jeux olympiques 1972 : 1500 mètres / Source : racingpast.ca

L’Incroyable Kip Keino : Un seigneur sur la piste et dans la vie !

Découvrez l'incroyable histoire du coureur kényan Kipchoge "Kip" Keino.

Kipchoge « Kip » Keino est né le 17/01/1940  à Kipsamo, un petit village près des Nandi Hills.

Si Kipchoge Keino n’est pas le premier kenyan médaillé olympique (Kiprugut finira 3 -ème sur 800 m à Tokyo en 1960) ni le premier champion olympique (Temu sur 10 000 m à Mexico en 1968) on peut affirmer sans conteste que Keino est à la fois le premier et le plus grand des coureurs kenyans !

Sa foulée légère, ample, gracile, son attitude combative et téméraire, ses résultats, sa polyvalence pédestre mais surtout son charisme ont fait de Keino le premier ambassadeur de son jeune pays. Keino au fil de ses exploits est devenu la fierté d’une nation qu’il porte au plus profond de lui et qu’il a fait connaître aux quatre coins de la terre.  

 

Keino aura surtout été l’inspirateur de milliers de jeunes kényans qui depuis dominent la planète demi-fond.

Mais Keino n’a pas été qu’un coureur au palmarès faramineux, c’est aussi le symbole de la générosité et du don pour les autres.

La carrière prodigieuse de ce fier guerrier Nandi mérite qu’on s’y attarde.

 

Palmarès

 

Or aux jeux olympiques sur :

  • 1500m en 1968 à Mexico
  • 3000 m steeple en 1972 à Munich

Argent aux jeux Olympiques sur :

  • 5000m en 1968
  • 1500m en 1972.
  • Recordman du monde sur 3000m et 5000m.

Jeux de l’empire britannique et du Commonwealth

  • Or sur le mile et le 3 mile en 1966 (Kingston Jamaïque)
  • Or sur 1500 m et bronze sur 5000 m en 1970 (Edimbourg Ecosse)

Records personnels

440 yard : 49.0

800m : 1:46.41 à Munich en 1972

1500m : 3:34.91 en 1968 à Mexico en 1968

Mile : 3:53.1 à Kisumu Kenya en 1967

2000m : 5:05.2 à Leicester en 1970

3000m : 7:39.6 (record du monde) à Helsingborg en 1965

2 Miles : 8:25.2 à Sydney en 1965

5000m : 13:24.2 (record du monde) à Auckland en 1965  

10 000m :28 :06.4 à Léningrad n 1968

3000m steeple : 8:23.64 à Munich en 1972

 

Les meilleures performances par année de Kipchoge Keino
Age 800 m 1500 m Mile 2000 3000 m 5000 m / 3 miles 10000 m 3000 m steeple
1959 19 04 :38 / 16 :17
1960 20
1961 21
1962 22 4 :07.0 / 13 :46.8
1963 23
1964 24 3 :41.9 4 :01.5 13 :49.4
1965 25 3 :37.6 * 3 :54.2 7 :39.6 13 :24.2
1966 26 3 :36.8 * 3 :53.4 / 8 :29.8 13 :26.6/ 12 :57.4
1967 27 3 :36.7 * 3 :53.1 13 :36.8
1968 28 3 :34.91 3 :55.5 13 :35.8 28 :06.4
1969 29 3 :37.3
1970 30 3 :36.6 5 :05.2 / 8 :25.4 13 :27.6
1971 31 1 :47.0 3 :36.8 3 :54.4 13 :25.8
1972 32 1 :46.41 3 :36.81 3 :59.4 i 28 :48.8 8 :23.64
1973 33 3 :39.63
* temps de passage sur mile

 

Qui est Kipchoge Keino ?

 

Kipchoge est issu de la tribu des Kalenjins qui habitent une région de haute altitude bien arrosée près des montagnes Nandi sur le côté ouest de la vallée du grand Rift. S’ils ne représentent qu’environ 5% de la population kényane les kalenjins sont depuis toujours les principaux fournisseurs de l’équipe kényane de demi-fond et fond avec les kisiis et les kipsigis, dont est issu le premier grand coureur kényan qui a terminé 6ème sur 5000 m de Rome : Nyandika Maiyoro.

A l’origine, tribus guerrières nomades, s’ils vivent maintenant comme des cultivateurs et des éleveurs sédentaires, ils ont gardé l’esprit guerrier et un esprit de combat qui se retrouve en compétition.

