Le bandeau de la marque Omius est apparu pour la première fois dans le monde du triathlon en 2019.
La jeune entreprise a fait une pause pendant la pandémie, mais a repris ses ventes en 2022.
Cela n’avait pas empêché certains triathlètes de renom de le porter sur la course Olympique de Tokyo (notamment nos trois français Vincent Luis, Léo Bergère et Dorian Coninx).
Sur le championnat du monde Ironman féminin de Kona en 2023 c’était même 43 des 53 pros qui le portait !
Mais la présence du bandeau aux marathons Olympiques 2024 avec Kipchoge donc, mais également Sifan Hassan et Hellen Obiri, médaillés d’or et de bronze chez les femmes, et Bashir Abdi, médaillé d’argent chez les hommes a permis de lui faire passer un palier médiatique et plus grand public.
Dans la semaine qui a suivi les Jeux Olympiques, Omius a vendu l’équivalent de 50% de bandeaux du total de toute l’année 2023.
Jusqu’à présent, Omius a eu recours à une stratégie simple pour convaincre de l’efficacité de son bandeau : l’offrir aux élites et les laisser l’essayer.
C’est ainsi qu’ils ont convaincu un certain nombre de triathlètes élites, ou Kipchoge et Hassan de le porter. Ils n’ont jamais payé un athlète selon son fondateur. Ils leur donnent juste un bandeau gratuit et espèrent que les performances de ce dernier suffisent à les convaincre et ainsi leur faire la meilleure pub.
C’est formidable, sauf que les modes sportives ont une longue histoire et que l’être humain a une capacité infinie à se faire tromper sans vérifier des preuves éventuelles. Nous ne referons pas ici l’histoire de certaines modes techniques, totalement oubliées après validation scientifique a posteriori.
Mais une première étude a été publiée il y a quelques semaines dont l’objectif était d’évaluer l’impact du bandeau Omius. Il s’agit d’une étude indépendante d’un groupe de recherche de l’Université de Sherbrooke au Canada, dirigée par le triathlète professionnel et ultrarunner Antoine Jolicoeur Desroches et l’auteur principal Éric Goulet, publiée dans le Journal of Thermal Biology. Omius n’a pas financé l’étude, la critiquant même.
Comment fonctionne le bandeau
L’astuce simple sur laquelle repose Omius consiste à augmenter la surface disponible pour l’évaporation.
Le bandeau contient 20 unités de refroidissement, chacune composée de neuf mini-tours de graphite poreux et conducteur de chaleur. Au total, cela multiplie par cinq la surface de la zone concernée du front. Les unités de refroidissement peuvent par ailleurs être remplacées et retirées.
Tant que le bandeau est conservé humide et que l’air le traverse, l’eau s’évapore de cette grande surface, visant à éloigner la chaleur du front et créant un effet rafraîchissant. La transpiration peut aider à humidifier les unités de refroidissement, mais dans la plupart des situations, il faut les éclabousser ou les pulvériser périodiquement avec de l’eau.
Il semble possible de générer suffisamment de flux d’air en courant en extérieur, mais pour utiliser le bandeau à l’intérieur sur un tapis de course ou sur home-trainer il faudra donc un ventilateur.
Il n’y a aucun doute sur le fait que cette conception « fonctionne » dans le sens où elle crée un effet rafraîchissant. L’évaporation et sa relation avec la surface ne sont pas des idées nouvelles ou non testées. La meilleure preuve vient probablement des tentatives de Desroches de créer un bandeau placebo pour son étude, ce qui était crucial pour des raisons que nous aborderons par la suite.
Desroches a fabriqué des cubes rafraîchissants factices réalistes avec une imprimante 3D, les a peints à la bombe pour imiter l’aspect moucheté du vrai, puis les a installés dans le bandeau authentique d’Omius. Mais pour imiter la sensation du vrai bandeau, il a dû conserver le faux bandeau au réfrigérateur, car le vrai bandeau est sensiblement froid dès qu’on le met.
Vous pourriez penser que l’objectif de l’aspiration de la chaleur par le front est de refroidir tout le corps. C’est ce qu’affirmaient certains dispositifs de refroidissement précédents, comme les refroidisseurs de paume qui prétendaient abaisser la température corporelle.
Mais Omius ne suit pas cette voie. « Cela ne change évidemment pas votre température corporelle », déclare Leschly. « Au lieu de cela, dit-il, c’est un effet local dont l’objectif est de se sentir plus frais »…pour aller plus vite.
