Un constat très simple, nous avons tous été courir ou pédaler avec des partenaires d’un niveau proche en compétition et pourtant nos allures n’étaient pas les mêmes lorsqu’il s’agissait de faire une sortie de type aérobie.
On constate également souvent que les sportif(ve)s de haut-niveau ne vont pas toujours plus vite que les amateurs et même parfois moins vite… Allons creuser ces sujets.
À haute intensité, peu de questions à se poser. En grossissant à peine le trait l’objectif sera de se caler sur l’allure permettant personnellement de réaliser la meilleure performance possible en fonction de la séance proposée…
Mais si l’on épluche un peu les carnets d’entraînements dans les sports d’endurance, que l’on soit amateur, élite, homme, femme, jeune, vieux, on observe dans tous les cas que l’entraînement d’endurance représente la plus grande part d’entraînement réalisée. Donc par définition, il se font plus lentement mais courir à 8 ou 12 km/h ne représente pas la même chose tout comme pédaler à 50W ou 150W.
En conséquence, il existe des écoles de pensée radicalement différentes sur la « facilité » avec laquelle le « facile » devrait être réalisé. Deux courants de pensée s’opposent avec d’un côté certains qui iront très lentement et d’autres plus vite…voire dans la zone 2 entre les deux seuils.
Un 3ème courant de pensée moins extrême se situe un peu au milieu de tout cela… C’est-à-dire un courant pour lequel toutes les vitesses auront leur intérêt que ce soit physiologiquement ou mécaniquement. Mais surtout pour lequel un rythme de course ou de pédalage « facile »… devra tout simplement être facile !
Ceci suppose qu’un rythme facile n’a pas vraiment d’importance tant que vous ne poussez pas les extrêmes non plus et qui surtout s’adaptera à votre forme du moment modulé par votre entraînement de la veille et du lendemain mais aussi par d’autres facteurs pouvant l’impacter positivement ou négativement :
- niveau de fatigue générale
- réserves d’énergie
- bobos
- stock de sommeil
- volume de position assise quotidien
- stress, etc…
Explications
Une nouvelle étude réalisée par Jessica Selinger de l’Université Queen’s au Canada et ses collègues des universités de Stanford et de Seattle Pacific a aiguisé notre curiosité.
Au lieu de demander à quelle vitesse les gens devraient courir les jours faciles ils ont tout simplement regardé à quelle vitesse ils courent. Les chercheurs ont analysé les données de course de 4 645 coureurs qui utilisaient un tracker portable (Lumo Run) qui permettait au-delà des données de vitesse de mesurer différents marqueurs biomécaniques (cadence de course, rotations pelviennes, oscillations verticales, etc.). Les sujets étaient à 38% des femmes et ils ont enregistré un total de 37 000 sessions de sorites « faciles ».
Le résultat le plus notable de l’étude était que, pour les sorties réalisées seules, le rythme de course ne dépendait pas de la distance de la course.
Si quelqu’un sortait pour un footing de 4km, il courait généralement au même rythme qu’il le ferait pour un autre de 10km. Nous aurions pu imaginer des courses plus rapides sur des distances très courtes ou plus lentes le lendemain des sessions à haute intensité ?
Un ralentissement marginal n’était constaté qu’à partir des distances supérieures à 11km, probablement dans un mélange entre une fatigue ressentie et une recherche d’économie.
Visez l’efficacité !
Selon Selinger, le choix d’un rythme de course facile est dicté par l’efficacité énergétique. Chacun de nous a un rythme de course énergétiquement optimal qui minimise le nombre de calories que nous brûlons pour parcourir une distance donnée, ce que nous appelons le coût de locomotion.
Vous pouvez calculer ce rythme optimal dans un laboratoire en courant à des vitesses différentes tout en mesurant la dépense énergétique, puis en déterminant quel rythme minimise le coût de locomotion.
En comparant les données Lumo aux données de laboratoire précédentes de sujets appariés selon l’âge, le sexe et l’IMC, Selinger a constaté que les coureuses et coureurs semblaient s’installer naturellement dans leur rythme le plus efficace, quelle que soit la distance qu’ils prévoyaient de courir.
Ce résultat viendrait apporter quelques potentielles explications au fait que dans un groupe d’athlète de niveau équivalent, la palette d’allures faciles soit si multiple.
Personnellement, j’ai toujours eu tendance à courir assez lentement lors de mes sorties aérobie ou même échauffements en comparaison avec mes partenaires d’un niveau équivalent en séances/compétitions et même en comparaison à certains athlètes d’un niveau moindre.
L’inverse est vrai également, ayant souvenir de footing « très » lent pour moi avec des athlètes des équipes de France d’athlétisme ou de triathlon. Ce n’est pas parce que je suis incapable de courir plus vite puisque j’ai déjà exploré sans problèmes les allures entre celles de footing et de VMA et également avec ces mêmes coureurs ou coureuses.
Mais, lorsque la consigne est d’être « facile » je me sentais moins à l’aise à leurs vitesses « faciles » rapides pour moi.
Comme l’inverse est vrai également puisque comme beaucoup d’entre nous j’imagine, je me sens mal à l’aise lors de footings plus lents avec des collègues d’un niveau bien inférieur (ce qui m’empêche pas que le plaisir de me retrouver avec eux prend le dessus), comme mes amis rapides en footing me diront qu’on s’embête avec moi. Presque comme si nous ne parlions pas la même langue !
