Parce que je pense que dans le cadre de la préparation des sportifs et plus particulièrement, du développement de la force, nous sommes nombreux à procéder toujours de la même façon, je vous propose d’aller voir ce qui se fait « ailleurs ». Le concept que je vais vous dévoiler est issu du monde anglo-saxon et a été vulgarisé en France par O. Bolliet. Il correspond à un enrichissement de la « boite à outils » des entraîneurs et préparateurs physiques. A ce titre, il ne saurait supplanter un certain nombre de méthodes plus classiques qui ont déjà prouvé leurs effets mais qui démontrent également certaines limites.
Un critère supplémentaire
On connait les variables à paramétrer lorsqu’on veut déterminer un niveau de charge: intensité, nombre de répétitions et de séries, temps de récupération. Dans cet univers-là, manque un élément qui n’est que très peu voire jamais évoqué : la vitesse d’exécution ou tempo d’exécution.
Son côté universel
Il représente le temps que l’on souhaite accorder à chacune des phases qui composent un mouvement de musculation. Dans tous les cas, mais je vous propose de raisonner en pensant à un exercice comme celui du Développé-couché, on retrouve :
- Une phase excentrique: la barre descend en direction de la poitrine ;
- Une phase de transition isométrique que nous qualifierons de « 1 » ; elle peut être considérée comme la phase d’inversion des régimes (elle correspond au moment où la barre touche la poitrine). Dans la plupart des cas, elle tend vers « 0 sec. » ; mais avez-vous imaginé que vous pourriez, de façon intentionnelle, la faire durer plus longtemps !
- Une phase concentrique représenté par un effort de poussée (les insertions du muscle se rapprochent / on observe un gonflement lié au rapprochement des unités contractiles du muscle) ; c’est une phase qui intéresse bon nombre d’entraîneurs ;
- Une phase de transition isométrique que nous qualifierons de « 2 » ; elle est marquée par la fin de la phase de poussée et par le début d’une nouvelle répétition. La barre marque alors un temps d’arrêt qui est généralement assez court.
L’idée d’un codage
En simplifiant les choses, je dirais que dans la plupart des cas, votre tempo de réalisation / pour une répétition dans ce type de mouvement, ressemble à celui-ci : 2 0 2 1
Soit 2 sec. pour descendre la barre, 0 sec. à l’instant du contact barre-poitrine, 2 sec pour repousser la barre et 1 sec si vous avez décidé « d’enchaîner » les répétitions.
Intérêts
En dehors de l’originalité de la méthode qui permet notamment de vaincre les habitudes, il y a des raisons d’ordre scientifique :
- Une des raisons essentielles tient au fait que plus le muscle reste sous tension, plus il recrute… et plus il devient fort;
- Un deuxième argument tient au fait que lors de toutes ces phases de contrôle, l’ensemble des muscles périphériques et profonds d’une chaine sont sollicités… à des degrés divers certes. Mais on peut considérer que la fatigue aidant, ils sont mis à contribution pour préserver « les grands équilibres » ;
- Un troisième argument plaide pour un contrôle moteur plus précis (travail sur le dosage / qualité motrice qu’on nomme « la différenciation ») et sans doute pour une meilleure prise de conscience des phénomènes mis en jeu.
Mais il y a beaucoup d’autres raisons qui argumentent en faveur de ce type de procédé. Dans le cadre de cet article, je ne citerai que ceux qui me paraissent les plus importants :
- Lors de la phase excentrique: contrôle de la barre, développement de « la force de démarrage » ou « force sans élan », gain de souplesse, etc.
- Lors de la phase isométrique « 1 » : il parait nécessaire de rappeler que la force isométrique se développe de façon spécifique aux angles travaillés. Pour se faire, il suffit d’interrompre le mouvement de descente de la barre vers la poitrine jusqu’à atteindre l’angle coude qui « nous » intéresse. Mais si vous êtes davantage intéressé par un transfert à toute l’amplitude d’un mouvement, alors fixez votre barre en étirement long. Lorsque ce type de travail est suivi par un travail dynamique de répulsion de la barre, on le qualifie de « stato-dynamique ».
- Lors de la phase concentrique : en principe, cette phase est marquée par l’intention de mobiliser la charge le plus rapidement possible. Cette « intention » correspond à ce qu’il parait nécessaire de déployer comme énergie dans un très grand nombre de pratiques ; par essence, elle doit être, cette phase, la plus courte possible. C’est pourquoi le Canadien C. Poliquin propose d’inscrire un « X » pour qualifier la durée de cette phase. Une dérogation à cette règle peut être acceptée dans le cas de la réathlétisation ou dans celui du développement de la force endurance.
- Lors de la phase de transition isométrique « 2 » : elle correspond à la durée entre deux répétitions. Bien que correspondant à un travail de verrouillage articulaire, on peut la considérer comme une micro phase de récupération.
Des protocoles
Pour bien illustrer la façon dont on peut utiliser le concept de TST ou Temps Sous Tension, je vous propose de consulter l’ouvrage de O. Bolliet (référencé plus bas) ; le codage se différencie en fonction des effets recherchés: hypertrophie, force maximale, force endurance. Consultez-le également pour mieux appréhender le concept de Temps sous tension par série et pour organiser d’une manière générale votre programmation de contenu de séance (séries, répétitions, temps « sous charge », récupération, choix de l’exercice, nombre, changement et ordre des exercices, etc.) et de cycles (périodisation).
Limites et précautions
L’apparition d’un nouveau procédé ne doit pas aboutir à ce que toutes les autres méthodologies qui visent le développement de la force soient rejetées. D’autre part, il convient d’observer que tout stratagème possède des intérêts et des limites et qu’il existe toujours un risque à ce que certains d’entre nous poussent le raisonnement au-delà de ce qui parait acceptable. J’entends d’ici leurs propos : « puisqu’il en est ainsi, il suffit que je reste le plus longtemps possible à travailler au freinage de la barre durant sa phase de descente pour que je progresse énormément » ! C’est oublier que, au-delà de 4 sec, le travail risque de se faire au détriment de la valeur de la charge à déplacer qui risque de diminuer fortement !
De manière générale, on fera remarquer au lecteur que l’utilisation d’un tel stratagème conduit à diminuer le niveau de charge (% de la RM et nombre total de répétitions et de séries) pour une augmentation du temps de soutien et qu’en dessous d’un certain seuil, la méthode peut ne plus être adaptée. Attention de ne pas glisser dans une surenchère qui conduirait in fine à faire baisser les capacités concentriques du muscle !
Dans tous les cas, il ne faut jamais oublier ce que vous voulez améliorer comme type de force et ne jamais omettre de prendre en considération le contexte précis dans lequel elle va être amenée à s’exprimer. Si vous pratiquez une discipline sportive dans laquelle la force élastique est nécessaire (exemple des sports de bras à tendance explosive), il se peut que le développement de la force d’inertie n’ait pas beaucoup d’importance !
Conclusion
On peut cependant affirmer que le concept est extrêmement intéressant à différents égards et qu’il ne présente pas de risques sécuritaires aux conditions suivantes:
- dans le cadre de la formation, pour peu qu’on utilise une charge très faible à faible ;
- dans celui de la réathlétisation, pour peu qu’on utilise des charges faibles à moyennes ;
- pour développer l’endurance de force, avec des charges moyennes à « relativement lourdes », pour peu que le sportif soit un expert ;
- pour développer l’hypertrophie avec des charges lourdes (mais pas très lourdes !)
Référence : « Approche du développement de la Force », 4Trainer éditions, O. Bolliet, 2013