Séance d'entrainement avant course la Trouvillaise

La pause post-échauffement : une problématique en compétition ?

L’échauffement induit une large quantité de réactions chimiques dans l’organisme dont le dénominateur commun repose sur l’élévation de la température interne (plus celle-ci est élevée, plus les réactions sont rapides, et on plus se met vite en mouvement). Ce qui semble faire de cette température interne un facteur de performance…

Avant de trancher trop rapidement en faveur d’un temps d’attente le plus court possible avant le départ (afin de conserver l’élévation de température générée par l’échauffement), voyons d’abord si cet effet physiologique de la chaleur joue sur la performance, et si cela prévaut sur tout type de performance.

Ci-dessous un graphique (référence, Guy et al., 2014) représentatif des variations de performances chez les hommes (on obtient presque le même graphique pour les femmes) lors des grands championnats d’athlétisme entre 1999 et 2011. La ligne du zéro représente le niveau de performance atteint à des températures ambiantes <25°C. Chaque barre grisée représente le pourcentage de gain/perte de performance rapporté à cette référence, lorsque les conditions météo dépassent les 25°C.

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Quelle leçon tirée de ce constat ? Une évidence selon laquelle les ambiances chaudes apparaissent bénéfiques pour les activités de sprint, mais induisent un effet négatif sur la performance à mesure que l’épreuve à réaliser est longue. La montée en température de l’organisme (ici favorisée par la chaleur ambiante >25°C) apparaît donc bénéfique sur les activités requérant des mouvements explosifs (nous verrons plus loin pourquoi ce n’est pas le cas pour toutes les performances). Lors de compétitions en hiver, toutefois, il peut devenir délicat de se trouver un rayon de soleil (et de chaleur !). Dans ce contexte, identifier les moyens permettant de préserver la montée en température interne générée par la phase d’échauffement doit demeurer une affaire de stratégie.

Malheureusement, pour les activités de sprint on fait alors face à un compromis dont la justesse individuelle pourra déterminer l’efficacité de l’intervention. En effet, pour entretenir l’état d’hyperthermie, on pense spontanément au port de vêtements chauds, aux boissons chaudes ou encore à l’électrostimulation musculaire. Dans ces démarches, il sera nécessaire de rester prudent.

L’électrostimulation pourra (selon le matériel) autoriser une chaleur légère si toutefois vous avez la possibilité de mettre en place cela dans la logistique d’avant-course ; la boisson chaude peut être recommandée si les mouvements potentiels de celle-ci dans l’estomac après l’ingestion ne s’avèrent pas gênants (boire suffisamment pour garder le chaud, mais pas trop pour rester confortable) ; le fait de se couvrir en excès peut aussi amener une sudation importante, donc conduire à un état de déshydratation et à une sensation de fatigue. À noter ici que le refroidissement de la tête/nuque associé au maintient au chaud du corps peut s’avérer opportun, en maintenant l’état d’éveil requis par la compétition tout en conservant la température interne haute. Des stratégies à doser donc…

Quels effets sur la performance en sprint ? Prenons l’exemple d’une étude récente en natation chez des sprinters élites (référence, McGowan et al., 2016). L’idée des auteurs a été de tester la performance de ces nageurs lors d’un 100m nage-libre, après un échauffement standardisé puis une phase de 30 min (simulation du temps de pause pré-compétition). Les nageurs ont réalisé cette expérience à 2 reprises, avec au sein de cette phase de 30 min deux interventions possibles : soit ils effectuaient des exercices au poids de corps (pompes, abdos, etc.) munis d’une veste réchauffée (compresses chaudes), soit en étant au repos complet munis d’une veste conventionnelle. Résultats :

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En conditions d’exercices (« combo »), la performance totale (100m) s’est trouvée améliorée de près de 1% (figure a), et celle relative au départ (temps aux 15m) de 1,5% (figure b). Ces gains d’efficacité ne semblent pas importants, mais rapportés à la distance du 100m, cela représente… 1m. Une bonne longueur d’avance, notamment chez des élites !

Au sein de cette étude, le gain de performance – comparable à ce que l’on observe sur le graphique précédent des performances en athlétisme – a été attribué à un moins grand déclin de la température interne (-0,2°C préservé) lors du temps de pause de 30 min pré-compétition, comparativement à la condition contrôle.

Si on se penche maintenant du côté des activités intégrant une dominante en endurance, on constatait précédemment sur le graphique de Guy et al. (2014) que celles-ci étaient négativement affectées par la chaleur ambiante. Ce point pose donc la question de l’utilité de l’échauffement en phase précompétitive.

Pourquoi ? Pour une raison simple : la chaleur produite par les muscles pendant l’échauffement aura certes un effet métabolique intéressant (accélérations des réactions chimiques) mais elle aura aussi un impact nerveux progressivement négatif (réduction de l’activation des muscles par le cerveau). Autrement dit, dans les activités d’endurance, la chaleur interne déjà emmagasinée lors de l’échauffement amènera l’athlète sur la ligne de départ avec une marge moins grande avant d’atteindre un état critique. Dans ce cadre, l’échauffement restera utile (mobilisations cardiovasculaire, articulaires, psychologique) mais un temps de pause préalable au départ et propice à la baisse de température interne pourra s’avérer intéressant ; d’ailleurs, des stratégies de refroidissement pourront (devront !) être mises en place au cours de cette phase pour aider le corps à mieux thermoréguler en amont de l’épreuve et arriver sur la ligne de départ en état de fraîcheur.

Cyril Schmit