Utiliser efficacement la fréquence cardiaque pour monitorer l’entraînement aérobie.

Comme tout le monde le sait, la fréquence cardiaque (FC) est révélatrice de l’effort cardio-respiratoire. Plus ce dernier est intense, plus la FC augmente.
Dès lors, les entraîneurs ont tenté de l’utiliser sur le terrain pour calibrer l’engagement de leurs athlètes.
En se démocratisant, la FC est devenue un lieu commun, mais l’entrainement à la FC ne peut pas être utilisé systématiquement.

Nous allons voir, que cette augmentation de la fréquence cardiaque (FC) ne suis pas toujours l’augmentation de l’effort de façon linéaire.

Élément central de la performance aérobie pour de nombreux formats de courses tels que le triathlon, les courses sur route ou les trails, les entraîneurs se sont rapidement penchés sur cette donnée pour établir des zones d’intensités permettant de rendre plus rentable l’entrainement.

En normalisant ces zones d’intensité avec la FC, les entraîneurs et les athlètes autonomes ont en plus un retour d’informations direct sur leur effort, pendant les récupérations, ou dès la fin de séance. À postériori, la FC peut aussi être révélatrice de l’installation d’une fatigue.

Les avantages et les pièges de l’utilisation de la FC

La FC est un indicateur indéniable de l’implication du sportif dans l’effort aérobie, il est donc intéressant de l’utiliser comme un marqueur de la progression dans la préparation du sportif.

Si vous courez régulièrement à des FC plus basses pour la même allure de course, il y a fort à parier que vous êtes sur la voie de la progression.

Si vous êtes un coureur débutant à la recherche d’un effort cardio-respiratoire visant à développer votre endurance, vous avez tout intérêt à vous fier à cette métrique, pour ne pas vous engager sur des efforts trop rapides. Pour les intensités basses et jusqu’aux allures proches de SV2 (soit environ 85% de la VMA : valeur indicative et changeante selon les coureurs), cette donnée de FC est intéressante. Ciblez le temps d’effort à allure constante pendant le « coeur de séance », vos applications vous donneront les moyennes et les évolutions, en excluant l’échauffement et le retour au calme.

Alors, vous pourrez étudier sur ce temps cible la valeur moyenne de votre FC lors de vos footings d’intensités lentes et moyennes. Cette analyse longitudinale, vous permettra d’identifier vos progressions, et également de programmer des séances avec des zones cibles cardiaques pour vous aider à calibrer votre engagement en direct et ainsi éviter les variations d’allure, ou les investissements trop prononcés quand il y a du dénivelé.

Pour les coureurs confirmés qui font des entraînements par intervalles, la fréquence cardiaque peut être utilisée de multiples façons pour permettre l’étude de vos évolutions personnelles. La FC augmente rapidement dès que l’effort débute, c’est ce que l’on nomme la « cinétique rapide ». Avec la prolongation de l’effort, cette FC se stabilise sur un plateau ou augmente légèrement en fonction de l’intensité : on appelle ça, la « cinétique lente ». 

Nous avons ci-dessus deux graphiques, représentant les courbes de vitesse en bleu et les cinétiques de FC associées au même moment en rouge, pour deux séances de fractionnés longs (6x2000m) et de fractionnés courts (10x400m).

Comment les analyser pour comprendre notre progression ?

  • Le temps d’accroche : Le temps que met le coeur pour arriver à un état d’équilibre ou dans le cas d’un temps d’effort insuffisant pour permettre cette stabilisation, il s’agit de l’écart de pulsations entre le début et la fin de la fraction d’effort. Plus le sportif est en forme et entrainé plus l’accroche est rapide.
  • L’évolution de la FC à la récupération : (ou le nombre de pulsations qui chutent au prorata du temps de récupération). Plus le sportif est en forme, plus le nombre de bpm chute rapidement.
  • La FC max atteinte lors de la séance (vs la Fc max du test VMA). Plus le pic de Fc de la séance est proche de la Fc max, plus l’effort cardio a été sollicitant pour le sportif. Attention, cette donnée est à coupler avec le temps passé proche de cette Fc max (ou au-dessus de 90% de FC max).
  • Les pics de FC : Surtout sur des séances d’intermittents anaérobie avec des temps d’efforts inférieurs à 50’’, couplés au temps que le sportif met pour y parvenir sont des données qui permettent de savoir si le sportif réagit vite à l’effort, ou s’il reste longuement en dette d’O2.
  • Les FC de plateau sur les efforts intermittents longs de puissance aérobie. L’observation d’une dérive cardiaque des « plateaux » sur la succession des efforts révèle que les efforts sont effectués à SV2 ou légèrement au-dessus. Et parallèlement que les fractions de récupération (durée + intensité sont adaptés).
  • Les dérives cardiaques à l’effort et à la récupération (différentiels entre FC au départ et à la fin de la fraction d’effort ou de récupération) permettent également de comparer à postériori les efforts du sportif. Elles permettent également de voir si la séance programmée est adaptée au sportif en se posant les questions suivantes : la FC descend-elle trop bas entre chaque effort? Ou la récupération est-elle trop lente ou trop longue?  Le sportif atteint-il une FC plus importante à chaque fraction d’effort supplémentaire? Toutes les réponses à ces questions se font en pleine connaissance de ce que produit le sportif habituellement. Toute comparaison entre individu est non significative.

