Autant sur l’entraînement il est facile de donner notre avis. Si cela provoque un bon ou un mauvais état de forme, cela ne sera finalement pas si important « ce n’est que du sport » et il suffira de corriger le tir si vous avez pris la mauvaise direction.
En revanche, si vous êtes une femme sportive apprenant la nouvelle d’une grossesse, la question qui se pose de suite : est-il possible de continuer votre pratique ?
Cela devient forcément plus complexe avec des enjeux de santé importants.
Pourtant, certains influenceurs ont pris l’habitude de donner leurs avis sur tout et surtout de « donner leurs recettes ».
Déjà que pour l’entraînement ce qui fonctionne avec l’un ou l’autre ne fonctionnera pas avec tout le monde, alors dans le cadre d’une grossesse cette problématique encore plus de sens car les changements qu’elle peut provoquer n’auront pas nécessairement le même impact sur chaque femme.
Le principal problème étant que certaines pratiques pourront être à risques suivant l’évolution de votre grossesse.
Des recherches rigoureuses sur le sujet sont relativement rares, car peu aisées à réaliser car il va de soi que d’un point de vue déontologique on ne va pas tester des conditions sportives à risques sur une femme attendant un enfant.
L’étude, réalisée par le physiologiste Daniel Hardy et ses collègues de l’Université Western au Canada, a examiné les propriétés du placenta immédiatement après la naissance de bébés dans un groupe de 29 femmes ayant réalisé durant leur grossesse soit un exercice léger, modéré ou sans pratique physique du tout.
D’après les données de recherches précédentes on sait que l’exercice pourra être bénéfique pour la femme enceinte, mais ici la question centrale est de savoir si cela le sera également pour le fœtus et donc le futur enfant.
Michelle Mottola, co-auteure de cette nouvelle étude et directrice du Western’s Exercise and Pregnancy Laboratory, est également l’investigatrice d’une déclaration de consensus publiée en 2019 avec une vingtaine de spécialistes internationaux dans le British Journal of Sports Medicine qui se termine par une synthèse de différents conseils et contre-indications pour les femmes enceintes :
1/ Tout d’abord le consensus confirme que les femmes enceintes sans contre-indication médicales devraient être actives tout au long de leur grossesse, avec un niveau de preuve assez important d’après la synthèse des travaux rigoureux réalisés sur le sujet.
1/ bis. Des sous-groupes avaient également été réalisés montrant des recommandations fortes pour les femmes auparavant inactives ou en surpoids.
2/ Le conseil général donné aux femmes enceintes en bonne santé est qu’elles devraient réaliser au moins autour de 150 minutes d’exercice modéré par semaine, réparties sur au moins trois jours (être active chaque jour quitte à réaliser une activité moins longue est encore plus recommandé) pour obtenir des bienfaits cliniquement significatifs pour leur santé et réduire les risques de complications.
3/ Une recommandation forte est faite avec de hauts niveaux de preuve que ces activités devraient intégrer une sollicitation aérobie sous-maximale couplée à un renforcement musculaire léger. L’ajout de yoga ou d’étirements doux pourra également être bénéfique.
4/ L’entraînement des muscles du plancher pelvien (ex : exercices de Kegel) peut être effectué quotidiennement pour réduire le risque d’incontinence urinaire. Des instructions sur la technique appropriée sont recommandées pour obtenir des avantages optimaux. Ici les preuves sont plus faibles, mais les études sur le sujet également moins nombreuses.
5/ Les femmes enceintes souffrant de vertiges, de nausées ou de malaises lorsqu’elles font de l’exercice à plat sur le dos devront modifier leur position d’exercice pour éviter la position couchée sur le dos.
Contre-indications issues du consensus
Les femmes enceintes peuvent pratiquer une activité physique tout au long de la grossesse, à l’exception de celles présentant des contre-indications (énumérées ci-dessous). Les femmes présentant des contre-indications absolues (parmi celles citées ci-dessous) peuvent poursuivre leurs activités habituelles de la vie quotidienne, mais ne devraient pas pratiquer des activités plus intenses.