Leur morphologie leur donne, grâce à la taille de leur fémur, une longueur de jambe qui favorise l’amplitude de la foulée. Ces qualités font que nombre d’entre eux, dans les années 1960, ont été recrutés par la police.

 

Une enfance peu banale qui force le respect

 

A l’âge de 4 ans, alors qu’il se trouve avec les autres petits bergers pour garder les chèvres dans les collines près de Kapchemoiyvo où sa famille avait déménagé, sa mère décède lors d’un accouchement. Comme il est de tradition au Kenya quand le père est veuf, le fils est envoyé chez ses grands-parents à Kipsamo pour y être élevé. Il va vivre comme tout petit kényan : marchant, courant, jouant dans les champs tout en faisant des corvées pour la ferme. A l’âge de 10 ans, il rejoint la maison de son oncle pour garder seul le troupeau de chèvres. Il ne fréquente pas l’école passant ses journées à surveiller les chèvres.

C’est à cette époque qu’il a surement fait la course la plus rapide de sa vie lorsqu’il s’est retrouvé face à face avec un léopard mangeant une chèvre du troupeau.  

Mais sa vie n’est pas facile dans la brousse, serpents, animaux sauvages… Si la brousse est dangereuse son oncle qui lorsqu’il a trop bu, le bat sévèrement l’est encore plus. Le jeune Keino va parfois dormir dans un arbre pour lui échapper. Il vivra bien d’autres aventures et devra se battre contre une « bête inconnue » : la malaria. Lassé de se faire battre, il va décider de s’enfuir et traverser 30 kilomètres de contrée dangereuse pour rejoindre la maison de son père, le suppliant de l’envoyer à l’école. Son père refuse et le ramène chez son oncle. Il continue de garder les chèvres et d’être battu. Son père se dispute alors avec l’oncle et ramène Kipchoge à la maison. Il tourne autour de l’école tente d’y être accepté.  Mais il n’a pas d’argent et doit retourner à la maison. A 12 ans, son père a enfin trouvé l’argent nécessaire pour payer les frais d’inscription et l’uniforme de l’école et Kip est accepté à la « Kaptumo Intermediaire School ».

Sa ténacité a été récompensée.

Une année plus tard, il participe au cross de l ’école, terminant 4ème en se frottant à des élèves bien plus âgés. Sa récompense sera un morceau de savon. Plus tard, il terminera 2ème d’un 400 m démontrant déjà sa polyvalence. Il aime courir, et est heureux à l’école. Ce fut donc un coup dur lorsqu’ à 16 ans, il a été obligé abandonner l’école faute d’argent.

A l’âge de 16 ans, devenu un Nandi après les rites initiatiques, il est livré à lui-même, construit une hutte et cultive des légumes. Cherchant du travail, il marché 65 kilomètres pour prendre le train pour aller à Fort Ternan, mais sans succès. Il est alors revenu travailler dans une ferme. En rentrant un jour chez lui le week-end il a été attaqué par des voleurs et n’a dû sa vie qu’à ses qualités de coureur.

Son père, Kipkeino Arap kurgat qui avait gagné quelques courses à l’âge de 45 ans sur 4 et 10 miles avant la naissance de Kipchoge l’encourage à s’entraîner sur une piste rudimentaire aménagée sur leur terrain. Kip participe à sa première course à 16 ans : un 3 mile qu’il terminera à la 5ème place. Il participe à de nombreuses courses seniors en obtenant des places respectables et lors des championnats de district il se lance sur le marathon. Il prend la tête à la mi-course, mais à 5 miles de l’arrivée boit un soda et se retrouve rapidement allongé au sol, trop malade pour continuer.

 

Mais Kip a trouvé son identité dans la course.

Il tente ensuite d’entrer dans la police mais est refusé car trop jeune. Mais comme pour l’école sa ténacité va payer. Un jour alors qu’il traînait devant le local de police, seules 17 recrues sur les 18 attendues sont venues au rendez- vous le jour de leur accueil. Les recruteurs de la police qui le connaissent et savent que c’est un bon athlète, vont l’enrôler. Kip a une demi-heure pour se préparer et partir à Eldoret.

Cette journée a changé sa vie et celle du demi-fond mondial.

 

Kip Keino le policier

 

Recruté par la police, Kip va gagner en confiance et un peu d’argent. Avec sa première paie il achète une bible.  Élève studieux, il va aussi très vite montrer qu’il est le meilleur coureur de sa classe. Sa première compétition sera un cross-country qu’il terminera à la 2ème place derrière son idole le caporal Arere Anentia.