Mais la FC n’est pas si simple à maîtriser…

  • Premier problème, la FC nest pas significative sur tous les efforts. Les efforts courts et très intenses provoquent une ventilation et donc une élévation de la FC (cinétique rapide) mais qui n’est pas significative de l’engagement du sportif. On appelle cela en physiologie de l’effort, un effort anaérobie (sans utilisation d’O2), et pour ce format d’effort, la FC n’a que peu d’intérêt.
  • La FC est impactée par de nombreux facteurs comme la fatigue, le manque de sommeil, l’hydratation ou plutôt la déshydratation ou même encore la chaleur, l’altitude, le stress, le délai entre le dernier repas et le début de la séance, l’âge…
  • Selon les intensités, la FC est stable mais dès que nous augmentons l’allure, la cinétique* de FC évolue et il est alors plus compliqué de l’utiliser pour calibrer l’effort. Elle peut donc être complètement adaptée pour l’entrainement à des efforts continus de basse intensité ou jusqu’à SV2, mais il est plus complexe de s’en servir pour des efforts intermittents à haute intensité. Dans ce dernier cas, l’étude à postériori pour connaître le temps passé au-dessus de 90% de FC max sera significatif de l’impact de votre entraînement sur votre VO2 max.
  • Enfin, la FC évolue de façon significative avec l’entraînement. Pour un coureur novice, il n’est pas anormal de voir une chute d’une quinzaine de pulsations/min sur un effort identique après 4 à 6 semaines d’entraînements réguliers.
  • Planifier des zones d’efforts à la FC sur un effort incrémental ne veut pas dire que le sportif respectera les mêmes FC sur des efforts continus de durée suffisante pour impacter positivement ses performances. Un test d’effort comme un test VMA avec une ceinture cardiaque n’est donc pas suffisant pour déterminer les possibilités du sportif.

La FC sert-elle pendant ou après l’entraînement ?

Nous l’avons dit, la FC est aussi révélatrice des efforts faits par le système cardio-respiratoire qui est lui même un facteur prépondérant de la performance en endurance.

Pendant l’entraînement, les entraîneurs préfèrent souvent que l’athlète s’engage au grès de ses propres sensations. Même si nous disposons aujourd’hui des technologies pour avoir un retour fiable en direct, il est préférable que le sportif s’engage en pleine connaissance de ses capacités liée à ses ressentis.

Se dissocier de son effort en faisant davantage confiance à sa montre qu’à sa réflexion peut être un piège, car la ceinture n’a pas la vision globale de l’intégralité des facteurs permettant la performance.

En revanche, la FC peut être utilisée comme outil de programmation de la récupération. Vous connaissez votre FC max, vous travaillez pour améliorer votre puissance aérobie? Alors la montre et la ceinture ou bracelet capteur de FC va vous permettre de reprendre l’effort sans jamais être trop loin de vos valeurs cibles (en général au-dessus de 90% de FC max pour la thématique de puissance aérobie).

Concrètement développer votre « moteur d’O2» de la façon la plus rentable vous poussera non plus à respecter des temps de récupération mais plutôt à repartir sur la fraction suivante une fois que votre FC aura diminuée d’une vingtaine de pulsations maximum. 

Il est donc intéressant pour le coureur de savoir à posteriori comment il engage son cœur pour un effort bien déterminé. Ainsi, si vous répétez une séance clé sur une piste, dans un parc… avec une allure identifiée grâce aux temps de passage, vous serez en un coup d’œil capable de voir s’il vous a fallu un effort plus ou moins important de votre cœur pour approvisionner vos muscles en O2.

Cette étude à postériori est valable sur de nombreux critères que nous avons définis plus haut dans le paragraphe des avantages de l’utilisation de la FC. 

L’étude longitudinale vous permettra par la même occasion de programmer des séances en relations avec votre cœur. Quel temps mettez-vous pour accrocher une FC impactante pour le développement de votre puissance aérobie ? Et donc quel ratio entre temps d’effort et de récupération vous faut-il utiliser ? Quelle amplitude entre intensité d’effort et de récupération vous faut-il mettre en place ?…

Voilà des questions auxquelles le suivi de FC de votre entraînement vous permettra de répondre, rentabilisant d’autant plus vos efforts.

Conclusion

Facteur central de la performance aérobie, la VO2 max traduite par la FC max  et l’étude de ses cinétiques de FC permet aux acteurs de terrain d’individualiser et de rentabiliser les efforts.

Il ne faut néanmoins pas se fier qu’à cette donnée sous peine de réduire la performance au seul cœur du sportif.

Bibliographie :

  • P. Balducci : La fréquence cardiaque et son utilisation en course à pied et en trail.
  • G. Millet (2009) : Pédaler ou courir ? Différences physiologiques entre cyclisme et course à pied. Rev Med Suisse 2009; 5: 1564-7.
  • Olher RR, Sales MM, Sousa CV, Sotero RC, Madrid B, Cunha RR, Moraes MR, Simões HG. Heart rate cost of running in track estimates velocity associated with maximal oxygen uptake. Physiol Behav. 2019 Jun 1;205:33-38. doi: 10.1016
  • Achten J, Jeukendrup AE. Heart rate monitoring: applications and limitations. Sports Med. 2003;33(7):517-38.

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