- 1ere idée reçue : tendinite = inflammation du tendon
Tous les articles, grand public, sur les tendinites parlent de l’inflammation du tendon : c’est faux.
A l’exception du début de certaines maladies tendineuses (la péritendinite -inflammation de la gaine du tendon-, qui existe dans quelques cas), il n’existe pas d’inflammation. Il faut donc que le terme « tendinite » disparaisse pour laisser la place au terme « tendinopathie ».
S’il ne s’agit pas d’inflammation du tendon (idée reçue) de quoi s’agit-il ?
Il s’agit d’anomalies structurelles du tendon : la cellularité est modifiée par rapport à un tendon normal (cellules tendineuses, en plus ou en moins). Il existe surtout des modifications quantitatives et qualitatives du collagène, du protéoglycan, des enzymes de dégradation de la matrice … bref de toute la charpente de soutien des cellules tendineuses. Pour certains, c’est la modification de la structure vasculaire et nerveuse du tendon qui est la cause de tout : la tendinopathie est une néo neurovascularisation. Donc ce ne serait pas la modification des cellules tendineuses et du tissu de soutien mais leurs changements d’innervation et de vascularisation, avec les efforts, qui seraient la source des douleurs du tendon.
[quote]Donc la tendinite n’est pas une inflammation du tendon (idée reçue fausse)[/quote]
- 2e idée reçue : toute douleur tendineuse est une tendinopathie
Le sportif qui souffre d’un tendon a tendance à faire son propre diagnostic : « j’ai une tendinite ».
Il est vrai que les sports sollicitent les complexes musculo tendineux. Il existe, bien évidemment, une variation en fonction des sports : le footballeur souffre des adducteurs, le tennisman des tendons de l’épaule, le basketteur du tendon rotulien, le coureur à pied du tendon d’Achille, … l’explication est simple : l’activité sportive est la condition qui provoque le symptôme. Pour autant, il ne s’agit pas toujours de véritable maladie du tendon. Il existe de nombreux autres diagnostics devant une douleur d’un tendon (même si la douleur, ressentie par le sportif, est parfois identique pour les différents diagnostics qui vont suivre : le piège est là !).
– Il peut s’agir d’une maladie de la gaine du tendon (lorsque le tendon a une gaine, ce qui n’est pas le cas pour tous). Il s’agit alors d’une ténosynovite : le tendon est sain mais la gaine de protection est « malade ». Lorsque le tendon a une simple enveloppe (= péritendon), il s’agit d’une péritendinite.
– Il peut s’agir d’un simple conflit entre le tendon et une autre structure. Prenons l’exemple du classique syndrome de l’essuie-glace, bien connu en course à pied (voir notre article à ce sujet), le tendon est sain (pas de tendinopathie) mais il existe un conflit, entre le tendon et l’os. Ce conflit génère la douleur et, parfois, une bursite (poche liquidienne) entre le tendon et l’os. Mais, j’insiste, il n’existe pas de maladie du tendon.
– Il peut s’agir d’une enthèsopathie. A savoir, une anomalie au niveau de la jonction tendon – os qui se manifeste, aussi, dans quelques cas, par une bursite au niveau de l’insertion du tendon, sur l’os. C’est la bursite qu’il faut traiter et non le tendon.
On pourrait multiplier les exemples. Tout cela pour dire que les traitements seront très différents en fonction de la réelle origine de la douleur. Il ne faut donc pas appliquer « la recette -traitement des tendinites- à toutes les sauces ».
[quote]Donc toute douleur au niveau d’un tendon chez un sportif n’est pas une tendinopathie (idée reçue fausse)[/quote]
- 3e idée reçue : c’est l’âge, docteur !
Face à l’apparition de douleur tendineuse, beaucoup de sportifs pensent à une « marque du temps qui passe ». C’est faux, il n’existe aucune corrélation entre l’âge et la maladie des tendons, chez le sportif. Certes, avec le nombre d’heures de pratique sportive (et donc l’âge), il existe une augmentation « normale » de la taille du tendon sollicité dans le sport.
Par exemple, le tendon d’Achille d’un coureur à pied est, en moyenne, de 0,4 mm plus épais que chez un non coureur. Mais cette augmentation n’est pas source de douleur. D’ailleurs, cette augmentation est parfaitement symétrique sur les deux tendons d’Achille alors que la souffrance, souvent, n’existe que sur un seul tendon. Bien évidemment, en sollicitant un tendon (en pratiquant du sport), on prend le risque de léser le tendon mais c’est le nombre d’heures cumulées et non l’âge du sportif qui est le facteur déclenchant.
