Lepape-info : Faut-il nécessairement se préparer psychologiquement à la compétition et à la performance ?
Cédric Quignon-Fleuret :Le sportif se met naturellement en condition pour la compétition. Mais il faut différencier deux types d’athlète : celui qui se prépare au feeling sans trop se « prendre la tête » et celui qui au contraire organise sa préparation, travaille son mental de façon très méthodique. Il y a plusieurs sortes de processus pour arriver prêt mentalement à la compétition.
Lepape-info : Pourquoi un sportif prêt physiquement peut-il échouer à cause du mental ?
C. Q.-F. : Il faut être très vigilant sur la question du « mental ». En cas d’échec, les entraîneurs et sportifs ont tendance à pointer du doigt le mental. Or il y a différentes raisons qui expliquent un échec. Si le mental en est la cause, alors il faut identifier ce qui n’a pas marché dans le mental. Est-ce le manque de concentration, le manque de confiance en soi, la peur de gagner ? Il faut se pencher sur une analyse très fine du problème.
Lepape-info : Faut-il faire appel à un spécialiste (psychologue, préparateur mental…) ?
C. Q.-F. : Si on n’arrive pas à s’analyser soi-même et à trouver le blocage alors oui, il est conseillé de faire appel à un spécialiste. Mais là encore, attention. Un sportif se tourne plus facilement vers un préparateur mental car il y a le mot « mental ». Mais le terme « préparateur mental » n’est pas significatif d’un titre, il définit plus un champ d’intervention. Donc il faut se renseigner sur la compétence et le sérieux du préparateur mental. Psychologue par exemple est un métier reconnu et légalisé. Il y a différents types d’intervenants en préparation mentale qui sont tout à fait bien formés et expérimentés. Le travail d’un psychologue spécialisé dans le sport sera de déterminer quel type de difficulté rencontre l’athlète. Soit c’est quelque chose de très personnel et en lien avec son environnement (problème de couple, de relationnel, le travail…), soit c’est plus spécifique au sport et dans ce cas il faut entamer un travail plus centré sur les problématiques sportives.
Lepape-info : Généralement, quelles sont les méthodes utilisées par un sportif pour se préparer mentalement à la compétition ?
C. Q.-F. : Il faut accompagner le sportif pour qu’il s’épanouisse dans sa performance. Il ne faut pas oublier la notion de plaisir dans la compétition malgré la tension générale. Ma méthode est simple : elle consiste à interpréter purement des difficultés. Un exemple : un sportif vient me voir en me disant : « Je suis trop stressé avant la compétition, pourquoi ? ». Ma démarche sera de trouver la cause de cette angoisse sur le plan clinique. Ce stress pré compétition n’a peut-être aucun lien direct avec l’évènement sportif, cela cache peut-être une peur de l’accomplissement, une peur de gagner, de ce qui peut se passer après une victoire… Le même symptôme renvoie à des problématiques différentes selon l’individu. Mon rôle est d’identifier le problème et d’essayer de comprendre en quoi ce problème est rattaché à la personnalité et à l’histoire de la personne. C’est une démarche de prudence et complexe que je ne prends jamais à la légère.
En tant que psychologue, je rentre dans l’intime, j’essaie de comprendre avec le patient ce qui peut bien provoquer ces blocages dans le but qu’il arrive enfin à se libérer en compétition. C’est un réel travail qu’il faut savoir maîtriser pour ne pas commettre d’erreurs et bouleverser encore plus l’état émotionnel du sportif. Cela demande une formation sérieuse et pointue.
Lepape-info : A quel moment cette préparation commence-t-elle ?
C. Q.-F. : L’encadrement psychologique peut démarrer dès le début de la saison car selon les difficultés, le travail sera plus ou moins long et demande du temps pour arriver à un résultat concret. L’ennui, c’est que je suis confronté à des sportifs de haut niveau. Or le haut niveau, c’est de l’immédiat. Il faut un résultat en quelques jours mais la psychologie et la préparation mentale ne se règlent pas en deux jours. Il faut être patient, il y a un réel travail de sensibilisation.
En revanche, à l’approche des compétitions, l’athlète doit se réapproprier la préparation, le psychologue devrait moins intervenir. Il faut toujours conserver une part d’autonomie car l’acteur de la performance c’est le sportif lui-même, je suis seulement là pour l’accompagner.
Le jour J, il faut se mettre en condition et avoir à l’esprit que l’on bascule de l’entraînement à la compétition, il y a donc un changement de l’état psychologique. Il faut se débarrasser des parasites (des angoisses quotidiennes, des conflits actuels dans sa vie personnelle…). Le jour de la compétition, l’esprit doit être libéré.
Le sportif peut s’entourer ce jour-là de personnes qui lui apportent quelque chose sur le plan psychologique : le coach, le kiné, un parent…. L’entourage peut, selon la personnalité du sportif, le motiver ou le rassurer.
Lepape-info : Quel regard porte l’entraîneur sur cet accompagnement psychologique ?
C. Q.-F. : Il y a du mieux, beaucoup d’entraîneurs perçoivent l’intérêt d’intégrer un soutien psychologique par un spécialiste. Ils réalisent que c’est un élément essentiel. Le mental en compétition est primordial à la réussite. Il faut s’entraîner mentalement à la compétition de la même manière que l’on se prépare physiquement. Mais la question est de savoir vers qui se tourner pour ce type d’accompagnement. Introduire un élément nouveau dans un système, c’est prendre un risque. Ce qui explique certaines hésitations de la part des entraîneurs et du staff fédéral.
Lepape-info : Pensez-vous que l’on naît compétiteur ou qu’on le devient ?
C. Q.-F. : Il n’est pas question de génétique. Mais oui, il y a des profils plus compétiteurs que d’autres. Cela s’explique par leur histoire personnelle, leur enfance, leur éducation… Certains sont surexcités par la compétition, la confrontation et l’envie de battre les autres, toujours et encore. D’autres sportifs sont dans un état d’esprit plus calme, moins liés à l’affrontement, à la confrontation. Pour ceux-là, le sport est d’abord une hygiène de vie, un dépassement de soi. Ils sont parfois dépassés par les valeurs ultra-compétitives souvent véhiculées par le sport de haut niveau et ne s’y retrouvent pas. A l’inverse, un sportif plus compétiteur et avide de sensations pourra manquer de patience et de rigueur à l’entraînement, contrairement au second profil. Tout est question d’équilibre !
Propos recueillis par Elodie Guegan