La pratique d’activités physiques et sportives est pratiquement toujours synonyme de bénéfice pour la santé. Pourtant, nous le savons tous, la pratique intensive d’un sport peut aussi être responsable de blessures traumatiques, de surentrainement, d’accidents cardio-vasculaires, de troubles du comportement alimentaire. Lorsque les risques de l’activité physique sont décrits, les fuites urinaires de la sportive sont très rarement présentées. Et pourtant, les sportives souffrent trois fois plus de fuites involontaires d’urine que les non sportives ! A tel point que la Haute Autorité de Santé (HAS) identifie la pratique sportive comme un facteur de risque essentiel de l’incontinence urinaire chez les femmes.
Fuite ou incontinence urinaire : quelle définition ?
L’incontinence urinaire d’effort, ou IUE, est définie comme la perte involontaire d’urine survenant lors de l’augmentation de la pression abdominale engendrée par l’exercice. Il peut s’agir d’exercices réalisés lors de la pratique d’activités physiques ou sportives, la course à pied par exemple, mais aussi d’efforts de la vie quotidienne comme le rire, les éternuements, la toux.
Cette incontinence urinaire d’effort s’oppose à l’incontinence urinaire par urgence, ou IUU, survenant chez une femme qui ne maitrise plus l’envie pressante d’uriner en dehors de tout effort.
Incontinence urinaire : quelle fréquence ?
En France, une femme sur cinq souffre d’incontinence urinaire d’effort avec un pic maximal entre 55 et 59 ans. Le premier facteur de risque est l’accouchement. Les études sont actuellement contradictoires sur le fait que les femmes qui ont vécu plusieurs accouchements auraient plus de fuites urinaires que celle qui n’ont accouché qu’une seule fois.
Attention, les femmes jeunes n’ayant jamais accouché peuvent aussi présenter des fuites urinaires, a fortiori si elles sont sportives et qu’elles cherchent à perdre du poids.
Une fréquence plus grande des fuites urinaires chez la sportive
Une première étude réalisée aux USA par Nyggard en 1994 chez 156 sportives nullipares, c’est-à-dire n’ayant jamais accouché, a montré que la fréquence des fuites urinaires se situait à un niveau de 28 % chez ces femmes. Une autre étude réalisée au Danemark en 2002 par Thyssen chez 291 sportives intensives montrait que 48 % de ces femmes avaient présenté des fuites urinaires pendant la pratique de leur sport. Enfin, une étude canadienne de 2006 comparant la fréquence des incontinences urinaires chez les femmes sportives et les femmes non sportives a montré que ces fuites survenaient chez 28 % des sportives contre 9,8 % des non sportives. Ces résultats expliquent que les différentes autorités de santé nationales considèrent à présent l’activité physique comme un facteur de risque important au même titre que l’accouchement.
Tous les sports sont-ils au même niveau de risque ?
Les différentes études ayant essayé de répondre à cette question s’accordent pour écrire que les sports collectifs, la gymnastique, le trampoline, l’aérobic, le badminton, la course à pied et les arts martiaux sont des sports à risque élevé. Le tennis et le ski semblent se situer comme des sports à risque modéré. Les pratiquantes de randonnées pédestres soit moins atteintes que les autres sports intensifs ou de compétition.
Quels mécanismes pour expliquer la grande fréquence des incontinences d’effort chez la sportive ?
La natation, du fait de la position couchée, et l’équitation, sport à impacts pourtant élevés sur le périnée, entrainent beaucoup de moins de fuites urinaires que les autres sports. Ces différences selon les sports permettent de mieux comprendre le mécanisme de l’incontinence chez la sportive : ce sont les sauts répétés en position debout qui sont responsables d’une augmentation de la pression au niveau de l’intérieur de l’abdomen, appelée hyperpression abdominale, et qui vont être à l’origine d’une dégradation de la force des muscles du périnée qui, trop sollicités, ne pourront plus soutenir efficacement la vessie.
A lire : Fuites urinaires de la sportive : comment prévenir et traiter ce problème fréquent
Une pratique mal adaptée de renforcement des abdominaux, sur le mode des « crunchs » par exemple, peut être aussi responsable d’une hyperpression abdominale donc de fuites urinaires.
« Abdominaux, arrêtez le massacre » : cet excellent livre a permis de montrer les dangers du renforcement des abdominaux « à la sauvage » et de faire évoluer favorablement nos pratiques dans le renforcement musculaire abdominal et lombaire.
A quels moments se déclenchent les fuites ?
Pour les sportives, mais aussi pour les entraîneurs ou les coachs, il est intéressant de savoir que les fuites se déclenchent plutôt en seconde partie de l’entraînement ou bien de la compétition. Ce phénomène est expliqué par la perte des réflexes anticipateurs chez la sportive. Un terme très scientifique pour expliquer que la sportive, lorsqu’elle est fatiguée, n’a plus le tonus nécessaire pour contracter les muscles pelviens qui s’opposent à l’hyperpression abdominale et donc aux fuites urinaires.
Parler des fuites urinaires, un tabou qui détourne bien des femmes des activités sportives
En 2008, une étude italienne de grande ampleur chez 679 sportives de loisir, a révélé que plus de 10 % des sportives ont abandonné le sport du fait de la survenue de fuites urinaires à l’effort. Cette même étude a montré que 20 % des sportives ont adapté leur pratique pour ne pas être victimes de fuites urinaires et qu’elles utilisent des « petits moyens » préventifs comme les protections absorbantes. D’autres études montrent que 40% des 48-53 ans arrêtent le sport du fait des fuites urinaires.
Il s’agit d’une problématique qui définit bien ces fuites urinaires : quelle que soit leur origine, quel que soit leur âge, quel que soit le sport pratiqué, les femmes victimes d’incontinence à l’exercice n’en parlent pas à leur médecin, encore moins à leur entraîneur. Lorsqu’on les interroge, 80% des femmes déclarent qu’il s’agit d’un sujet difficile à aborder avec l’entourage et seulement 5% des femmes victimes d’incontinence se décident à en parler à leur médecin.
Par pudeur, par honte, par manque d’information, par fatalisme, les explications sont nombreuses. Il est vrai que les médecins sont souvent mal formés à la prise en charge de ce type de problème.
Pour l’encadrement technique, il semble plus adroit d’aborder la question sur le mode « vous arrive-t-il de temps en temps de perdre quelques gouttes d’urine à l’effort ? » plutôt que d’utiliser d’emblée le terme d’incontinence qui donne l’image d’une femme âgée en perte d’autonomie.
Fuites urinaires, toutes les sportives sont concernées par la prévention
Pour casser les tabous, et mieux aborder ces problèmes déclenchés par le sport, il semble essentiel de mieux informer les femmes des risques de fuites urinaires. Par exemple, une femme qui a accouché il y a quelques semaines et qui souhaite reprendre la course hors stade devrait à tout prix réaliser les séances de rééducation périnéale prévues en postnatal chez une sage-femme ou une kinésithérapeute. Autre exemple, une femme de plus de 45 ans qui souhaite reprendre les sports à risque comme le fitness ou diverses activités toniques en salle devrait être immédiatement informée des risques au niveau urinaire et commencer les séances par un travail d’apprentissage de contraction volontaire des muscles pelviens.
En cas de fuites urinaires, la sportive et son encadrement peuvent immédiatement se poser la question de la nocivité possible du travail des abdominaux réalisé à l’entraînement. Nous aborderons ce chapitre essentiel lors de la seconde partie de cet article prévu en juin.