D’abord, il est nécessaire de rappeler qu’un des buts de l’entraînement est de créer, au sein du muscle, un environnement cellulaire favorable aux adaptations utiles à la performance.
Dans ce cadre, un paradoxe émerge dans les activités d’endurance. En effet, d’un côté, l’athlète doit augmenter sa disponibilité en énergie afin d’être capable de soutenir l’intensité d’exercice. D’un autre côté, il doit aussi limiter cette disponibilité afin d’apprendre à ses muscles à fonctionner avec moins d’énergie.
Pour induire cet environnement cellulaire favorable, la composition du muscle en réserves d’énergie va alors être importante. En effet, cette composition détermine l’activité métabolique du muscle au repos comme à l’exercice. Dès lors, en ajustant le type et le timing des apports (c’est-à-dire en « périodisant » ses apports), il est possible d’activer/inhiber certaines réponses métaboliques. Conséquence : on favorise ainsi certaines adaptations.
Exemple d’ajustement des apports : le régime « low-carb ». Ce régime consiste à réduire la teneur du muscle en sucres (énergie endogène) ainsi que les sucres circulant dans l’organisme (énergie exogène). La conséquence est augmenter l’activité des cellules de l’endurance (on parle de « biogenèse mitochondriale ») et l’utilisation des graisses (le métabolisme lipidique).
Toutefois, les régimes « low-carb » ne bénéficient pas toujours à la performance en endurance, malgré les adaptations physiologiques observées. En effet, la restriction en sucres n’autorise pas une intensité d’entraînement normale et altère le métabolisme usuel.
Les glucides sont en effet une source d’énergie indispensable aux entraînements à haute intensité. Conséquence : le régime « low-carb » ne convient pas aux séances intenses, et devrait être périodisé sur des périodes spécifiques. Cette « périodisation » du régime low-carb autoriserait à la fois les adaptations physiologiques propres au régime « low-carb », ainsi que l’atteinte de hautes intensités d’entraînement grâce une disponibilité ponctuelle en glucides.
Dans cette logique, une périodisation adéquate peut consister à :
– s’approvisionner normalement en glucides en 1ère partie de journée.
– réaliser une session d’entraînement à haute intensité en fin d’après-midi (eg. 8 x 5′ à >85% de la puissance/vitesse maximale aérobie ou à >90-95% de la puissance/vitesse critique). L’idée ici est de dégrader ~50% des réserves musculaires en glycogène.
– supprimer les apports en glucides après cette séance intense et jusqu’au coucher, mais inclure un apport en protéines avant le coucher. Cet apport permettra de favoriser la réparation musculaire et la synthèse des protéines mitochondriales, essentielles pour la performance en endurance.
– programmer, suite à la nuit de sommeil, une séance à jeun à basse intensité (eg. 60′ à 65% de la puissance/vitesse maximale aérobie ou à 70% de la puissance/vitesse critique) afin d’accentuer le stress induit la veille sur les réserves d’énergie déjà basses en glycogène.
– reproduire cette stratégie entre 2 et 3 fois sur la semaine (consécutivement si possibles) 3 semaines consécutives, tout en conservant les autres sessions d’entraînement ventilées sur le reste de la semaine.
L’étude de cette stratégie a mis en évidence un gain de performance de 73 secondes lors d’une épreuve de 10km en course à pied chez des triathlètes entraînés (pas d’amélioration chez le groupe contrôle).
L’adoption d’un tel régime (dit « sleep-low ») doit être déterminée selon l’objectif recherché par la séance d’entraînement.
L’idée d’une périodisation des apports en glucides suppose donc une disponibilité en glucides lors des sessions d’entraînement à haute intensité. La périodisation ne shunt pas les avantages d’un régime « low-carb ». Au contraire, elle amplifie et prolonge la durée de sollicitation de la biogénèse mitochondriale naturellement observée à l’issue de l’entraînement.
Ce type de périodisation autorise de plus un changement de la composition corporelle : l’utilisation supérieure des lipides liée à ce régime favorise la perte de poids (~1kg de masse grasse perdu par les triathlètes cités ci-dessus) et l’amélioration du coût énergétique à l’exercice. À noter : pour orienter cette perte de poids vers la dégradation des lipides et non vers celle des protéines musculaires, un apport en protéines lors des diners low-carb est à encourager afin de réparer le muscle et soutenir le coût énergétique lié à ce remodelage. La caséine (particulièrement présente dans le fromage blanc) est ainsi une protéine recommandée, notamment avant le coucher.
Attention, cette stratégie s’accompagne souvent d’une plus grande difficulté perçue lors des entraînements à jeun. Si cela peut améliorer la tolérance mentale de l’athlète à l’exercice à l’issue du protocole, cela peut aussi imposer à l’athlète un temps de récupération supérieur. Ici, votre régulateur doit être votre ressenti.
Ainsi, pouvoir jouer à la fois sur des adaptations à l’entraînement liées au poids de forme et continuer à avoir de l’énergie ne passe pas forcément par la nécessité de redéfinir complètement son régime nutritionnel. Songez plutôt à distribuer vos apports selon les besoins de vos entraînements. À moyen-terme, vous gagnerez sur les deux tableaux.
Pour aller plus loin : Marquet al MSSE 2015
Cyril Schmit
4 réactions à cet article
patouillard
si on refait dans la meme semaine 3 fois cet enchaînement d’un fractionné le soir et un footing le matin comment peut on garder le reste des autres sessions d’entraînements ?
Cyril Schmit (Innov.training)
Si vous réalisez cet enchaînement (entraînement intense le soir + entraînement léger le matin suivant) à 3 reprises, cela vous occupera donc 4 jours. Il vous restera donc 3 autres jours sur la semaine pour lesquels vous pourrez aménager votre entraînement (et votre alimentation) comme bon vous semble 🙂
patouillard
du coup il faut enchaîner la meme journee un footing le matin et des fractionnés le soir
autre question : a 4 semaines d’un marathon est ce une bonne idée ou est il préférable d’attendre apres le marathon ?
Cyril Schmit (Innov.training)
Réponse de l’expert :
L’étude mentionnée adoptait cette approche : enchaînement de 3 blocs « HIT en fin de journée / Low-carb le soir / séance à jeun le lendemain ». Cela amenait donc effectivement à combiner le même jour « fin du bloc 1 + début du bloc 2 », et le jour suivant « fin du bloc 2 + début du bloc 3 ». On ne sait pas encore si le fait de distribuer les blocs sur la semaine est aussi efficace, mais il est probable que cela soit intéressant (même si cette méthode appliquera un stress moins important sur l’organisme, et induira donc moins d’adaptations à l’entraînement).
C’est une bonne idée à 4 semaines du marathon. Faites cela 3 semaines (voire 3 semaines et demi), puis reprenez une alimentation normale. Cela permettra, au cours de la dernière semaine avant la course, d’évacuer les quelques signes de fatigue qui pourraient éventuellement accompagner ce régime.
Enfin, comme vous le soulignez, vous pouvez aussi adopter ce régime en dehors des compétitions, dans l’optique de périodes de développement (eg. surcharge), afin de favoriser les adaptations positives à l’entraînement (citées dans le texte).