Pas facile de faire le point sur les dix blessures les plus fréquentes chez les runners n’est pas un exercice facile. Les blessures survenant chez les coureurs sont très diverses et sont dépendantes de facteurs anthropométriques (défaut d’alignement des membres inférieurs par exemple), de variables biomécaniques (amplitude de la pronation, course en descente par exemple), de variables environnementales (erreurs d’entrainement…) ou de facteurs de risque (poids du sportif, technique de course). De plus, il est difficile de s’appuyer sur de véritables études « prospectives » pour pouvoir classer sans se tromper ces blessures dans un ordre de fréquence non critiquable.
Nous allons pourtant relever le défi proposé et tenter de faire passer quelques messages préventifs ou thérapeutiques à travers les dix pathologies qui semblent poser le plus de problèmes aux runners.
Au niveau du pied, la myo-aponévrosite plantaire : les chaussures souvent responsables
Les douleurs se situent sous la plante du pied plutôt en arrière au niveau du talon. Les douleurs sont présentes au quotidien à l’exercice comme à la marche ou à la position debout. Cette blessure est redoutée par les runners mais aussi par les professionnels de santé, médecins, kinésithérapeutes, podologues du sport qui suivent les sportifs car elle n’est jamais simple à soigner totalement. Un simple changement de chaussure de running ou bien de chaussure de ville peut déclencher une lésion musculaire, tendineuse ou articulaire qui va gâcher la vie du sportif pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois. Cette blessure redoutée car redoutable prouve que les coureurs ne doivent confier leurs pieds et leurs différents chaussages qu’à de véritables professionnels du sport.
Les mots qui comptent : Les chaussures sont comparables à nos conjoints, quand un modèle a fait ses preuves et nous convient bien, nous prenons beaucoup de risques à en changer… !!!
Les douleurs de jambe : trois blessures au quotidien
1. La « tendinite d’Achille » ou tendinopathie calcanéenne
Les runners sont gênés par des douleurs situées au niveau de la face postérieure de la jambe soit au niveau de l’insertion du tendon sur le calcaneum, soit sur le corps du tendon. L’atteinte peut être unilatérale ou bilatérale. L’importance de la gêne fonctionnelle se fait par des échelles d’évaluation de la douleur. Par exemple, la classification de Leadbetter permet de classer en quatre stades cette tendinopathie.
Au stade 1, la douleur apparaît après l’activité sportive et disparaît ou régresse en quelques heures. La symptomatologie est apparue récemment et évolue depuis moins de deux semaines.
Au stade 2, la douleur est présente pendant et après l’exercice et est peu calmée par le repos. Les symptômes douloureux évoluent depuis deux à six semaines.
Au stade 3, la douleur persiste longtemps après l’effort, réapparaît rapidement dés le retour sur le terrain. Les symptômes douloureux évoluent depuis plus de six semaines.
Au stade 4, la douleur est permanente, empêche toute activité sportive intensive et perturbe aussi les activités professionnelles et de la vie courante.
Les coureurs qui se situent aux stades 3 et 4 devraient être explorés sur le plan radiologique par échographie et/ou IRM.
Traitement médical ou chirurgie ? : Au stade 4, le repos sportif doit être total et un avis chirurgical devrait être demandé systématiquement.
Lire : Mieux comprendre les tendinopathies calcanéennes ou achilléennes
2. La périostite
Les runners sont gênés par des douleurs situées sur les tibias, au niveau de la face antérieure et interne des jambes. La douleur peut être unilatérale ou bilatérale, est déclenchée ou aggravée par la course, est en partie calmée par le repos mais revient le plus souvent d »a la reprise de l’entrainement. Ces périostites surviennent plutôt chez les coureurs débutants ou à la suite d’une reprise trop intense après une période de repos ou d’un stage intensif par exemple. En cas de périostite, dans la grande majorité des cas, les coureurs ne viennent pas consulter les médecins du sport. Les simples conseils donnés par les entraîneurs, les autres coureurs ou les articles sur Internet suffisent très souvent à faire disparaître les phénomènes douloureux. Un changement de chaussure, un changement de mode d’entraînement (durée, fréquence, intensité), un changement des surfaces d’entraînement, les étirements des muscles de la jambe, le glaçage de la zone douloureuse après chaque sortie, les pansements à base d’argile ou d’anti-inflammatoires, le port de chaussettes ou de manchons de contention sont des solutions connues des coureurs à pied et qui permettent les plus souvent de faire disparaitre la symptomatologie douloureuse.
Le conseil préventif : attention à l’augmentation brutale du kilométrage à l’entrainement. La régularité dans le nombre de séances hebdomadaires est le premier principe à respecter pour ne pas se blesser.
