Les tendinopathies du tendon d’Achille – Mieux comprendre, mieux traiter, mieux prévenir en 2020

Les blessures du tendon d’Achille sont connues et décrites depuis des millénaires, mais la compréhension fine des mécanismes expliquant les atteintes des tendons chez les sportifs ne fait que débuter. Si l’anatomie du triceps sural et le rôle du tendon d’Achille sont à présent bien connus, les modalités de dégradation et de cicatrisation des fibres de ce tendon font toujours l’objet d’études et de découvertes au niveau microscopique.
Pour mieux guider les sportifs, nous allons mêler les modes de fonctionnement anciens qui ont fait leurs preuves et les nouvelles techniques de prise en charge qui semblent prometteuses. Et tenter de développer une procédure ayant pour objectif d’arriver à un traitement efficace.

 

Première étape : mieux comprendre les conditions de survenue de la tendinopathie 

Pour expliquer la survenue d’une blessure chez le sportif, le « phénomène de transition » est évoqué depuis plusieurs décennies. Une modification dans la programmation de l’entrainement ou une erreur dans la programmation des compétitions, un changement concernant les sols sportifs ou plus simplement les chaussures peuvent être à l’origine d’une atteinte tendineuse. On le sait depuis très longtemps, les tendons n’aiment pas les changements brutaux. Mais l’évolution naturelle d’une tendinopathie et son processus de guérison ne sont pas vraiment connus. 

Jill Cook, une médecin australienne spécialisée dans les maladies musculaires et tendineuses, a proposé, en 2009 puis en 2016, un modèle de « continuum » avec 4 stades anatomiques : le tendon normal, le tendon réactif, le tendon disréactif, la tendinopathie. Ces stades anatomiques sont interchangeables et réversibles dans le temps. Pour expliquer cette réversibilité, Jill Cook explique qu’il peut exister en permanence à l’intérieur du même tendon des zones saines et des zones pathologiques. Lorsque les zones pathologiques ne sont plus capables d’absorber la charge de travail que lui impose le sportif, le tendon va évoluer en modifiant son métabolisme et son épaisseur. Des phénomènes douloureux vont parfois accompagner ces modifications mais pas systématiquement. Par exemple, le suivi mensuel par échographie d’une équipe de volley-ball a montré que les tendons rotuliens des joueurs augmentaient de volume à certaines périodes, que ces modifications ne s’accompagnaient pas toujours de douleurs et que le tendon pouvait revenir à un état normal en diminuant, mais sans l’arrêter, la charge de travail.

Cette première étape relève d’échanges pluridisciplinaires. Le sportif, son environnement technique et médical doivent tenter de comprendre les raisons du déclenchement de la tendinopathie. Et tenter de ne pas commettre à nouveau le même type d’erreur…

 

Deuxième étape : évaluer l’importance de la gêne fonctionnelle dans la pratique sportive

Cette seconde étape va permettre de préciser la date de survenue de la gêne douloureuse et sa répercussion sur l’activité sportive. Différentes classifications, les plus connues sont celles de Blazina, Leadbetter, Ferretti, Nirschl, sont à la disposition des sportifs et des praticiens. Elles classent les tendinopathies selon leur délai d’apparition : tendinopathies aiguës avant six semaines, tendinopathies chroniques au delà de six semaines. Les douleurs qui ne limitent pas l’activité physique sont classées en deux stades selon qu’elles disparaissent à l’exercice pour réapparaitre après (stade 1) ou qu’elles restent présentes à l’exercice et après l’exercice sans vraiment perturber le sportif (stade 2). Les douleurs qui persistent plusieurs jours après l’effort et perturbent l’entrainement sont classées au stade 3. Les douleurs permanentes évoluant depuis plus de six semaines, gênantes dans la vie quotidienne et empêchant toute activité sportive sont classées au stade 4.

 

Troisième étape : l’examen clinique pour localiser la tendinopathie

Depuis une dizaine d’années, les professionnels de santé spécialisés dans le suivi des sportifs se sont mis d’accord pour classer les différentes atteintes du tendon d’Achille en cinq familles :

  • la « tendinopathie corporéale » correspond à une atteinte du corps du tendon qui se situe entre 2 et 7 cm au dessus de l’insertion du tendon sur le calcaneum.
  • la « péritendinopathie » se caractérise par une inflammation aiguë ou chronique de la membrane enveloppant le tendon. Cette inflammation s’accompagne de gonflement et de douleurs.
  • la « tendinopathie d’insertion » se localise à la jonction du tendon avec l’os, au niveau de la zone d’insertion du tendon d’Achille sur le calcaneum. Cette « enthèsopathie » s’accompagne parfois de la présence d’ossifications et, plus grave, de ruptures tendineuses partielles.
  • la « bursite rétrocalcanéenne » se situe à la partie postérieure et supérieure du calcaneum. Elle signe le plus souvent une souffrance du carrefour postérieur, une zone stratégique située entre l’articulation de la cheville et l’insertion du tendon d’Achille.
  • la « bursite calcanéenne superficielle » est située à l’arrière du calcaneum, sous la peau. Elle est le plus souvent le signe d’une agression par les chaussures à contrefort trop rigide.

 

Cette classification anatomique, tout à fait possible à discerner par un bon clinicien, est essentielle car à chaque type d’atteinte correspond un traitement différent.

