De plus en plus de sportifs ont intégré l’électrostimulation neuromusculaire dans leur préparation physique ou pour faciliter leur récupération après les entraînements intensifs ou les compétitions.
En cas de blessures, les plus téméraires appliquent, sans aucune précaution et malgré les avertissements du fabriquant, des séances de stimulation souvent inappropriées, voir aux effets délétères pour la cicatrisation de leur lésion. D’autres, plus prudents, préfèrent demander conseil à leur kinésithérapeute, quant au choix d’un programme à utiliser et les règles d’utilisation particulières qui s’y rapportent.
Ce dernier peut parfois être désemparé, car il n’a pas toujours une bonne connaissance des différences qui existent entre les programmes de stimulation qu’il utilise au cabinet, pour restaurer les qualités musculaires de ses patients et ceux appliquer par des sportifs sains et entraînés pour développer des qualités musculaires spécifiques.
Le muscle s’adapte
Le tissu musculaire a de formidable capacité d’adaptation. Ainsi lorsqu’un muscle lent est réinnervé par des fibres nerveuses innervant à l’origine un muscle rapide, sa vitesse de contraction augmente, alors qu’à l’inverse si on réinnerve un muscle rapide avec des fibres nerveuses innervant à l’origine un muscle lent, le muscle réinnervé devient plus lent.
L’activation neurologique et par conséquent l’activité ou l’inactivité à laquelle est soumise la musculature va donc entraîner de profondes modifications :
– typologique (pourcentage de fibres de type I et II),
– mécaniques (force et vitesse de contraction),
– biologiques et métaboliques (resynthèse de l’ATP)…
Et attention car si les bénéfices de l’entraînement apparaissent lentement et toujours de façon progressive, les adaptations défavorables consécutives au désentraînement ou pire à l’inactivité, se manifestent hélas, beaucoup plus rapidement.
C’est l’une des raisons qui expliquent les reprises pénibles de l’entraînement après une coupure même de courte durée.
De même, lors de blessures la perte des qualités musculaires peut être extrêmement rapide.
Il faut donc toujours considérer que les muscles du sportif blessé ne disposent plus de leur potentiel initial et qu’ils ne doivent donc être sollicités qu’au moyen d’exercices appropriés à leur nouvelle condition.
Electrostimulation à visée rééducative
Les rééducateurs utilisent deux programmes de base adaptés aux propriétés physiologiques des fibres musculaires de type I (lentes) et aux fibres de type IIb (rapides)
- Programme de type « Amyotrophie«
Lorsque le muscle est immobilisé en raison d’une blessure, les fibres lentes du muscle (fibres de type 1) sont les plus atteintes. La raison est simple : nous les utilisons en moyenne 16 heures par jour, contre quelques minutes pour les fibres rapides (pour un sédentaire, bien davantage chez certains sportifs). De fait, leur immobilisation les atrophient plus rapidement.
Le programme « Amyotrophie » permet une sollicitation maximale des fibres de type I avec l’utilisation de la fréquence de tétanisation maximale (30 – 35 Hz) conjuguée à des durées de contraction de longues durées (environ 6 secondes) entrecoupées par des périodes de repos de même durée.
Une autre caractéristique de ce type d’exercice est la quantité de travail imposé au muscle stimulé, avec environ 75 cycles contraction-repos.
Le but et les effets de ce programme sont la restauration du volume musculaire et de sa trophicité (Ensemble des phénomènes qui conditionnent la nutrition et le développement d’un tissu (ensemble de cellules), d’une partie de l’organisme ou d’un organe).
- Programme de type « Renforcement«
Ce programme a pour objectif de restaurer la force musculaire. Le principe est d’imposer des contractions maximales (60 – 70 Hz) aux fibres rapides en respectant des durées de contractions plus courtes et des repos plus longs que pour le programme de traitement de l’amyotrophie.
Ce programme s’utilise
– soit en l’absence d’amyotrophie et lorsqu’un déficit de force est préjudiciable (par exemple pour la stimulation précoce des tendons après une entorse de cheville),
– soit une fois la récupération du volume musculaire acquise après utilisation du programme « Amyotrophie ».
Le sportif de haut-niveau étant un cas particulier, il leur sera conseillé d’appliquer une séance d’amyotrophie ET une séance de renforcement de façon quotidienne.