Il convient de souligner à quel point ce que nous avons pu dire avant est étrange. Courir plus vite brûle toujours plus d’énergie dans un laps de temps donné que courir plus lentement, ce qui signifie qu’il est également associé à une perception plus élevée de l’effort (sauf à courir très lentement où certes l’énergie demandée sera moindre mais pas nécessairement le coût musculaire avec une mécanique de course non naturelle).
Mais, comme de précédentes études l’ont également constaté lorsque vous demandez à quelqu’un de courir, il ne choisit pas automatiquement le rythme le moins énergivore, ce qui serait extrêmement lent.
Au lieu de cela, nous choisissons le plus souvent le rythme le plus efficace, ce qui minimise l’énergie dépensée pour parcourir une distance donnée.
Les ami(e)s qui sont « faciles à courir vite » (ce qui diffère de courir vite) choisissent un rythme qui est à la fois objectivement et subjectivement plus difficile, mais qui leur convient néanmoins d’une manière ou d’une autre.
Les résultats de Selinger sont des agrégats de groupe : le rythme moyen auquel les personnes de son ensemble de données Lumo ont choisi de courir correspond au rythme énergétique optimal moyen pour les personnes de cet âge, de ce sexe et de l’ IMC.
Est-il possible que les choix individuels de rythme de course soient également dictés par l’efficacité énergétique, c’est-à-dire que mon point idéal personnel se produise à un rythme plus lent que celui de mes partenaires d’entraînement ?
Selinger a noté qu’elle voyait des preuves de cet effet dans les données qu’elle avait recueilli sur la vitesse de marche. Bien que les données présentent un certain écart-type, les personnes dont le coût de transport le plus efficace se produit à des vitesses de marche rapides ont tendance à choisir elles-mêmes des vitesses de marche rapides.
Elle suppose qu’il en va de même pour la course à pied : ceux qui choisissent des courses faciles plus lentes le font probablement parce qu’ils sont plus efficaces à un rythme plus lent.
Peut-on la faire évoluer ?
La prochaine question évidente est de savoir ce qui détermine votre rythme optimal et comment le modifier. Il y a certainement des facteurs qui affectent l’efficacité de votre course, comme le recrutement musculaire ou la raideur de vos tendons par exemple. Mais ces facteurs peuvent simplement vous rendre plus efficace à toutes les vitesses, sans changer la vitesse la plus efficace.
Des facteurs tels que la longueur des jambes, la vitesse de foulée, la masse musculaire et l’élasticité des tendons peuvent tous affecter la vitesse optimale, mais de manière complexe et souvent interdépendante.
Cela signifie qu’il n’y a pas d’exercice simple qui augmentera comme par magie ma vitesse de course optimale. Et même s’il y en avait, il n’est pas clair que ce serait utile pour vous de toute façon. Lorsque vous courez, vous courez bien au-dessus de votre vitesse la plus efficace, car le but d’une course est d’aller le plus vite possible, pas d’être aussi efficace que possible.
Maintenant que nous ne courons plus après des mammouths, minimiser le coût de locomotion semble moins prioritaire, à moins qu’il ne s’avère que :
- Le rythme de vos courses faciles fasse vraiment une grande différence pour vos performances de course,
- Notre préférence pour courir au rythme énergétique optimal est suffisamment forte pour dicter ou au moins influencer le rythme de course facile.
Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour étayer ces deux hypothèses.
Malgré tout, il faut garder en tête que si l’on sort d’un panel de sportif élites, ce qui influencera notre vitesse de course et surtout notre efficience passera par du travail technique, de vitesse, de côte, de force, de pliométrie, etc., bref en améliorant la mécanique avant même le moteur.
Gardons en tête que pour la majorité des coureurs et des cyclistes amateurs le principal frein à la performance se trouvera dans notre efficacité à produire de l’énergie d’un point de vue mécanique, musculaire et tendineux.
Pour avoir un ordre d’idée, chez un athlète élite il sera possible de courir « facile » jusqu’à des allures de 19-20km/h chez les hommes.
Apprenons donc à courir/pédaler moins souvent et à intégrer des contenus permettant de devenir de meilleurs athlètes et ainsi avoir une réserve de vitesse facile plus importante.
D’ailleurs Selinger n’a pas regardé comment l’entrée dans un âge « avancé »a influencé cette vitesse facile optimale, mais assez logiquement elle devrait décroitre.
Je cours toujours mes sorties faciles plus lentement que ce à quoi vous vous attendiez en fonction de mon niveau de course, et ce n’est pas parce que j’ai de fortes convictions sur les avantages physiologiques d’un rythme par rapport à un autre, c’est parce que je m’y sens bien.
En revanche nos années passées auprès des meilleurs nageurs d’eau libre, de triathlon, de VTT, de cyclistes professionnels ou même aujourd’hui auprès de Pierre-Ambroise Bosse sur l’épreuve la plus rapide du demi-fond nous ont persuadé qu’il est primordial d’écouter son corps lors de ce type de sortie pour que naturellement il s’adapte à votre état de forme, de santé, de stress, de blessures, etc…
Laissez-vous portez et ne surtout pas influencer par vos collègues ou votre égo.