Anatomiquement, le mollet est constitué de deux groupes musculaires situés derrière le squelette jambier, c’est à dire en arrière du tibia, du péroné et de la cloison interosseuse qui solidarise en profondeur les deux os de la jambe. Ces groupes musculaires sont scindés en « loges » : la loge jambière superficielle qui contient le triceps sural et le muscle plantaire, la loge jambière profonde qui contient les muscles fléchisseurs des orteils et le muscle tibial postérieur. Cette distinction anatomique est importante car les douleurs et les pathologies qui surviennent au niveau de la loge superficielle seront plutôt des lésions musculaires aigues alors que les douleurs chroniques de mollet seront très souvent le résultat d’un problème vasculaire au niveau de la loge profonde.
Nous scinderons donc cet article en deux parties.
Les douleurs brutales
Les douleurs de survenue brutale sont le plus souvent en relation avec une blessure musculaire
Le coureur à pied a ressenti une douleur brutale au niveau d’un mollet soit lors d’un démarrage ou d’un changement d’allure, soit lors de la réception d’un saut à l’occasion d’une descente par exemple. La douleur est très importante obligeant le sportif à s’arrêter. Il décrit toujours le même type de douleur : sensation violente de décollement, d’effilochement, de claquage. Il s’agit d’un véritable accident musculaire qui doit être traité d’emblée par le protocole RICE : Repos, Ice (glaçage), Compression, Elévation. L’appui ne devrait pas être autorisé et les cannes anglaises fortement conseillées tant que l’importance exacte de la lésion musculaire ne sera pas connue.
- Douleur du mollet à début brutal = lésion musculaire grave
C’est sans doute ce qui caractérise les lésions musculaires du mollet, elles sont le plus souvent graves. Les sportifs qui en sont victimes présentent d’emblée les trois signes de gravité d’une atteinte musculaire : douleur initiale violente, impossibilité de marcher pendant trois jours minimum, hématome à l’imagerie.
- Douleur du mollet à début brutal = échographie dans les 48 heures
L’échographie devrait être systématique. Elle montrera si le coureur souffre d’une lésion musculaire mineure ou s’il existe un décollement aponévrotique avec épanchement sanguin entre deux lames musculaires. Le plus souvent, le « claquage » est situé dans la zone interne du mollet au niveau du muscle gastrocnémien médial (jumeau interne). Comme dans tous les accidents musculaires, l’échographie permet de localiser la lésion mais aussi de connaitre la gravité de cette lésion en mesurant l’importance du décollement et du volume sanguin entre deux muscles ou bien entre deux lames aponévrotiques.
- Douleur du mollet à début brutal = arrêt sportif pendant plusieurs semaines
Rappelons la classification de Lévine et Askling chère à l’excellent docteur Yannick Guillodo : hématome intramusculaire ou inter-aponévrotique à l’imagerie = lésion majeure = arrêt sportif supérieur à 40 jours. Il s’agit d’une classification très pragmatique parfaitement adaptée à la réalité du terrain. Dans le cas d’une lésion du mollet, l’arrêt sportif necessaire se rapproche plutôt des 60 jours. Les soins de prise en charge par un kinésithérapeute du sport doivent débuter dés les premiers jours et se poursuivre pendant plusieurs semaines au rythme de trois séances par semaine. Une nouvelle échographie à la sixième ou à la huitième semaine est souvent prescrite pour s’assurer de la disparition de l’hématome.
Les douleurs chroniques
Les douleurs chroniques du mollet peuvent être en relation avec une pathologie circulatoire située derrière le genou ou bien dans les loges musculaires.