Ce n’est pas nouveau, rappelez-vous nous vous avions par exemple parlé d’études permettant d’aller plus vite avec un simple bain de bouche mentholé permettant de tromper le cerveau. On peut même l’imaginer dans l’autre sens, une étude ayant révélé que l’application d’une petite quantité de chaleur à travers un coussin chauffant faisait ralentir les cyclistes même si leur température corporelle ne changeait pas.
Ce que nous apprend cette nouvelle étude
L’étude de Desroches a porté sur dix volontaires qui ont effectué un test de course à deux reprises : une fois avec le vrai bandeau et une fois avec le faux donc. Le test consistait à courir 70 minutes dans une pièce chaude réglée à 35 degrés et avec 56 % d’humidité à un rythme modéré prédéterminé, suivi d’un chrono sur 5 km.
Les chercheurs ont mesuré toutes sortes de données physiologiques, notamment la température corporelle avec un thermomètre rectal, la température de la peau avec quatre sondes différentes et la température du front avec un thermomètre infrarouge.
Pendant la course de 70 minutes, le bandeau a réduit la température du front et amélioré le confort thermique, mais n’a pas modifié la température corporelle ou la fréquence cardiaque. C’est à peu près ce à quoi on pouvait s’attendre.
Pendant le test de 5km, en revanche, il n’y a eu aucune différence significative dans aucun des paramètres pertinents, notamment la température, le confort ou la performance chronométrique.
À première vue, c’est une mauvaise nouvelle pour Omius. L’une des objections de Cadena son fondateur, est que personne n’a vaporisé les bandeaux pendant l’épreuve de 5km (par rapport à une vaporisation toutes les dix minutes pendant la course de 70 minutes), de sorte qu’ils ont potentiellement séché. Et plus généralement, avec seulement dix sujets, il aurait fallu une énorme différence de performance pour produire un résultat statistiquement significatif.
Desroches reste ouvert à l’idée que même une légère diminution de la perception de la chaleur pourrait être agréable et peut-être même améliorer les performances des athlètes. Mais à tout le moins, les nouveaux résultats limitent l’ampleur de l’effet.
Les bandeaux ne sont pas les nouvelles super chaussures, et ce n’est à coup sûr pas ce qui a valu à Hassan sa médaille d’or olympique après celles sur la piste.
Existe-t-il une option moins chère ?
Il convient probablement de mentionner que le bandeau de base avec des éléments rafraîchissants coûte actuellement 204 $. C’est considérablement plus cher que d’autres options de refroidissement comme, par exemple, se verser de l’eau sur la tête.
Il se trouve qu’une autre nouvelle étude, qui vient d’être publiée dans l’International Journal of Sports Physiology and Performance par une équipe dirigée par Samuel Chalmers de l’Université d’Australie du Sud, explore les avantages de s’arroser pendant les épreuves par temps chaud.
Bien que les détails diffèrent, les deux études sont remarquablement similaires. Dans ce cas, 13 coureurs ont réalisé un test sur 10 km suivi une heure plus tard d’une course modérée de 60 minutes, dans une pièce réglée à 30 degrés et à 47 % d’humidité. Ils ont suivi ce protocole deux fois. Dans l’une des séances, ils ont versé deux fois de l’eau sur leur tête, leur visage et leurs bras tous les 2,5 km ou dix minutes.
Comme pour le bandeau, l’arrosage à l’eau leur a procuré une sensation de fraîcheur et a abaissé la température de leur peau, mais n’a pas modifié leur température corporelle. Il existe cependant une différence essentielle par rapport au bandeau : ils ont couru 1,0 % plus vite dans l’épreuve du 10km avec arrosage, ce qui constitue un avantage statistiquement significatif.
En raison des différences de protocole (l’absence d’essai placebo dans l’étude avec arrosage, par exemple), ce serait une erreur de dire simplement « verser de l’eau sur votre tête vous rend plus rapide, et les bandeaux ne servent à rien ».
Les deux approches semblent en revanche de manière fiable vous faire sentir plus frais. Des recherches supplémentaires seront nécessaires pour déterminer dans quelle mesure, le cas échéant, cela se traduit par de meilleurs temps de course. Et vous seul pouvez décider si cet avantage potentiel vaut 200 $.
Mais il y a une conclusion dont nous pouvons être sûrs : si vous achetez un bandeau Omius et que vous l’aspergez d’eau pour qu’il fonctionne et non uniquement pour le look, alors vous pouvez aussi bien vous mouiller directement.