La lombalgie est une douleur située sous la marge costale et au-dessus des plis fessiers inférieurs, avec ou sans douleur aux jambes. On s’en doute peu, mais c’est la plus courante de toutes les maladies non transmissibles et la principale cause d’invalidité.
La lombalgie chronique (douleur ≥12 semaines) représente ~20% de tous les cas de lombalgie, or elle génère ~80% des coûts en rapport à la lombalgie. Pourtant, jusqu’à ~90% des patients atteints ne peuvent pas faire l’objet d’un diagnostic spécifique et sont classés en lombalgie « non spécifique ».
Pour remédier à la douleur qu’elle génère, des études ont montré que les traitements passifs – sans exercice physique – étaient inefficaces : ultrasons, thérapie par le chaud et le froid, massages.
À l’inverse, d’autres études portant sur des types d’exercices spécifiques ont montré que le Pilates, la stabilisation / contrôle moteur et le yoga peuvent mieux réduire la douleur que les traitements sans exercice physique.
Cependant, la question de savoir quels exercices sont plus efficaces contre la lombalgie chronique a fait l’objet de peu d’attention. Une étude a déjà exploré la question et conclu que :
– Les exercices de résistance et de stabilisation / contrôle moteur sont efficaces, comparé à aucune intervention
– Les exercices aérobies, et ceux combinés (aérobie + résistance + étirement) ne le sont pas
Malgré cette conclusion intéressante, la démarche de l’étude ne permettait pas de distinguer dans quelle mesure une intervention donnée peut être plus efficace qu’une autre – car celles avec de l’exercice physique étaient combinées à d’autres outils (comme la thérapie manuelle) plutôt que d’être prises isolément.
Face à ce constat, un groupe de chercheurs australiens a décidé de comparer l’efficacité de plusieurs exercices physiques – sans autre intervention « parasites » – réalisés par des patients souffrant de lombalgie chronique. Voici les protocoles d’exercices qu’ils ont considérés :
Protocoles d’intervention | |
Renforcement | Entraînement destiné à améliorer la force, la puissance, l’endurance et la taille des muscles |
Stabilisation / Contrôle moteur | Exercices ciblant des muscles spécifiques du tronc afin d’améliorer le contrôle et la coordination de la colonne vertébrale et du pelvis |
Pilates | Entraînement aux exercices selon les principes traditionnels du Pilates tels que le centrage, la concentration, le contrôle, la précision, le débit et la respiration |
Yoga | Entraînement physique selon les principes du yoga traditionnel avec une composante physique |
McKenzie | Exercices suivant les principes traditionnels de McKenzie tels que les mouvements passifs répétés de la colonne vertébrale et les positions soutenues exécutées dans des directions spécifiques |
Flexion | Entraînement à des exercices consistant en des mouvements contrôlés en flexion uniquement |
Aérobie | Exercices d’entraînement tels que la marche, le cyclisme et le jogging, conçus pour améliorer l’efficacité et la capacité du système cardiorespiratoire |
Dans l’eau | Entraînement physique effectué en eau profonde ou peu profonde |
Étirement | Exercices ciblant l’allongement des muscles par l’une des méthodes suivantes : facilitation neuromusculaire passive, statique, isométrique, balistique ou proprioceptive |
Autres | Entraînement physique qui ne répond à aucun des types spécifiques d’entraînement mentionnés ci-dessus |
Multi-modes | Deux ou plusieurs des types d’exercices spécifiques mentionnés ci-dessus |
Groupes-contrôle | |
Vrai contrôle | Aucune intervention |
Thérapies manuelles | Traitement comprenant la thérapie manuelle, la chiropractie, la physiothérapie passive, l’ostéopathie, le massage ou l’acupuncture |
Thérapies non-manuelles | Traitement comprenant la prise en charge par un médecin généraliste, l’éducation ou des interventions psychologiques |
Au total, ce sont 89 études qui ont été considérées dans l’analyse, incluant des échantillons de 20 à 240 patients âgés de 20 à 70 ans, et des protocoles d’une durée de 4 à 24 semaines. Les niveaux de douleurs rapportés initialement par ces patients étaient de 21 à 79 sur une échelle de 100, et ce depuis des durées de 3 semaines à 14 ans !
Deux résultats principaux se sont dégagés de l’analyse :
– Les exercices de Pilates (pour la douleur), de renforcement et aérobie (pour la santé mentale) et de renforcement et de stabilisation/contrôle moteur (pour la fonction physique) étaient les interventions les plus efficaces
– L’effet des étirements et de l’exercice McKenzie sur la douleur et les fonctions physiques n’était pas différent du groupe contrôle sans intervention
Nul besoin de mentionner que le groupe-contrôle était le traitement le moins efficace pour tous les résultats. Suivis pas les 2 autres groupes contrôles (thérapies manuelles et non-manuelles).
- Plus précisément, pour la réduction de la douleur
Il est peu probable qu’un seul type d’entraînement soit ici la meilleure approche contre les lombalgies chroniques. En effet, les « thérapies actives » telles que le Pilates (-37 points de douleur), le renforcement, la stabilisation/contrôle moteur (-26 points de douleur) et les exercices aérobies (-28 points de douleur), dans lesquelles le patient est guidé, encouragé à bouger et à faire de l’exercice de manière progressive, sont les plus efficaces de toutes les interventions.
- Plus précisément, pour les fonctions physiques
Les exercices de renforcement et de stabilisation/contrôle moteur apparaissent être les plus efficaces (-14% d’invalidité chacun), suivis des exercices dans l’eau (-12%), du yoga (-11%) et du Pilates (-11%). Étant donné l’homogénéité des résultats de ces méthodes, le patient devrait donc pouvoir choisir celle qui lui convient le mieux, sans crainte sur son efficacité.
- Plus précisément, pour la santé mentale
Ici, ce sont les exercices aérobies et de renforcement qui s’avèrent les plus profitables. Dans la mesure où 30-35% des patients atteints de lombalgie chronique présentent des symptômes d’anxiété et de dépression, ils ne devraient surtout pas être minimisés.
Dans l’ensemble, on distingue donc que plusieurs approches d’entraînement sont efficaces selon l’objectif principal recherché, et devraient donc être intégrées dans les soins habituels de la lombalgie chronique.
Il est important de souligner que ces approches étaient plus efficaces que les traitements manuels et non-manuels des thérapeutes en tout cas pour les 3 paramètres analysés : douleur, fonction physique, santé mentale.
Malgré ces recommandations, aux auteurs de conclure que « nous n’avons pas pu déterminer si l’entraînement physique (…) réduisait l’utilisation de la pharmacothérapie analgésique ; ces résultats n’ont pas souvent été rapportés. »
Source : Owen et al. BJSM (54), 2020