Les symptômes sont différents car il s’agit de douleurs chroniques à type de crampes ou de courbatures le plus souvent banales mais gênantes. Le coureur situe les douleurs au niveau des mollets mais aussi parfois au niveau de la face antérieure et latérale des deux jambes. Ces douleurs sont le plus souvent bilatérales avec une prépondérance d’un coté ou de l’autre et sont plutôt déclenchées par les circuits vallonnés que la course sur le plat. Les symptômes sont parfois trompeurs et peuvent se limiter à des lourdeurs de jambe ou une fatigabilité à l’effort. Les gênes douloureuses peuvent limiter l’entrainement mais sont le plus souvent très gênantes le lendemain des séances. Elles sont alors aggravées par la marche, la descente des escaliers, peuvent s’accompagner d’une sensation d’instabilité de cheville et perturbent l’activité professionnelle. L’examen clinique apporte très peu d’éléments diagnostiques. A la palpation, les loges musculaires sont augmentées de volume, tendues et sensibles mais les tendons et les articulations voisines sont peu ou pas douloureuses.
- Douleurs chroniques = explorations vasculaires
Devant le type de tableau douloureux décrit plus haut, il ne faut pas se limiter au diagnostic de courbatures post-effort mais envisager des explorations fonctionnelles vasculaires. Les explorations au repos seront normales. Il est donc logique de consulter en milieu spécialisé pour faire des explorations pendant et immédiatement après l’exercice sur tapis roulant. L’écho-doppler dynamique permettra parfois de montrer une compression de la veine ou de l’artère poplitée par un « piège vasculaire » situé derrière le genou. La prise des pressions intramusculaires (PIM) pendant l’exercice par des cathéters placés dans les différentes loges de la jambe pourra permettre de montrer un syndrome de loge à l’effort.
- Douleurs chroniques des mollets, pièges poplités et syndrome de loge : quelles explications ?
Lorsque les différents examens montrent l’existence d’un piège poplité, l’origine exacte des douleurs est évidente. Il s’agit d’une anomalie ou d’une bride musculaire qui comprime la veine ou l’artère et empêche soit la circulation artérielle soit le retour veineux. Le traitement est chirurgical et consiste à sectionner, derrière le genou, une partie de l’insertion haute du muscle gastrocnémien pour libérer la circulation artérielle ou veineuse.
S’il s’agit d’un véritable syndrome de loge, deux hypothèses sont actuellement proposées par les chirurgiens vasculaires. Les muscles du mollet fonctionnent dans un espace restreint par les structures osseuses et les cloisons fibreuses et ces loges ne sont que peu ou pas extensibles. En augmentant de volume sous l’effet de l’exercice, les muscles sont comprimés et souffrent du manque d’espace pour fonctionner. La deuxième explication, qui est souvent associée à la première, est plutôt en faveur d’un obstacle au retour circulatoire par compression du système veineux en relation avec l’augmentation du volume musculaire.
- Douleurs chroniques du mollet = traitement chirurgical ???
En cas de syndrome de loge avéré par la prise des pressions intramusculaires au repos et à l’exercice, le traitement est chirurgical. Ce geste chirurgical est très lourd puisque la technique recommandée par W.Turnipseed, leader internationalement reconnu de la chirurgie des syndromes de loge à l’effort, associe trois niveaux d’intervention : une section complète de tous les éléments compressifs du creux poplité, une résection du muscle plantaire grêle, une ouverture étendue des trois aponévroses de la jambe.
- Douleurs chroniques du mollet = traitement chirurgical ou arrêt de la course à pied ?
Cette chirurgie étendue laisse ces cicatrices très inesthétiques au niveau des deux jambes. Le coureur doit donc être très motivé pour subir cette intervention. D’autant qu’il s’agit souvent de coureuses à pied car les femmes sont plus frequemment atteintes que les hommes par cette pathologie vasculaire. Alors, pour les runneurs qui souhaitent garder de jolies jambes, existe-t-il d’autres solutions thérapeutiques ? Les massages de récupération et les étirements peuvent avoir un effet très bénéfique sur les phénomènes douloureux et, de là, permettre à la sportive de mener une carrière satisfaisante en course à pied. Mais, le plus souvent, ces soins médicaux ne permettent pas d’améliorer les douleurs. Dans ce cas, le mieux est d’oublier la course à pied pour transférer sa passion sur le cyclisme ou la natation. En effet, les nageurs et les cyclistes ne souffrent jamais de syndrome de loge à l’effort au niveau des jambes.
Douleurs du mollet : les conseils du médecin du sport
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