Les femmes présentant des contre-indications relatives (ci-dessous) devraient discuter des avantages et des inconvénients d’une activité physique d’intensité modérée à intense avec les professionnels de santé réalisant leur suivi.
Les contre-indications absolues à l’exercice sont les suivantes :
Membranes rompues
Travail prématuré
Saignements vaginaux persistants inexpliqués
Placenta praevia (localisation anormale du placenta) après 28 semaines de gestation
Pré-éclampsie (hypertension artérielle gravidique)
Dysfonctionnement du col de l’utérus incompétent
Restriction de croissance intra-utérine
Grossesse multiple d’ordre élevé (par exemple des triplés)
Diabète de type I non contrôlé
Hypertension non contrôlée
Maladie thyroïdienne non contrôlée
Autre trouble cardiovasculaire, respiratoire ou systémique grave
Les contre-indications relatives à l’exercice sont les suivantes :
Fausses-couches à répétition
Hypertension gestationnelle
Risque de naissance prématurée
Maladie cardiovasculaire ou respiratoire légère à modérée
Anémie symptomatique
Malnutrition
Trouble de l’alimentation
Grossesse gémellaire (jumeaux) après la 28e semaine.
Pratique physique et santé du futur bébé
Dans la nouvelle étude, 8 des 21 femmes participant à l’étude n’ont pas eu de pratique physique pendant leur grossesse et ont donc été intégrées au groupe contrôle. Les 21 autres, à partir du 4ème mois de grossesse ont réalisé une activité physique comprenant de l’ergocycle, des montées d’escaliers ou des cours en salle, soit dans le groupe intensité faible (autour de 30% de la fréquence cardiaque de réserve = FC max – FC repos) soit dans le groupe intensité modérée (autour de 70% de la fréquence cardiaque de réserve).
Ce programme étant à réaliser au moins 3 fois par semaine, pour un volume total d’au moins 150 minutes hebdomadaire de pratique à l’intensité visée.
Toutes les femmes ont donné naissance à des bébés en bonne santé et un échantillon de leur placenta a été prélevé pour analyse dans l’heure suivant l’accouchement. L’objectif principal de l’étude était de mesurer les marqueurs de l’angiogenèse, qui représente la formation de nouveaux vaisseaux sanguins à partir de vaisseaux préexistants.
Il est bien établi que l’exercice aérobie favorise l’angiogenèse, notamment par l’augmentation du réseau capillaire, comme si nous fabriquions de nouvelles voies de circulation du réseau sanguin, notre fournisseur d’énergie aérobie donc de la vie de tous les jours et source principale des sports d’endurance que nous pratiquons.
C’est d’ailleurs l’une des principales adaptations dû au travail aérobie à basse et haute intensité dans l’objectif de fournir plus efficacement du sang riche en oxygène aux muscles sollicités dans notre sport.
Le placenta est donc l’organe qui fournit de l’oxygène et des nutriments au fœtus, ce qui en fait un déterminant crucial de sa croissance et de sa santé, mais il n’est pas évident qu’il devrait développer plus de vaisseaux sanguins, car le fœtus lui-même ne fait pas d’exercice.
Et il y a aussi un compromis potentiel. Si le placenta développe plus de vaisseaux sanguins, cela pourrait être signe de stress du fœtus par un potentiel manque d’oxygène pendant l’exercice de sa mère. L’étude a donc également recherché des marqueurs moléculaires associés à des périodes présentant de faibles taux d’oxygène, ainsi que d’autres associés au stress oxydatif ou à de potentielles mauvaises adaptations.
Le résultat le plus important reste que tous les bébés sont nés en bonne santé. Il n’y avait pas de différences significatives dans la taille, le poids ou le moment de l’accouchement.
Surtout, il y a eu une multiplication par dix des taux d’angiogénine, la protéine clé impliquée dans la stimulation de la formation des vaisseaux sanguins, dans les deux groupes de femmes ayant pratiqué de l’exercice physique vis-à-vis des femmes sédentaires.
