :
1- une seule nuit de restriction de sommeil n’est impactante sur la performance en endurance que si elle supprime une large partie du temps de sommeil. Tel que le suggère les données cumulées de la littérature, si 30% seulement de la nuit sont supprimés alors c’est davantage l’accumulation de la dette de sommeil sur plusieurs jours qui fragilisera progressivement le niveau de performance de la personne.
2- en cas de restriction anticipée de son temps de sommeil sur les nuits à venir, le sportif a tout intérêt à accentuer son niveau de rigueur à l’égard de son état d’esprit (humeur, irritabilité) et de son hygiène de sommeil. Voici pour cela plusieurs conseils permettant de Mieux dormir pour mieux récupérer.
3- en amont d’une compétition, une « cure de sommeil » apparaît être de bon augure dans la mesure où elle réduit la sensation d’effort à l’exercice, qui est le 1er facteur déterminant l’allure de course. Que celle-ci prenne la forme de nuits rallongées ou de siestes réalisées en début d’après-midi, ces cures pourraient ainsi limiter la décroissance de performance observée dans les épreuves de longue durée (de plusieurs heures à plusieurs jours).
4- en cas d’extension du volume de sommeil, le sportif devrait idéalement adapter sa démarche à son chronotype : s’il est « lève tôt » alors il sera judicieux de se coucher plus tôt le soir pour préserver son horaire de lever ; s’il est « lève tard », il pourra maintenir son heure de coucher et retarder son heure de lever. Son état de vigilance pourra être un repère de la bonne réalisation de la procédure.