Comment entrainer son intestin pour tolérer plus de glucides ?

Article écrit par Mathieu Lambert (Cyclisme Performance)

La préservation des réserves de glucides endogènes, le glycogène, est l'un des principaux déterminants de la performance.
Par conséquent, une vaste littérature a émergé au cours des 50 dernières années sur les stratégies que les athlètes d'endurance peuvent utiliser pour préserver les réserves de glycogène pendant l'exercice, la plus importante étant la consommation de glucides exogènes dans les boissons, les gels ou les barres énergétiques. Toujours plus de glucides que l'intestin doit supporter, tolérer.

La consommation de glucides exogène pendant l’exercice fournit une source de carburant alternative.

Cela réduit en conséquence la vitesse à laquelle nos propres réserves de glucides sont épuisées (Wallis, Gareth A et al., 2005). Cependant on ne peut pas consommer des glucides de manière illimitée. Nous sommes limités par la capacité d’absorption de l’intestin (Jeukendrup, A E et al.).

Une nouvelle approche est donc née. Il s’agit de “l’entraînement de l’intestin” ou “gut training ».

L’exemple des « mangeurs de l’extrême »

Lorsque nous effectuons un entraînement physique, nous stressons nos muscles et notre système cardiovasculaire de manière à ce qu’ils s’adaptent et améliorent leur capacité à répondre au stimulus de l’exercice. Est-ce que ce principe peut aussi s’appliquer à nos intestins ?

Les participants aux compétitions de nourritures sont connus pour « entraîner » leur estomac à contenir de plus grands volumes de nourriture avec moins d’inconfort. Grâce à un entraînement régulier, ils sont capables de manger d’énormes volumes de nourriture dans une petite fenêtre de temps.

Le record du monde actuel est de 76 hot-dogs en 10 min, réalisé lors du concours annuel du plus grand mangeur de hot-dogs, organisé à Brooklyn. Cette performance n’est pas à la portée de tout le monde. Pour y parvenir, les mangeurs de compétition augmentent progressivement les volumes, ainsi, il leur faut plusieurs semaines pour atteindre un niveau compétitif.

Cela démontre l’adaptabilité de l’estomac. Mener cet « entraînement de l’estomac » a deux effets principaux :

  • L’estomac peut s’agrandir et contenir plus de nourriture
  • Un estomac plein est mieux toléré et n’est pas perçu comme si plein. On devient plus confortable.

Les deux aspects pourraient être bénéfiques pendant l’effort.

L’entraînement de l’intestin

Si nous exerçons notre intestin à absorber les glucides exogènes au taux le plus élevé possible, s’adaptera-t-il et permettra-t-il des taux plus élevés d’absorption et d’oxydation des glucides exogène à l’avenir ?

C’est le principe de « l’entraînement de l’intestin » (Burke, Louise M, and John A Hawley., 2018 ; Jeukendrup, Asker E., 2017). L’objectif de cette méthode est d’améliorer la vitesse à laquelle l’intestin peut absorber les glucides.

La recherche dans ce domaine en est à ses débuts, cependant, il existe déjà quelques études sur cette approche d’ « entraînement intestinal ».

Lambert et al. ont montré que cinq jours d’entraînement avec des apports élevés de liquides chez les coureurs ont permis d’améliorer le confort gastrique auto-déclaré, sans différences dans la vidange gastrique ou la vitesse à laquelle le liquide se déplaçait dans l’estomac (Lambert et al., 2008).

Cette approche peut être utile pour les athlètes qui se préparent pour des épreuves dans des environnements chauds et qui souffrent de symptômes gastro-intestinaux lorsqu’ils boivent beaucoup.

L’étude suivante a évalué les effets d’un régime riche en glucides, pendant et en dehors de l’entraînement, sur quatre semaines, comme moyen d’améliorer la capacité d’absorption et d’utilisation des glucides exogènes pendant l’exercice chez seize cyclistes et triathlètes masculins (Cox, Gregory R et al., 2010).

Les auteurs ont rapporté que l’oxydation exogène des glucides a augmentée après l’intervention dans le groupe riche en glucides mais pas dans le groupe faible en glucide. Cependant l’augmentation était seulement d’environ 9 grammes au cours de 100 minutes d’efforts (~36 kcal).