D’autre part, il n’y a donc pas eu de différences significatives suivant l’intensité de l’exercice, en gardant bien en tête qu’il n’y a pas eu de groupes avec exercices d’intensité élevée et qu’une étude avec 21 sujets restent très intéressante, mais qu’il serait trop précoce de tirer des conclusions sur l’absence de différence entre intensité faible et modérée avec une seule étude comprenant une vingtaine de participants.
À l’inverse, il n’y avait aucune différence dans une longue liste de marqueurs comme la faible teneur en oxygène, le stress oxydatif, le stress du réticulum endoplasmique et d’autres adaptations négatives potentielles.
Clairement la question de l’intérêt d’une pratique physique aérobie pendant la grossesse semble au fil des études ne plus se poser que ce soit pour la femme enceinte ou son propre bébé. Les seuls freins pourront être les différentes complications rencontrées comme celles vues plus haut, ou certains mouvements ou pratiques rendues compliquées suivant les évolutions individuelles de la grossesse.
Par ailleurs, sans que cela ne soit encore complètement clair, la formation de nouveaux vaisseaux sanguins via l’exercice aérobie, pourrait être une potentielle réponse à certaines complications comme le diabète gestationnel et la restriction de croissance intra-utérine qui pourront provoquer un effet inverse, bien entendu sous le contrôle de votre spécialiste.
Quid d’une pratique à haute intensité ?
La grande question sans réponse reste celle à laquelle laque la recherche peut difficilement répondre : est-il possible de continuer à pratiquer de façon intense pendant votre grossesse ? Très souvent lorsque cette question est posée, on conseillera à la femme enceinte de se situer en-dessous de 130-140 battements par minute de fréquence cardiaque. C’est évidemment assez peu précis suivant vos antécédents sportifs, votre santé cardiovasculaire et surtout l’évolution de votre grossesse. Mais, cela reste une indication assez générale qui suivant le niveau d’activité physique préalable devrait éviter de dépasser le seuil anaérobie et donc d’aller dans de hautes intensités, en restant dans un niveau de ventilation maitrisé.
Une étude islandaise paru en 2019 a réalisé une importante recherche portant sur 248 participantes avec différents groupes dont l’un comprenait 130 femmes appartenant à une équipe nationale Olympique ou à un sport professionnel.
Leurs résultats semblent montrer de façon générale, qu’appartenir à cette partie de la population n’aura pas provoqué plus de complications pendant la grossesse ou à son terme. Cette étude présente quelques biais, notamment le fait que la pratique était mesurée en volume et non en intensité, mais tend comme des études précédentes à démontrer que la pratique physique n’est pas à proscrire durant la grossesse, bien au contraire, mais qu’elle est à adapter en fonction de vos réponses personnelles.
Par exemple, ce groupe de sportives comprenait 5 cavalières et 5 haltérophiles, sports à forts impacts, mais il semble très aléatoire de conclure quoi que ce soit à partir d’une population de 10 personnes et sans connaitre l’implication qu’elles ont pu mettre dans leur pratique.
En revanche, comme dans les autres études déjà réalisées sur des sportives de haut-niveau, la pratique physique semble le plus souvent maintenue dans leurs vies, comme un besoin physiologique et/ou psychologique légitime.
À partir de ces quelques études il semble donc clair que si vous êtes enceinte et souhaitez rester active il ne faut pas vous en priver, d’autant plus pour votre santé et celle de votre futur enfant et qu’il faudra simplement encore plus individualiser votre pratique.
Il faudra donc être à l’écoute des signaux de votre corps, bien vous hydratez, avoir une balance alimentaire positive et une alimentation qualitative, être vigilante en cas d’inconfort inhabituel, et idéalement discuter de votre situation individuelle avec votre docteur.
Ne sont pas recommandés : la haute altitude, la chaleur extrême, l’escalade et la plongée sous-marine.
L’exercice régulier et modéré, en revanche, semble être tout à fait positif dans des circonstances normales, tant pour la mère que pour l’enfant et les preuves de performances post accouchement quel qu’ ait été la gestion sportive ne manquent pas .
Faites avant tout ce dont vous avez envie tant que cela reste réalisé dans de bonnes conditions de santé.