A ce propos une récente étude de recherche va peut-être pouvoir nous éclairer sur la question. Réalisée par l’équipe Britannique de Kelly McNulty et Kirsty Jayne Elliott-Sale, des Universités de Newcastle et Nottingham, il s’agit d’une méta-analyse.
Ce type de recherche consiste à regrouper toutes les études expérimentales sur un sujet et ainsi de densifier le nombre de participants, pour ensuite regarder si une direction émerge.
Ici ce n’était pas moins de 4720 protocoles de recherche qui ont été répertoriés.
Quelques rappels
Les deux hormones reproductrices mesurées chez la femme dans le cadre des cycles menstruels sont les œstrogènes et la progestérone. Elles augmentent et diminuent selon un schéma prévisible tout au long du cycle menstruel. En pratique, les cycles ne sont pas toujours de 28 jours comme souvent décrits. Par exemple dans ces études, les sujets montraient des cycles réguliers d’une durée pouvant allant de 21 à 35 jours.
Nous savons depuis de nombreuses années que la production d’œstrogène est considérée comme pouvant potentiellement améliorer les performances, grâce à ses effets sur les muscles et leur construction, le métabolisme des glucides et la signalisation neuromusculaire.
En revanche, la production de progestérone pourra avoir un impact négatif sur la performance sportive, par son caractère inhibiteur sur les œstrogènes.
Voici un graphique extrait de l’article original montrant l’évolution moyenne de ces deux hormones pour un cycle classique de 28 jours :
Il y a trois phases clés où le milieu hormonal présente les contrastes les plus nets. Au début de la phase folliculaire (1er-5ème jour), les œstrogènes et la progestérone sont à leur niveau les plus bas. Dans la phase mi-lutéale (ici du 20 au 23ème jour), ils sont tous deux élevés. C’est la comparaison que font de nombreuses études, en supposant que les plus grandes différences de performance seraient à noter entre ces deux périodes présentant pour l’une un très faible taux d’hormones et pour l’autre de très hauts niveaux. Mais, la période autour de l’ovulation (10-14ème jour), lorsque le taux d’œstrogènes est à son maximum sans aucune interférence avec la progestérone, pourrait être le moment le plus opportun pour un haut niveau de performance, en théorie du moins.
Quels résultats ?
Les chercheurs ont alors évalué la qualité des différentes études pour finalement retenir 78 protocoles de recherche, regroupant 1193 participantes au total. Elles ont alors extrait les données et effectué de nombreuses analyses. Le modèle le plus clair est apparu lorsque les performances pendant la phase folliculaire précoce ont été comparées à toutes les autres phases du cycle menstruel. Les mesures de performance comprenaient une grande variété de paramètres comme des mesures de la force, de l’endurance, de la VO2 max ou lors de contre la montre ou de résultats de courses.
Mauvaise nouvelle, les résultats ne sont pas clairs, quelle que soit la phase comparée et le facteur de performance étudié. Les principales raisons évoquées sont les différences méthodologiques entre les protocoles, les échantillons de sportives souvent réduits (14 participantes en moyenne) et le niveau de performance hétérogène des athlètes.
Malgré tout, la phase folliculaire (des jours 1 à 5 pour un cycle de 28 jours, J1 correspondant au 1er jour de saignements) montrait le plus souvent une légère diminution des performances. Or, nous savons tous qu’à partir du moment où l’on parle d’athlètes compétitifs, même une très légère diminution du niveau athlétique pourra chambouler un classement. Et, plus le niveau des sportives sera élevé, plus cela pourra être pénalisant, chaque détail pouvant faire la différence entre une victoire et un podium, un podium et une place de finaliste.
Finalement, la principale conclusion de ce travail est qu’en l’état des recherches sur le sujet il n’est pas possible de donner des conseils généraux pour toutes les femmes sportives. En revanche, il semble très clair que chaque sportive connaitra un impact des différentes phases menstruelles de façon différente sur son état de forme, sa fatigue, sa récupération, son niveau de force ou d’endurance, etc.
Individualiser l’entraînement
L’individualisation si importante des plannings d’entraînement, de la programmation, des compétitions, de la nutrition, des phases de récupération, comme on l’a déjà montré dans nos papiers, écrits, etc … à partir d’études principalement réalisées sur des hommes devient donc encore plus essentiel pour une population d’athlètes féminines.