- Quelques exemples de programmes spécifiques
A côté des deux programmes précédents, il existe de nombreux autres programmes de stimulation neuromusculaire qui répondent aux exigences spécifiques de certaines rééducations ou de certains cas cliniques. Pour n’en mentionner que quelques uns fréquemment utilisés lors de la rééducation des sportifs, citons :
– Programme « LCA »
Programme spécifique pour la rééducation du ligament croisé antérieur (LCA) du genou, ce programme évite toute mise en tension intempestive du greffon tendineux.
Le principe est une co-contraction décalée du quadriceps et des ischio-jambiers, avec initiation de la contraction sur les ischios (respect du délai de cicatrisation nécessaire pour les Ischio jambiers)
– Programme « Lésion musculaire »
Programme spécifique pour la restauration des qualités musculaires après déchirure musculaire et pour réduire le risque d’aggravation ou de récidive de la lésion.
Le principe est d’augmenter progressivement l’intensité de la stimulation qui permet d’induire des mises en tension extrêmement progressives (4,5 sec) et parfaitement sécuritaires pour le muscle fraîchement cicatrisé.
– Programmes « Syndrome rotulien »
Déclinaisons des programmes « Amyotrophie » et « Renforcement » avec suppression des phases et séquences comportant des basses fréquences (<10 Hz).
Pas de sollicitation de type secousses musculaires pour éviter les microtraumatismes sur la rotule.
Les règles d’or
- Jamais de substitution
D’une façon générale, les programmes utilisés pour le complément de la préparation physique ne doivent pas se substituer aux programmes de stimulation qui ont un but thérapeutique (retour de blessure).
En effet, les paramètres de ces programmes entraîneraient une sur-sollicitation pour des muscles convalescents, et seraient responsables d’une fatigue précoce dont le résultat serait une perte d’efficacité.
Il faut donc expliquer au patient qu’il pourra reprendre ses séances de stimulation complémentaires de l’entraînement qu’une fois le retour sur le terrain autorisé.
- Interdiction en cas de fragilité lésionnelle
Pour certaines pathologies touchant à l’intégrité du complexe musculo-tendineux (déchirure musculaire, rupture tendineuse, prélèvement de plastie du tendon…), il est raisonnable de conseiller une abstention totale de tout programme de stimulation neuromusculaire effectués seul par le patient pendant toute la durée de la cicatrisation.
Ceci n’empêchera bien sûr pas, le thérapeute d’appliquer un programme spécifique pendant cette même période, dans la mesure où ceci présenterait un intérêt.
- Autorisation non restrictive « à distance«
Le sportif blessé a souvent du temps disponible et souffre de ne pas pouvoir accélérer davantage le processus de cicatrisation de sa lésion. C’est donc le moment idéal pour lui, de mettre en place un travail spécifique « à distance » pour par exemple développer le haut du corps lors de sa rééducation pour une blessure au genou. Le kinésithérapeute pourra alors lui conseiller les muscles qu’il peut stimuler au moyen du programme de préparation physique adapté à sa discipline sportive et même lui proposer une planification de ses séances de stimulation.
- Utilisation complémentaire de la rééducation doit être discutée
Certains sportifs sont détenteurs de modèles de stimulateurs qui disposent, en plus des programmes de préparation physique, des programmes de base adaptés à la rééducation : amyotrophie et renforcement. Dans ce cas et si leur rééducation n’exige pas de précaution particulière d’utilisation, le kinésithérapeute pourra conseiller à son patient d’appliquer une deuxième séance dans la journée, ou bien une voire deux séances les jours où le patient n’a pas de rééducation, et ceci au moyen du même programme de stimulation que celui utilisé au cabinet.
Conclusion
Durant toute la durée de son rétablissement, le kinésithérapeute est l’interlocuteur privilégié du sportif blessé. De plus en plus de sportifs ont tendance à utiliser l’électrostimulation comme technique complémentaire de la préparation physique ou de la rééducation, sans bien comprendre les différences significatives qui existent entre ces deux types d’indications. Ce n’est qu’avec un minimum de compréhension de la technique que le kinésithérapeute pourra répondre aux questions ou conseiller de façon judicieuse l’athlète sur ce qu’il peut ou ne doit pas faire avec son stimulateur personnel, voir dans certains cas à lui recommander un modèle particulier pour pouvoir compléter en toute sécurité le travail réalisé lors de ses soins.
Auteur : Pascal Adam – Enseignant électrothérapie IFMK Paris