 

Quatrième étape : les examens complémentaires, échographie et IRM

L’échographie est le meilleur examen pour aborder les pathologies tendineuses et notamment les tendinopathies d’Achille. Les sondes de très hautes fréquences permettent de bien définir la structure interne du tendon. L’échographie permet aussi une étude dynamique du tendon et de la cheville en contractant le triceps et en mobilisant l’articulation. Il s’agit vraiment d’un examen de première intention qui devrait être pratiqué systématiquement dans les quinze premiers jours en cas de douleurs importantes au niveau du talon. 

Mais le sportif complique toujours les choses simples. Il associe souvent une tendinopathie corporelle et une péritendinopathie ou, plus ennuyeux encore, une tendinopathie d’insertion avec une bursite rétrocalcanéenne. En cas de douleurs persistantes après 6 semaines, une IRM de la cheville, du calcaneum et du tendon d’Achille permettra de montrer les atteintes osseuses ou articulaires associées à la tendinopathie.

 

Cinquième étape : le choix du traitement en cas de tendinopathie aiguë 

 

  • Le repos sportif devrait être total au niveau des membres inférieurs en cas d’apparition récente de la douleur tant qu’un diagnostic précis de la localisation de la tendinopathie n’est pas fait. 
  • l’application de froid pendant 15 à 20 minutes à quatre reprises par jour dans les quinze premiers jours reste une pratique intéressante, surtout en cas de bursite ou de péritendinopathie. 

 

  • la mise en décharge par l’utilisation de béquilles et l’immobilisation par une attelle amovible ou pneumatique devraient être envisagées pour les accros de la course à pied et pour les sportifs qui ont un métier très actif.
  • la rééducation et la prise en charge régulière par un kinésithérapeute vont permettre une cicatrisation de bonne qualité. La rééducation devra toujours être indolore en débutant par des exercices isométriques. Quel que soit le protocole excentrique utilisé (Stanish ou Alfredson), les étirements seront très prudents, progressifs et non douloureux. Ces protocoles seront décrits dans un prochain article.
  • la reprise sportive se fera par les sports « portés » (vélo, natation) dont la pratique ne doit déclencher aucune douleur.
  • un premier bilan podologique ou une consultation de contrôle chez un podologue du sport est toujours recommandée.
  • la reprise de la course à pied sera très prudente selon un protocole défini en alternant marche-course dans les premières semaines.

 

Sixième étape : le choix des traitements médicaux après six semaines sans amélioration

Si les douleurs persistent après six semaines, il s’agit d’une tendinopathie chronique. Les différentes thérapeutiques médicales vont tenter de « réactiver » la cicatrisation en la remodelant et en l’orientant pour la rendre moins anarchique et plus solide. Deux types de thérapeutiques médicales sont actuellement utilisés par les équipes médicales qui accompagnent les sportifs : les massages transverses profonds (MTP) et les ondes de choc (ODC) ; les injections de corticoïdes ou de plasma riche en plaquettes (PRP)

  • En cas de tendinopathie corporéale isolée, MTP et ondes de choc sont très efficaces avec de bons résultats dans plus de 80 % des cas.
  • en cas de péritendinopathie ou de bursite rétrocalcanéenne, les ondes de choc ne sont pas indiquées. Les infiltrations de corticoïdes peuvent être envisagées avec prudence et seulement s’il n’existe pas de lésions tendineuses sous-jacentes associées.
  • en cas de tendinopathie d’insertion avec fissure ou rupture partielle, les injections de Plasma riche en Plaquettes (PRP) semblent actuellement faire la preuve de leur efficacité. 
  • en cas de tendinopathie chronique, la course à pied doit être suspendue totalement et les activités physiques limitées aux sports portés de manière raisonnée et raisonnable.

 

Dernière étape : la chirurgie

Il arrive que les traitements médicaux ne soient pas efficaces et que les douleurs persistent plusieurs mois en gênant beaucoup les sportifs. C’est souvent le cas des tendinopathies qui associent bursite rétrocalcanéenne et tendinopathie d’insertion. La chirurgie est alors indiquée. Le sportif devra accepter d’oublier la course à pied pendant au moins six mois…

 

Tendinopathie d’Achille en 2020 : les conseils du médecin du sport

 

  • Douleurs du talon, attention prudence : vous êtes peut-être atteint d’une tendinopathie du tendon d’Achille qui pourrait vous mener en galère pendant plusieurs mois.
  • Toute tendinopathie est la conséquence du dépassement des capacités de résistance du tendon et de ses capacités de cicatrisation.
  • Les questions que vous devez vous poser : modifications de l’entrainement ? compétions trop rapprochées ? manque de récupération ? changement de sol ? changement de modèle de chaussures ? changement de drop ? changement d’appuis ?
  • Consultation médicale et échographie sont prioritaires pour faire un diagnostic précis de la localisation de l’atteinte tendineuse.
  • Les traitements médicaux vont dépendre de l’ancienneté de l’atteinte tendineuse et de la localisation de la lésion.
  • Une prise en charge pluridisciplinaire (médecin du sport, radiologue, kinésithérapeute, podologue, ostéopathe, chirurgien) est un gage de réussite en cas de tendinopathie difficile à traiter.
  • Certains médicaments peuvent être responsables de tendinopathies du corps du tendon ou de tendinopathies d’insertion, voire parfois de rupture. Si la prise d’antibiotiques de la classe des quinolones, de statines, de l’isotrétinoïne ou d’inhibiteurs de l’aromatase est incontournable pour des raisons médicales, le prescripteur devrait informer son patient sportif des risques toxiques de ces médicaments pour les tendons.