L’impact de la morphologie chez les nageurs de haut niveau

Qui n’a jamais entendu parler du physique des nageurs ? On entend souvent parler de nageurs « taillés en V » ou bien aux « larges épaules ». Aujourd’hui, lorsque l’on regarde les compétitions internationales de natation, cela n’échappe à personne que la plupart des nageurs sont grands et costauds. Jusqu’à présent, peu d’études avaient investigué l’impact de la morphologie chez les nageurs de haut niveau. Cet article dresse un résumé d’une étude publiée récemment dans une revue scientifique, avec l’aide de statisticiens du laboratoire IRMES (Institut de Recherche bio-Médicale et d'Epidémiologie du Sport) au sein de l’INSEP.

REUTERS/© Gustau Nacarino / Reuters

Introduction

En natation, la plupart des recherches scientifiques se tourne vers les aspects énergétiques et/ou techniques. Ces thèmes sont d’ailleurs chers aux yeux des entraineurs. Toutefois, il existe encore peu de liens entre morphologie et performance en natation, alors qu’un consensus semble émerger sur le fait que les nageurs les plus grands semblent être les plus rapides. Chez les jeunes, on observe souvent que l’impact morphologique est le plus prépondérant sur la performance. De plus, la forme du corps influence également les résistances à l’avancement. La masse corporelle engendra un coût énergétique plus important alors qu’une grande taille permet de gagner un temps précieux lors des virages et des départs. 

Dans cette étude, les auteurs ont dont collectés les données de taille, de poids et d’IMC pour les nageurs faisant partie du Top 100 mondial sur toutes les épreuves de nage libre entre 2000 et 2014, pour les deux sexes. La base de données comprend alors plus de 8000 observations pour les hommes et les femmes. Des méthodes statistiques innovantes ont alors permis de modéliser la relation entre les paramètres morphologiques et les écarts de vitesse en natation (pour les épreuves de nage libre).

 

Résultats

Les résultats de cette étude mettent en évidence que le gain de vitesse permis par les caractéristiques morphologiques se situe entre 0,7 et 3% pour les hommes et entre 1 et 6% pour les femmes, selon la distance de l’épreuve. Les figures ci-dessous permettent de donner des schémas idéaux de taille-poids en fonction des différentes épreuves. Plus la couleur se rapproche du vert, plus la nageur (ou la nageuse) augmente sa probabilité d’aller plus vite grâce à sa morphologie. Plus la couleur se rapproche du rouge, plus elle diminue sa probabilité d’aller plus vite.

 

Influence de la relation taille-poids chez les hommes

Chez les hommes, on observe qu’il est préférable d’être grand et lourd pour le 50m NL. Un avantage indéniable sera apporté aux nageurs mesurant plus de 1m95 et pesant plus de 90 kg. On remarque que l’influence de la taille est toujours importante pour toutes les distances. Toutefois, on constate qu’à partir du 100m, le poids devient un facteur limitant de la performance, et cela s’observe davantage lorsque la distance augmente. Ainsi, les nageurs de 1500m doivent privilégier une masse corporelle relativement basse.


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Influence des profils taille-poids sur la vitesse pour les épreuves de nage libre chez les hommes

 

Influence de la relation taille-poids chez les femmes

Chez les femmes, la tendance est un peu différente puisqu’on observe que le poids (ou masse corporelle) n’a pas d’impact sur les épreuves de 50 au 200m NL. Peu importe la masse, il « suffit » d’être grande pour améliorer sa vitesse. En revanche, lorsque les distances s’élèvent, on retrouve la même tendance que chez les hommes, où il convient d’être grande et légère.

 

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Influence des profils taille-poids sur la vitesse pour les épreuves de nage libre chez les femmes

 

Discussion

 

Influence de la taille

Les résultats de cette étude confirment bien le constat de tous : les nageurs les plus grande ont une plus grande probabilité d’aller plus vite que les plus petits. Cette étude montre que ce gain peut aller jusqu’à 3% chez les hommes et 6% chez les femmes. Il est probable que ce gain s’explique par une réduction du coefficient de vague avec des membres inférieures et supérieurs plus longs, et surtout une envergure de bras qui permet de mieux se propulser. Enfin, les nageurs les plus grands ont aussi un avantage lors des virages et des phases de coulée.

