S’entrainer en ville : quels sont les risques liés à la pollution?

A-t-on plus à perdre qu’à gagner à s’entraîner en environnement urbain, là où les gaz d’échappement sont devenus des compagnons de route ? Un papier récent (Giles & Koehle, Sports Medicine, 2014) a fait le tour des effets physiologiques recensés de l’exercice au contact des :

  • particules de matière (dont l’aérodynamisme favorise le dépôt dans les voies aériennes !),
  • ozone (qui résulte de l’interaction de différents gaz !),
  • et monoxyde de carbone (qui possède une affinité avec l’hémoglobine 210 à 240 fois plus grande que l’oxygène !!).

Résultats des courses ? L’exercice pose évidemment le challenge de devoir augmenter la ventilation pour répondre aux besoins énergétiques, mais au-delà, c’est le mode de ventilation qui devient problématique en environnement pollué. Pourquoi ? En devenant principalement buccale et moins nasale, c’est toute la fonction de filtre du nez qui est contournée par les gaz pollués lors de la ventilation à l’exercice, conduisant à un dépôt 3 à 10 fois supérieur de particules dans les voies aériennes. Une dose d’ailleurs dépendante de l’intensité de l’exercice (et de sa durée, évidemment)…

Conséquence : quatre grandes fonctions de l’organisme sont développées au sein de l’article de Giles & Koehle comme étant principalement impactées par l’exercice en conditions de pollution :

  1. respiratoire, avec une ventilation plus fréquente pour un volume d’air ventilé inférieur (une réponse exacerbée avec la durée de l’exercice par l’hypoxie grandissante), et une fonction pulmonaire atténuée (plus grande résistance au passage de l’air, bronchodilatation réduite, voire inflammation cellulaire).
  2. cardiovasculaire, avec une capacité de dilatation atténuée des vaisseaux sanguins, et de possibles ischémies du myocarde (manque d’irrigation), élevant ainsi de quelques battements la fréquence cardiaque (environ +6bpm rien qu’au repos !).
  3. cognitive, en augmentant la pénibilité perçue pour une intensité d’effort donnée et/ou en réduisant la circulation d’éléments chimiques libérés à l’exercice et élevant le niveau d’activité cérébrale (les facteurs neurotrophiques dérivés du cerveau).
  4. et systémique, en augmentant le niveau de stress oxydatif subi par l’organisme (dégradation des cellules).

A lire ceci, il semble hautement préjudiciable de s’exercer en ville…Non ! Certes le risque d’une « régulation physiologique altérée » est davantage présent, mais la question reste surtout celle des coûts et des bénéfices liés à l’exercice et à la pollution, respectivement. « A-t-on plus à y perdre qu’à y gagner ? »

Evidemment à l’échelle de chacun il demeure impossible de trancher ici. Pour autant, si les personnes présentant des troubles de santé liés aux fonctions énoncées sont naturellement les plus à risques (athérosclérose, bronchite, asthme, maladies cardiovasculaires, etc.), n’oublions alors pas qu’il existe des normes de pollutions – souvent rappelées par les communes afin de ne pas être dépassées – et qu’à l’échelle individuelle, une marge de manœuvre reste disponible pour se prémunir des effets de la pollution (persistant parfois quelques heures) :

  • Faire de l’exercice (et oui !), mais en environnement sain (sans gaz polluant) afin d’augmenter la tolérance de l’organisme à ce stress particulier, et de limiter ainsi les inflammations induites par la pollution lorsqu’on s’y expose ;
  • Effectuer une supplémentation en antioxydants, pour réduire les perturbations systémiques liées au stress oxydatif induit par la pollution;
  • Porter un masque (non pas pour filtrer… !) afin de diminuer la pression artérielle (en raison d’une plus grande part de CO2 inspiré). Particulièrement intéressant pour les personnes présentant des troubles cardiovasculaires… ;
  • Préférer les heures d’entraînement à la fraîche en été, plutôt que les heures chaudes qui favorisent les expositions à l’ozone ;
  • Autant que possible, privilégier une ventilation nasale lors de séances en ville. Les séances intenses requérant une ventilation essentiellement buccale devraient à l’inverse s’orienter vers des terrains moins exposés aux gaz d’échappement ;
  • Étant donné les effets cumulatifs de l’exposition à un environnement pollué, les temps d’inactivité passés au sein de ce type de contexte sont aussi à anticiper. Cela peut par exemple passer par une réflexion du trajet effectué pour se déplacer sur un lieu de compétition, du timing d’arrivée sur ce lieu, ou du mode de locomotion.

En bref, des éléments qui permettent de se réguler, font avancer la réflexion, mais n’autorisent pas à trancher – en raison du manque de consistance scientifique sur des aspects comme l’impact de l’âge, du sexe, de la température ambiante, l’intensité de l’exercice, ou la génétique… Dans ce cadre il est bon, nous semble-t-il, de rappeler que les réponses à l’entraînement sont souvent individuelles, et que changer d’environnement d’entraînement peut alors permettre d’identifier l’impact d’un facteur donné sur son ressenti, et sur sa performance personnelle. La pollution à l’entraînement… un facteur comme un autre ?

Cyril Schmit