Lire : Périostites, quoi de neuf ?
3. Le syndrome de loge à l’effort
Les runners sont gênés par des douleurs situées à la face antérieure et externe de la jambe mais aussi au niveau des mollets. Ces douleurs sont déclenchées uniquement par la course à pied, ressemblent à des crampes et obligent le plus souvent à l’arrêt de l’exercice. A la palpation, les loges musculaires sont augmentées de volume, tendues et sensibles mais les tendons et les articulations voisines sont peu ou pas douloureuses. La gêne est souvent bilatérale, les femmes sont plus souvent atteintes que les hommes. Les symptômes sont parfois trompeurs et peuvent se limiter à des lourdeurs de jambe ou une fatigabilité à l’effort. Le diagnostic est fait à l’occasion d’explorations vasculaires et de prise des pressions intramusculaires au niveau des deux jambes. Le traitement est chirurgical et consiste à ouvrir les cloisons fibreuses qui séparent les trois loges musculaires de la jambe.
Attention pathologie mal connue et pourtant fréquente chez les runners. Arrêter la course à pied ou se faire opérer : il va falloir choisir !
Les douleurs de genoux : deux best-sellers qui concernent toutes les générations
1. Le syndrome de friction de la bandelette ilio-tibiale
Mieux connu des runners sous le nom de « syndrome de l’essuie-glace », la douleur très intense survient toujours pour le même temps de course au niveau de la face externe du genou. Le développement des courses en nature et des trails a largement participé à une meilleure connaissance de cette pathologie le plus souvent déclenchée par la course en descente. Il s’agit d’une blessure souvent très douloureuse pouvant handicaper le coureur pendant des semaines voire des mois. L’imagerie (échographie, IRM) permet de mieux comprendre l’origine des phénomènes douloureux et du processus inflammatoire local : atteinte du tissu vasculaire ou graisseux, modifications de la face profonde de la bandelette ilio-tibiale, bursite, kyste, érosion cartilagineuse ou osseuse du fémur. Actuellement, le traitement médical associe quatre éléments complémentaires :
- Eviter la raideur du tenseur du fascia lata, du psoas et du droit antérieur par les étirements bien réalisés.
- Eviter la bascule du bassin par le renforcement des muscles fessiers et le travail d’équilibre lombo-pelvien.
- Corriger les appuis dynamiques par le port de semelles orthopédiques adaptées.
- Respecter la douleur et un repos sportif conséquent de plusieurs semaines…
Une pathologie qui peut gâcher le plaisir de courir pendant plusieurs mois. Une pathologie fréquente à respecter et à prendre en charge de manière pluridisciplinaire : entraîneur, médecin, kinésithérapeute, ostéopathe, podologue du sport, préparateur physique, parfois chirurgien.
Lire :
Le syndrome de l’essuie-glace
Syndrome de l’essuie glace et syndrome rotulien : comment s’en sortir ?
Idées reçues sur les tendinites
2. La rotule du runner : une mécanique très fine et fragile qui doit faire face à des contraintes maximales
Le runner est gêné par une douleur située au niveau de la face antérieure du genou. Ces douleurs sont aggravées par les sorties d’une durée supérieure à 30-40 minutes, par la montée des côtes ou au contraire la descente des escaliers, sont souvent accompagnées de sensations désagréables d’instabilité, de craquement, de ressaut. Parfois le runner a du mal à localiser précisément les douleurs mais persiste à « maudire » son genou sensible. L’examen clinique est simple car il est facile de reproduire la douleur que le sportif ou la sportive reconnaitra de suite. Les radiographies standards ne seront pas suffisantes pour faire un diagnostic précis : il faudra envisager une IRM ou un arthro-scanner pour localiser les atteintes cartilagineuses soit au niveau de la face postérieure de la rotule, soit sur la face antérieure du fémur. La rééducation et la visco-supplémentation par injection intra-articulaire sont les traitements qui vont permettre de soulager le runner.
Le conseil préventif : s’étirer c’est bien mais s’étirer consciencieusement c’est toujours mieux…Les étirements actifs et passifs des muscles des chaines postérieures (lombaires, fessiers, ischio-jambiers, triceps sural) sont très souvent peu ou mal réalisés par les coureurs à pied. Les étirements vont permettre de diminuer les tensions tendineuses et musculaires donc de soulager les contraintes sur les rotules, deux magnifiques mécanismes de précision.