 

Influence de la masse corporelle

Dans cette étude, nous avons vu que la masse peut être un avantage, notamment chez les sprinters hommes. Cet avantage provient sans doute d’une masse musculaire supérieure et donc d’une puissance plus importante. Mais cet avantage se perd dès le 100m, où le rendement énergétique est plus important et une masse trop importante pourrait entraîner un coût énergétique trop élevé et donc une capacité à résister qui s’amoindrit. Cette masse corporelle plus faible chez les nageurs de longue distance s’explique aussi probablement par une faible masse musculaire dans les jambes, qui sont moins importantes lors des épreuves de longue distance. Ces hypothèses ont d’ailleurs déjà été démontrées pour les épreuves d’athlétisme.

 

Influence de l’IMC

Contrairement à d’autres sports terrestres, cette étude a mis en évidence que l’IMC n’était pas un facteur prépondérant de la performance en natation. Il est fortement probable que la poussée d’Archimède vienne expliquer ce constat. Le déplacement dans l’eau n’a évidemment pas les mêmes impacts que le déplacement terrestre, soumis à la force gravitationnelle. 

 

Effet du sexe

Une différence notable entre hommes et femmes a été observé dans cette étude. Il apparait clairement que la masse corporelle chez les femmes n’est pas un facteur déterminant la performance. Il est possible que l’on observe un effet « poids » chez les hommes, en raison d’une masse musculaire beaucoup plus importante chez les nageurs de 50m. De plus, il est possible que les combinaisons autorisées pour les femmes – qui couvrent une plus grande partie du corps que chez les hommes – leur permettent de tenir un effort avec une masse musculaire plus importante jusqu’au 200m. Ce qui expliquerait pourquoi l’on observe pas d’impact négatif de la masse musculaire chez les femmes pour les épreuves de 100 et 200m, alors que c’est le cas chez les hommes.

 

Conclusion

En résumé, cet article confirme bien que la morphologie a un impact prépondérant chez les nageurs de haut niveau. Les nageurs et nageuses les plus grands, ont une plus grande probabilité d’aller plus vite que les autres. Toutefois, il serait intéressant d’aller plus loin dans nos observations, avec des mesures de l’envergure des bras, de taille des mains et des jambes, afin de voir quel est le profil morphologique idéal du nageur. Et puis, cette étude ne s’est attachée aux nageurs de nage libre, il est probable que le constat ne soit pas forcément identique dans les autres nages, notamment chez les brasseurs, qui sont souvent plus petits que les autres. Heureusement, la performance n’est pas une science exacte et tout le monde conserve ses chances de victoire ! 

 

Enfin, pour rappel, voici la taille des 6 derniers champions olympiques du 100m NL :

Kyle Chalmers : 1m93

Nathan Adrian : 1m98

Alain Bernard : 1m96

Peter Van Den Hoogenband : 1m93

Alexander Popov : 1m97

Matt Biondi : 2m01

 

3 réactions à cet article

  1. Bonjour, quelles sont les références de cette étude ? Merci.

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  2. Bonjour,

    Il serait intéressant de connaître les noms des meilleurs nageurs, au niveau mondial, mesurant moins de 1.80 m, à partir des distances du 200 mètres et jusqu’au 1.500 mètres.
    Ces nageurs doivent compenser leur petite taille, relative, par une technique absolument irréprochable.
    Cela permettrait de redonner confiance à la majorité des nageurs, en devenir, et de taille moyenne.
    Merci d’avance.
    Bien Cdt,

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  3. Soyons honnête, il faut admettre que pour un homme de moins de 1m75 et une femme de moins de 1m65 les chances sont quasi nulles d’arriver au plus haut niveau. Il serait judicieux de créer au moins 2 catégories comme dans certains sports.

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