Ultra trail et charge d’entraînement

Je me suis lancé dans l’infernal trail des Vosges (160KM) en septembre 2012 et j’ai du abandonner au 82ème KM pour une cheville gonflée. Depuis, on m’a diagnostiqué une périostite sur le tibia gauche. Cela ne m’était jamais arrivé avant et j’ai 55 ans . Je suis en arrêt CAP et cela s’arrange suite à 2 séances de mésothérapie. Quelles peuvent en être les causes sachant que je n’ai jamais eu ce souci? Pensez-vous que les très longues distances sont propices à ce genre de blessures? L’ultra peut-il engendrer ces problèmes? Quels sont les conseils pour pouvoir réussir un ultra de 160 KM l’été prochain? J’ai déjà fait 120KM dans le Mt Blanc sans soucis et d’autres trails de montagne exigeants?

Comment prévoir la charge d’entrainement d’ici le mois d’août pour réussir l’objectif?

Je faisais 5 séances par semaine. Peut-on prévoir natation et/ou VTT en remplacement d’une ou 2 séances de CAP?

Comment répartir la charge d’entrainement?
Merci d’avance

Luc

La réponse de Yannick Guillodo, médecin du sport

Votre question m’interpelle, vraiment, car elle aborde deux sujets différents.

Le premier sujet est celui de votre blessure, au 82e kilomètre. Votre description ne me semble pas en rapport avec une périostite tibiale. À votre âge, je ne crois pas que ce diagnostic soit le premier à envisager face au tableau que vous décrivez. Je pense plutôt à un problème articulaire « vrai » c’est-à-dire à une maladie de la talo crurale (cheville), révélée par l’effort intense demandé à cette articulation porteuse. À mon avis, il faut éliminer une arthropathie de cheville. Le meilleur examen, pour nous aiguiller sur la bonne piste diagnostique, est de faire une échographie de votre cheville, lorsqu’elle est gonflée. Ainsi, on saura si ce gonflement est intra articulaire (épanchement dans la cheville c’est-à-dire une synovite talo crurale) ou si le gonflement est extra articulaire (simple oedème des parties molles ….). Si, à l’effort, il existe effectivement une synovite talo crurale (« épanchement de synovie » comme disaient les grands-mères, jadis), le problème est sérieux et vous devez envisager l’économie articulaire donc réduire les sports en charge. La course à pied et la pratique des trails sont très exigeants pour la cheville : six à neuf fois le poids du corps, à chaque foulée, sur cette articulation … Et le corps se rappelle de tout…. Ce qui m’amène au deuxième sujet.

Ce deuxième sujet est l’accumulation du nombre de kilomètres que vous demandez à vos articulations porteuses. Vous me dites : « cela ne m’était jamais arrivé avant ». Je vais être un peu moqueur : « avant d’être malade j’étais en pleine santé », non ? Je vous le répète, le corps se rappelle de tout ce que vous lui demandez. Vos articulations ont « encaissé » un nombre incalculable de foulées. Peut-être que ce 82e kilomètre est « la grosse goutte d’eau qui fait déborder le vase » (que vous avez rempli pendant des années). Pensez-vous que le pneu de votre voiture soit inusable ? Et le cartilage de votre articulation ? C’est exactement la même chose. Ce n’est pas notre âge ou l’ancienneté du pneu qui sont essentiels mais les kilomètres que nous leur avons demandé de faire.

En conclusion, faites un bilan sérieux de vos articulations avant de reprendre la route (comme vous le faites pour votre voiture).