Les douleurs du bassin : quand souffrent les amortisseurs du troisième niveau
1. La fausse sciatique du runner ou syndrome du piriforme
Le runner est gêné par une douleur située au niveau de la partie haute de la fesse. Cette douleur est aggravée par les sorties longues, la station debout prolongée, la positon assise sur un plan dur ou en voiture. Les irradiations sont descendantes vers la partie postérieure et externe de la cuisse. Par son caractère profond et unilatéral, la douleur est souvent étiquetée comme une sciatique. Il s’agit en fait d’une compression « tronculaire » du nerf sciatique lors de son passage entre les différents muscles fessiers. Le muscle piriforme (anciennement dénommé pyramidal), dont la fonction essentielle est la rotation externe de la hanche et de la cuisse, est le plus souvent responsable de la compression nerveuse. Les étirements des muscles fessiers et notamment des rotateurs externes de hanche sont le plus souvent efficaces pour soulager cette sciatalgie ou fessalgie. Il est parfois nécessaire d’infiltrer des corticoïdes dans la zone ou est comprimé le nerf sciatique.
Voilà le type de douleur qui est souvent déclenchée par une asymétrie de force entre les deux jambes du runner. Il est parfois nécessaire d’évaluer et de comparer la force des quadriceps et des ischio-jambiers de la cuisse droite par rapport à celle des muscles de la cuisse gauche. Puis, en cas d’asymétrie réelle, d’envisager un renforcement adapté des différents muscles de la cuisse la plus faible.
2. La vraie sciatique du runner
La douleur n’est pas très différente de celle décrite dans le chapitre précédent mais elle s’accompagne de douleurs lombaires et l’irradiation vers la face postérieure de la cuisse est plus importante. La douleur est permanente, aggravée par les changements de position et ne se calme pas au repos la nuit. Le scanner et l’IRM lombaire vont montrer une hernie discale qui comprime le nerf sciatique au niveau du canal de sa sortie vertébrale. La grande majorité des sciatiques d’origine discale se guérit par les soins médicaux et le repos. Le recours au neuro-chirurgien ne doit se faire que sur des indications très précises.
Le conseil préventif pour tous les runners : au moins une séance par semaine devrait être dédiée spécifiquement à la préparation physique lombo-abdominale. Renforcer et coordonner les muscles du tronc permet d’éviter les douloureuses pathologies lombaires. Pratiquer le Yoga, la gymnastique de Mézières, ou les Pilates, c’est la certitude de courir longtemps…
3. La pubalgie du runner
La pubalgie est une maladie bien connue dans le football et le rugby mais qui n’épargne pas les coureurs à pied. Le runner est gêné par une douleur antérieure, profonde au niveau du bassin ou de l’aine et qu’il a du mal à localiser parfaitement. Le repos calme en partie les phénomènes douloureux qui réapparaissent pourtant dés la reprise de la course à pied. C’est l’examen clinique et les explorations radiologiques qui permettront de faire la part des atteintes musculaires, tendineuses, articulaires ou osseuses. La pubalgie regroupe des pathologies très différentes ce qui lui a valu le titre de « syndrome fourre-tout ». Chez les runners, les atteintes les plus fréquentes se situent au niveau du tendon du muscle long adducteur et du muscle psoas-iliaque. Là encore les étirements actifs et passifs ont un immense intérêt, tant sur le plan thérapeutique que sur le plan préventif.
Les devoirs de la reprise : étirer consciencieusement les psoas et les droits antérieurs. Tout seul, ce n’est simple pour personne. D’où l’intérêt de consulter régulièrement un kinésithérapeute du sport qui saura vous conseiller et vous surveiller dans la réalisation de ces étirements.
A tous les niveaux des membres inférieurs et du bassin : les fractures de fatigue
Les médecins du sport qui prennent en charge les runners et leurs blessures savent d’expérience que les fractures de fatigue sont fréquentes. Certaines études montrent que les fractures de fatigue peuvent survenir chez 15 à 20 % des coureurs à pied. Pour des raisons biomécaniques, hormonales, nutritionnelles les femmes sont des pratiquantes à risque. Des métatarsiens au sacrum, en passant par la rotule ou le col du fémur, tous les os des membres inférieurs et du bassin peuvent être atteints. A ce jeu de massacre, le tibia est le plus souvent atteint. Les fractures de fatigue et les fractures de contraintes sont de véritables fractures qu’il faut toujours traiter très sérieusement par immobilisation et suppression de l’appui, parfois par la chirurgie.
Voici une maxime répétée par les athlétologues : chez un runner, quel que soit son mode de début, une douleur osseuse qui n’évolue pas favorablement en quelques jours doit être considérée a priori comme une fracture de fatigue. L’IRM est l’examen de choix pour détecter le trait de fracture ou l’œdème osseux.
Lire : les fractures de fatigue chez le coureur à pied