Il en va de même pour le sexe, la taille et le poids. Il n’existe aucune corrélation entre le sexe, la taille, le poids et les douleurs de l’Achille, chez le coureur à pied.
[quote]Donc la tendinopathie n’est pas une marque de l’âge (ni du sexe, du poids ou de la taille)[/quote]
- 4e idée reçue : c’est ma morphologie
Une anomalie morphologique est souvent avancée face à une douleur tendineuse chez un sportif. Cette explication pseudo scientifique, quasi systématique, a « la dent dure ». Comme il est dit précédemment, il n’existe pas, chez le sportif, de corrélation, entre sa taille ou son poids et l’apparition d’une tendinopathie.
De même, comme je l’ai écrit dans un autre article sur ce site, il n’existe pas de preuve pour une corrélation entre les tendinopathies et l’inégalité de longueur des membres inférieurs (Lire, Idée reçue, l’inégalité de longueur des membres inferieurs entraine des pathologies de l’appareil locomoteur chez le sportif). Les sportifs qui ont, soi-disant, une inégalité des membres inférieurs ne souffrent pas plus des tendons que ceux qui sont, soi-disant, symétriques. Je le répète : vouloir changer « son naturel » (sa morphologie) en portant une semelle orthopédique et créer « une réduction artificielle » d’une inégalité « normale » des membres inférieurs n’est pas logique.
Enfin, les anomalies d’alignement du membre inférieur sont souvent données comme responsables de problème tendineux du sportif. Mais ces anomalies, tant dans le plan frontal (avec la déviation sous-talienne des « pronateurs ») que dans le plan sagittal n’ont pas fait leurs preuves de causalité sur les tendinopathies, notamment achilléennes. Etrange mais vrai !
[quote]Donc la tendinopathie n’est pas une marque d’une anomalie morphologique[/quote]
- 5° idée reçue : c’est ma technique
Cette idée est appelée technopathie. Comme il est dit précédemment, l’activité sportive est la condition qui provoque le symptôme ; pas de geste répétitif = pas de douleur tendineuse (cet aspect quantitatif est parfaitement connu en pathologie du travail).
Outre la quantité, la qualité du geste doit être prise en compte. En effet, il semble logique de penser qu’un geste technique « mal fait », répété de milliers de fois, est plus délétère qu’un geste « bien fait ». Mais qu’est-ce un geste bien fait ? Existe-t-il une normalité garante d’aucune douleur tendineuse présente ou future ? Le sportif ne pratique-t-il pas instinctivement et naturellement le geste le moins nocif pour lui ? Le naturel, vous dis-je !
Malgré tout, le tennisman, par exemple, qui souffre des tendons de l’épaule doit analyser son geste (le service, notamment), par une étude dynamique, fine (en laboratoire du mouvement pour les sportifs de haut niveau) pour tenter de corriger une source de conflit.
Cette idée de technopathie est encore plus vraie pour l’adaptation sportif-machine. Je m’explique : le vélo, par exemple, outil parfaitement symétrique, doit être personnalisé et donc réglé pour son utilisateur. Tous déréglages, changements, même minimes, peuvent générer une modification du geste sportif et des douleurs tendineuses. La bonne technique sur la bonne machine est ici indispensable.
Mais pour des sports plus naturels, et quoi de plus naturel que de courir, la technopathie semble avoir peu d’effet sur les douleurs tendineuses. Une belle étude récente, parue dans le plus grand et sérieux journal de médecine du sport (The American Journal of Sports Medicine), a montré que, chez le coureur à pied, l’attaque du pied n’a aucune influence sur l’apparition ou pas de tendinopathies achilléennes. Etonnant, non ?
Pourtant que d’affirmations, de thèses, de discours sur l’attaque du pied, la pronation excessive, l’amorti …. Les preuves n’existent pas ni pour le tendon d’Achille ni pour le TFL (syndrome de l’essuie-glace, lire l’article : Le syndrome de l’essuie-glace), grandes « blessures » du coureur à pied. En réalité, certaines études montrent, par exemple, que les coureurs douloureux sont en hyper pronation et d’autres montrent exactement l’inverse !
Pourquoi ?
