Tient-on dans l’activité physique, et notamment la course à pied, un remède miracle pour lutter contre le stress ? La question mérite d’être posée alors que d’un côté il est prouvé que le sport est bon pour la santé, et que de l’autre, selon des statistiques de l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economique) de novembre 2013, les Français ont consommé 50 « doses quotidiennes » d’antidépresseurs pour 1 000 personnes en 2011*. « Ce n’est pas une formule magique, tranche Meriem Salmi, psychologue du sport. Courir ou faire du sport améliore la santé psychique, c’est sûr. Mais si l’on se trouve dans le cas d’une personne très anxieuse, ça n’est pas un médicament ».
A ceux qui auraient vite fait de tirer des conclusions hâtives, la spécialiste prévient : « Ce n’est pas avec la course à pied que l’on va régler tous ses soucis personnels ».
Par ailleurs, si l’activité physique provoque un indiscutable sentiment de bien-être, attention à ne pas en abuser. Car il n’y a « pas que des endorphines positives », souligne Meriem Salmi. « Si on n’est déjà pas très bien, qu’on se sent mal et qu’on n’adapte pas son entraînement, on risque de dépasser ses propres limites, de générer une fatigue très importante, et d’amplifier un stress notamment neuro physiologique ».
Reste à bien définir ce dont on parle. Car le mot « stress » est aujourd’hui employé à tout-va dans le langage populaire, et souvent avec une connotation fortement négative. « Le stress, c’est une réaction de l’organisme et du psychisme face à des situations qui nous font peur », rappelle Meriem Salmi tout en poursuivant : « A l’origine, le stress n’est pas négatif, même avant une compétition. C’est ce qui nous permet de nous mobiliser au maximum, de nous mettre en alerte et d’être à 200% face à l’événement qui va se produire ». Evidemment, ce mécanisme de défense que chacun met en place face à des situations attendues ou non, peut se retourner contre soi. « Il devient négatif si l’on n’arrive pas à répondre à cette stimulation ».
Mais attention à ne pas confondre stress, anxiété et angoisse. « Même si tous ces mots sont de la famille de la peur, mais pas au même niveau », prévient la psychologue du sport qui précise que l’anxiété est un « phénomène assez puissant qui, quand il s’installe, peut nous empêcher de faire ce que l’on veut (dormir, etc…). Au contraire de l’angoisse, l’anxiété a un objet connu. On est anxieux pour telle ou telle raison ».
Au-delà de ces explications qu’elle reconnaît volontiers très « schématiques », Meriem Salmi invite surtout chacun à analyser son stress. « Pourquoi je suis stressé ? Quelle en est l’origine ? Parce que ce n’est jamais une seule chose qui va permettre de tout régler. Oui, courir va nous faire du bien, mais ça ne dure qu’un moment. Un anti-inflammatoire calme la douleur sans en traiter l’origine. Il peut y avoir le même phénomène avec le sport ». Et d’insister : « Ce qui est important, c’est la notion de durée. Quand cet état de stress dure, quand on n’arrive pas à s’en sortir. Il faut repérer la souffrance, c’est un signe fort. Quand il y a une souffrance qui nous empêche au fur et à mesure de faire ce que l’on faisait habituellement, quand l’irritabilité s’installe durablement, quand on se sent triste plus souvent, on n’est pas dans l’anxiété normale. Au-delà de deux semaines, il faut se poser des questions et ne pas hésiter à s’adresser à des spécialistes. Ça ne passe pas forcément par des médicaments, il existe des méthodes cognitives et comportementales, la mindfulness… qui fonctionnent très bien ».
Et de rappeler aussi l’importance d’un suivi médical sérieux : « Par exemple, les maladies endocriniennes, type diabète ou dérèglement de la thyroïde, peuvent aussi avoir un impact sur l’humeur et provoquer des épisodes de déprime. Il faut être attentif à tout cela ». Manière de conclure que c’est bien au sein d’une « approche globale » qu’il faut intégrer le sport et la course à pied dans la gestion de son stress. Et non pas dans une vision trop étriquée qui, au mieux, n’aura des effets positifs qu’à court terme, et au pire entraînera finalement des effets néfastes.
(*) voir Panorama de la Santé, OECD Library, 21 novembre 2013