Par conséquent, alors que cette étude suggère qu’un entraînement avec une disponibilité élevée et constante de glucides peut avoir un effet positif sur la capacité à utiliser les glucides exogènes pendant l’exercice, l’ampleur du changement est faible et l’impact sur la performance n’est pas significatif.

Récemment, un groupe de recherche en Australie a publié deux études évaluant les effets de « l’entraînement intestinal ». Ils ont fait s’entraîner des coureurs pendant deux semaines avec une ingestion importante de glucides exogène pendant l’entraînement (environ 90 g/h) ou un placebo (Costa, Ricardo J S et al., 2017 ; Miall, A et al., 2018).

Les deux études ont montré des améliorations significatives des symptômes gastro-intestinaux, une réduction de la malabsorption des glucides et une amélioration des performances.

Ces études semblent montrer que l’entraînement de l’intestin porte ses fruits. Il serait efficace pour réduire les symptômes de troubles digestifs et permettrait probablement d’augmenter l’oxydation des glucides exogènes.

L’effet direct sur la performance reste cependant incertain. Seul l’étude de Costa et al. a étudié l’effet sur la performance. Celle-ci conclu en l’effet positif de l’entraînement de l’intestin sur la performance cependant il y avait dans cette étude un biais méthodologique…

Lors du test de performance définissant le niveau de base, les sujets devaient obligatoirement consommer 90g/h de glucides. Les sujets n’étaient pas accoutumés à autant de glucides et donc beaucoup ont eu des troubles digestifs…

Lors du test de performance après le protocole d’entrainement de l’intestin, les performances ont logiquement augmenté car moins de sujets ont reporté des troubles digestifs.

Pour vraiment étudier l’effet sur la performance de l’entrainement de l’intestin, il aurait fallu laisser les sujets choisir leur consommation de glucide pendant le test de performance définissant le niveau de base.

Applications pratiques

L’entraînement de l’intestin est un moyen efficace de réduire l’inconfort gastro-intestinal chez les athlètes qui souhaitent ingérer des taux très élevés de glucides exogène pendant l’exercice.

Les méthodes de l’entraînement de l’intestin sont :

  • s’entrainer avec des gros volume de liquide pour entrainer l’estomac et la vitesse de la vidange gastrique
  • s’entrainer directement après un repas
  • s’entrainer avec des apports élevés de glucides exogènes pendant l’exercice
  • simuler la stratégie nutritionnelle de course à l’entrainement
  • augmenter la part de glucides dans l’alimentation en dehors de l’entraînement

Adapté de Jeukendrup, Asker E, 2017

On ne connait pas encore le délai exact avant de percevoir les bénéfices. Cependant des changements significatifs peuvent être observés chez les animaux après un changement de régime pendant seulement 3 jours. L’étude chez les humains mentionnée ci-dessus a durée 28 jours (Cox, Gregory R et al., 2010).

Ainsi, on pourrait obtenir des bénéfices en seulement quelques semaines d’entraînement de l’intestin avec 2 séances par semaine dédiées et un régime riche en glucide.

Un des principes fondamentaux de l’entrainement s’applique également pour le “gut training”, soyez progressif.

Enfin, n’oubliez pas de pratiquer vos séances d’entraînement les plus longue de la semaine, ou vos entraînements à l’intensité la plus proche de la course à laquelle vous vous préparer, avec un apport élevé de glucide. Toute l’année, même hors entrainement spécifique de l’intestin.

Ainsi, vous augmenterez vos performances et votre récupération et vous serez prêt le jour de votre course pour tolérer la bonne quantité de glucides.

L’entraînement de l’intestin : le guide complet

Cyclisme Performance a créé une formation gratuite ****pour comprendre et mettre en place l’entrainement de l’intestin.