Parce qu’il est impossible de différencier ce qui est cause et ce qui est conséquence. Il est vrai que l’on constate, chez les patients souffrant de tendinopathie achilléenne, ici une augmentation de l’éversion de l’arrière pied, là une diminution de l’abduction du membre inférieur et/ou de la rotation externe tibiale et /ou de la dorsiflexion de cheville, etc…
Mais, est-ce l’œuf ou la poule ? Est-ce la cause du problème (ce qui est dit par beaucoup !) ou simplement une conséquence c’est-à-dire une correction naturelle (début de thérapie) ou même un état morphologique sans aucune relation avec la pathologie ?
Restons humbles et ne donnons pas « d’explication scientifique » lorsqu’ elle n’existe pas, dans l’état actuel des connaissances.
On pourrait multiplier les interrogations en proposant des hypothèses de dérèglement entre les muscles agonistes et antagonistes ; par exemple, trop de puissance du triceps sural (muscles postérieurs de la jambe) face à une faiblesse du tibial antérieur (muscle antérieur de la jambe). Encore faudrait-il analyser ce rapport de force au repos, à l’effort et à l’épuisement (n’est-ce pas la foulée des derniers kilomètres d’une longue course épuisante qui crée la pathologie et non celle du bel effort, « analysé » sur tapis de course ?). Bref toutes les hypothèses sont recevables mais doivent faire l’objet d’un peu de recherche pour être validées.
En conclusion, il n’existe pas une bonne et une mauvaise façon de courir d’autant que la technique d’un même coureur change entre le 5ème, le 25ème ou le 50ème kilomètre.
[quote]Donc la technique de course n’est pas LA cause d’une douleur tendineuse (idée reçue fausse)[/quote]
- 6e idée reçue : c’est le matériel
Le sol trop dur ?
Ah ! Les fameux sols durs et sols souples ! Il s’agit d’une grande idée reçue dans le milieu du running : courir sur sol dur est source de douleur tendineuse. En fait, il n’existe aucune preuve à cela. L’incidence (fréquence de nouveaux cas) des problèmes tendineux est la même pour les coureurs sur route et les autres (sous-bois, trail, …).
[quote]Donc la course sur sol dur n’entraîne pas plus de tendinopathie (idée reçue fausse)[/quote]
Un mauvais amorti ?
Peut-être ? Je vous renvoie alors sur l’article Tendinopathie, chaussures, semelles : quels sont les liens ?. Il existe, actuellement, plus de questions que de réponses sur l’amorti artificiel (par la chaussure) et naturel (par le médio et l’avant pied).
- 7e idée reçue : les dents
Vers la fin des années 70, certains médecins ont émis l’idée que les infections chroniques pouvaient être une cause des tendinopathies (lire : Dents et tendinites). Parmi ces infections, la carie dentaire semblait être responsable de tous les maux tendineux. Cette hypothèse, datant de plus de 40 ans, n’a jamais été validée.
Certes, le sportif doit avoir une hygiène dentaire parfaite mais il y a des coureurs, sans carie dentaire, qui souffrent des tendons et des porteurs de caries qui ne souffrent d’aucune douleur tendineuse. Il n’y a pas de corrélation.
Une autre hypothèse est apparue plus tard, dans les années 90 : l’articulé dentaire ; certains ont pensé qu’un trouble de l’occlusion dentaire était une cause, plus ou moins directe, des douleurs tendineuses chroniques, du sportif. On a vu alors de nombreux athlètes porter des appareils dentaires, comme nos grands enfants ! Étonnant non ? La posturologie est sérieuse et mérite un grand intérêt. Malgré tout, on ne peut s’empêcher de penser que ces athlètes adultes, de haut niveau, qui portaient un appareil dentaire pour soi-disant corriger un éventuel trouble de l’occlusion dentaire le portaient aussi et surtout pour minimiser les effets secondaires de certains produits dopants. On sait que l’hormone de croissance (produit dopant très utilisé) peut entraîner une croissance anarchique des doigts mais surtout de la mâchoire. Un sportif, dopé à l’hormone de croissance, déforme sa mandibule et tente de corriger cette transformation par un appareil dentaire, correcteur.
[quote]L’association dents et tendinopathie est une idée reçue fausse.[/quote]
En conclusion : la médecine est un art difficile et la physiopathologie d’une lésion courante telle que la tendinopathie du sportif n’est pas totalement connue. Il faut donc être prudent sur certaines explications « faciles » (des idées reçues) car un cas particulier ne fait pas une généralité.