Trent Stellingwerff, directeur de la performance de Team Canada athlétisme explique d’ailleurs qu’en l’état de la science et de par son expérience personnelle, la meilleure stratégie consiste à demander aux sportives de suivre leurs différents cycles menstruels dans le temps, en notant les différents symptômes potentiellement associés (maux de tête, prise de poids, rétention d’eau, douleurs musculaires/articulaires, diarrhée/constipation, ballonnements), comme elles le feraient pour leur suivi d’entraînement en inscrivant sur un cahier, un fichier informatique ou une application : le volume de leurs séances, l’intensité, les chronos réalisés, les sensations, etc.
Nous allons donc finir cette partie sans conclusion affirmative. Mais avec une synthèse qui vient renforcer la façon avec laquelle vous devez fonctionner avec vos athlètes ou avec vous-même. C’est à dire que la base de tout projet sportif est d’avoir de l’empathie pour ses sportifs et sportives.
Cela veut dire que même si vous êtes le meilleur du monde pour construire des entraînements et des planifications sur le papier, cela ne pourra jamais fonctionner si vous ne prenez pas en compte le caractère individuel de votre matière, l’Humain avec lequel vous travaillez. Et oui, un sportif n’est pas un robot.
L’individualisation passera déjà par le caractère purement sportif : type d’épreuve préparé, points forts/faibles physiques/techniques/mentaux.
Puis toujours attenant à l’entraînement, mais s’éloignant déjà de la discipline en elle-même : capacité à encaisser la charge, à récupérer des entraînements et à y répondre.
S’ajouteront alors les actions annexes au sport : scolarité, famille, travail, transports, sommeil, nutrition.
C’est quelque chose de très bête mais essentiel : demandez-vous à votre athlète ou vous interroger vous-même : comment vas-tu ? As-tu bien dormi ? Ta journée a-t-elle était fatigante, stressante ?
Les grands entraîneurs connaissant une récurrence de résultats établissent souvent un plan « large » pour leurs sportifs et décideront du contenu de la séance au dernier moment en fonction de ce qu’ils savent et ressentent de leurs sportifs. Ainsi, ils seront toujours dans l’adaptation à la situation (état de forme, fatigue, sommeil, conditions environnementales, progrès, etc.).
La phase menstruelle chez la femme sportive (la femme en général ?), pend alors tout son sens dans ce fonctionnement. Comment imaginer faire progresser une sportive pendant des mois, des années d’entraînement si l’on applique une planification théorique sans prendre en compte ces différentes périodes qui pourraient avoir des impacts positifs et négatifs sur sa réponse à l’entraînement, son risque de blessure, la gestion de sa fatigue, ses capacités de récupération, sa disponibilité mentale, etc…
L’entraîneur et sa sportive devront donc, si la confiance le permet, pouvoir échanger sur le sujet afin de maximiser leur collaboration et l’atteinte des objectifs qu’ils se sont fixés.
Quid des pilules contraceptives ?
Chez la sportive élite, elle est le moyen de contraception le plus utilisé, comme chez la jeune femme (78,6% chez les 15-29 ans), part qui se réduira de plus en plus avec l’âge, notamment au profit des stérilets. Certaines sportives utiliseront également la pilule contraceptive pour influer sur la date d’arrivée des règles. Le fonctionnement hormonal de la pilule est assez simple : elles réduisent la quantité d’œstrogène et de progestérone naturels dans le corps tout au long du cycle de 28 jours et fournissent un œstrogène et un progestatif artificiel pendant les 21 jours de prise de la pilule.
L’équipe Britannique a également essayé d’évaluer les effets des contraceptifs oraux sur la performance physique.
A nouveau la réponse n’était pas claire, démontrant le caractère très individuel de la question. Cela signifie qu’il vaut mieux adopter une approche individuelle de l’athlète en ce qui concerne l’utilisation de la pilule contraceptive, en se concentrant à nouveau sur la réponse de chaque athlète à son contraceptif oral, car certaines athlètes peuvent être affectés, lorsque d’autres ne le seront pas.
Leur enquête a également montré que la performance à l’effort n’a pas changé entre la prise de pilule et les jours sans pilule, ce qui signifie que les sportives n’auront pas nécessairement à se soucier du jour de leur cycle de pilule contraceptive orale si elles ne constatent pas d’impact négatif sur leurs performances.
1 réaction à cet article
Francis
Super article encore une fois. Je pratique et m’écoute depuis maintenant quelques années et j’arrive à savoir au vu de mon cycle comment se fera ma recup et où placer les séances importantes. Et il est vrai que toutes les perf ‘ que j’ ai pu faire ont eu lieu lors de l’ovulation.
tellement passionnant d’étudier tout ceci.
La clef de la réussite restant la communication athlète-entraîneur quand les deux en sont capables.