Bibliographie

Burke, Louise M, and John A Hawley. “Swifter, higher, stronger: What’s on the menu?.” Science (New York, N.Y.) vol. 362,6416 (2018): 781-787. doi:10.1126/science.aau2093

Costa, Ricardo J S et al. “Gut-training: the impact of two weeks repetitive gut-challenge during exercise on gastrointestinal status, glucose availability, fuel kinetics, and running performance.” Applied physiology, nutrition, and metabolism = Physiologie appliquee, nutrition et metabolisme vol. 42,5 (2017): 547-557. doi:10.1139/apnm-2016-0453

Cox, Gregory R et al. “Daily training with high carbohydrate availability increases exogenous carbohydrate oxidation during endurance cycling.” Journal of applied physiology (Bethesda, Md. : 1985) vol. 109,1 (2010): 126-34. doi:10.1152/japplphysiol.00950.2009

Jeukendrup, A E et al. “Carbohydrate ingestion can completely suppress endogenous glucose production during exercise.” The American journal of physiology vol. 276,4 (1999): E672-83. doi:10.1152/ajpendo.1999.276.4.E672

Jeukendrup, A E, and R Jentjens. “Oxidation of carbohydrate feedings during prolonged exercise: current thoughts, guidelines and directions for future research.” Sports medicine (Auckland, N.Z.) vol. 29,6 (2000): 407-24. doi:10.2165/00007256-200029060-00004

Jeukendrup, Asker E. “Training the Gut for Athletes.” *Sports medicine (Auckland, N.Z.)*vol. 47,Suppl 1 (2017): 101-110. doi:10.1007/s40279-017-0690-6

Lambert, G P et al. “Fluid tolerance while running: effect of repeated trials.” International journal of sports medicine vol. 29,11 (2008): 878-82. doi:10.1055/s-2008-1038620

Miall, A et al. “Two weeks of repetitive gut-challenge reduce exercise-associated gastrointestinal symptoms and malabsorption.” Scandinavian journal of medicine & science in sports vol. 28,2 (2018): 630-640. doi:10.1111/sms.12912

Stellingwerff, Trent, and Gregory R Cox. “Systematic review: Carbohydrate supplementation on exercise performance or capacity of varying durations.” Applied physiology, nutrition, and metabolism = Physiologie appliquee, nutrition et metabolisme vol. 39,9 (2014): 998-1011. doi:10.1139/apnm-2014-0027

Wallis, Gareth A et al. “Oxidation of combined ingestion of maltodextrins and fructose during exercise.” Medicine and science in sports and exercise vol. 37,3 (2005): 426-32. doi:10.1249/01.mss.0000155399.23358.82

Wallis, Gareth A, and Anna Wittekind. “Is there a specific role for sucrose in sports and exercise performance?.” International journal of sport nutrition and exercise metabolism vol. 23,6 (2013): 571-83. doi:10.1123/ijsnem.23.6.571

3 réactions à cet article

  1. Bonjour, je trouve cet article très intéressant. Mais la charge glycémique journalière devient alors énorme. Qu’en est-il des répercutions sur la santé à long terme de l’athlète ? Je pense aux problèmes d’insulinorésistance en particulier, ou de troubles du microbiotes, d’acidité excessive…
    Cordialement,
    Marius.

    Répondre
    • Je me pose la même question et je suis certain que ce type de nutrition entraîne un risque à long terme d’insulino résistance et en tout cas des perturbations métaboliques pancréas foie.
      L’excès en tout amène fatalement un dérèglement physiologique, hormonal à long terme.
      Se gaver de glucides est le meilleur moyen d’avoir une glycémie instable avec les conséquences que l’on sait…
      Je pense qu’il existe des études sur l’apparition de diabète de type 2 chez le sportif et consommation élevée de glucides à indice glycémique élevés notamment provenant de produits ultra transformés ( gels, barres etc…)

      Répondre
  2. Comment donc faisaient nos ancêtres, qui n’avaient pas autant que nous accès à de grandes quantité de protéines ni de lipides ? Il fallait bien qu’ils mangent des quantités astronomiques de glucides. Or le diabète est une maladie moderne.

    Parlons en pourcentages : les apports journaliers recommandés sont de 50% de glucides, soit 1000 cal de glucides pour un régime à 2000 calories, et 1500 cal de glucides pour un régime à 3000 cal.

    En équivalent pain, ça fait à peu près 600 g de pain (les cal. du pain contiennent aussi des protéines). En équivalent riz cuit : environ 1kg. En pommes de terre : 1.5 kg. En carottes cuites : 10 kg. En lentilles : 2 kg de lentilles cuites (soit un peu plus de 500g de lentilles à cuire).

    Quand on pense que certains végétariens préconisent la consommation de 80% de glucides !

    Certains défendent l’idée que ce n’est pas l’excès de glucides qui provoque le diabète, mais la consommation exessive de gras saturé associé au sucre.

    Répondre

Réagissez