La préparation militaire est rigoureuse avec de l’entraînement physique tous les jours. Il court 3 à 5 fois par semaine et joue au football et au volley-ball les autres jours.

Il participe à quelques courses seulement car il doit participer aux patrouilles dans une période de lutte et de forts troubles pour l’indépendance du pays. En 1959, réalise 4:38 sur le mile et 16:17 sur 3 mile.

Keino a même été membre de la garde rapprochée du leader Mau Mau Jomo Kenyetta qui deviendra en 1964 le premier président du Kenya. Pendant 3 ans, il va faire son travail au sein de l’unité des services généraux de la police. Très vite ses supérieurs ont découvert le talent et Il est affecté à l’école d’entraînement de la police à Kiganjo où il trouve de bonnes conditions d’entraînement et des compétitions. Keino veut se rapprocher de sa famille mais son supérieur refuse car pour la première fois il a un entraînement structuré. Après quelques mois d’entraînement, Keino va pouvoir se frotter à nouveau au plus fameux coureur du Kenya, Arere Adentai. Il va le battre sur 3 mile avant de gagner également le 3000 m steeple. Fort de ses succès, Kip invite son père à assister à une prochaine compétition sur steeple. Hélas il va tomber lors du franchissement de la rivière, terminer 4ème et dégoûté, abandonner la pratique de cette discipline.

Utilisant des entraînements de sprints de son invention, Kip va réaliser 4:17 sur mile et 14:08.9 sur 3 mile lors des championnats kényans. Sélectionné pour les championnats est-africains en Tanzanie, il y bat le record du 3 miles en 13:46.8. Kip devient le meilleur coureur du Kenya.

Puis il va gagner en 13:55.5 le 3 mile de sélection pour les jeux de l’Empire britannique et du Commonwealth qui se déroulent à Perth en 1962.

Encadré par un officier britannique, la préparation que Keino doit suivre ne lui convient pas car négligeant le travail de vitesse dont Kip a besoin. Surentraîné et perclus de douleurs Keino arrête l’entraînement mais en profite pour observer les les athlètes étrangers et se faire ainsi quelques idées sur le travail d’interval training.

A Perth, les résultats ne sont pas bons pour les kenyans.

Sur le mile avec 4:07 Kip ne se qualifie pas pour la finale puis finira 11ème en 13:50 dans un 5000m remporté par Halberg (NZ) en 13:34.15, Clarke (Aus.) en 13:35.92 et Bruce Kidd (Can.) en 13:36.37. Dans cette course les concurrents ont eu un aperçu du « front Runner » qu’est Kip, parti en boulet de canon. Kip possède 100 mètres d’avance à mi-course, avant d’aborder le dernier tour avec 30 mètres d’avance. La, avec un dernier tour en 70 secondes seulement, il se fait dépasser par une dizaine de concurrents.  C’est un échec pour Keino.

Après Perth, Keino se marie, achète un terrain et démarre une ferme avant même de terminer son service de policier.

En 1963, lors de travaux agricoles de déforestation, un bœuf qui remorque des arbres abattus fait un écart et le blesse au genou. Cette douleur va le gêner toute l’année et ce n’est qu’en début de l’année 1964 qu’il pourra de nouveau s’entraîner normalement.

C’est aussi à cette période que Keino a rencontré Mal Whitfield, le triple champion olympique (800m en 1948 et 1952 et 4×400 m en 48) qui travaille alors au service d’information des Etats Unis à Nairobi. Whietfield lui donne des conseils et lui a établi le plan de travail pour son entraînement présenté plus bas.

Si Keino n’a jamais eu d’entraîneur attitré, il a bénéficié durant sa carrière des conseils de John Velzian. Il a également de ceux de Mike Wiggs et Bill Dellinger, des entraîneurs américains réputés. Mais c’est Keino lui-même qui décidait de son entrainement.

 

Entraînement

 

 

Un nouveau challenge

 

Après s’être retiré des pistes, Keino, véritable héros national, a acquis une ferme qu’il va très vite, aux côtés de sa femme Phyliis et de ses six enfants transformer en orphelinat, « The Kip Keino Children’s home » accueillant d’abord quelques d’enfants du voisinage pour arriver jusqu’à 90 orphelins.

Keino dira :

« Nous leur avons donné un foyer, de l’amour et de l’éducation. Beaucoup de ceux qui sont arrivés orphelins sont allés à l’Université, certains sont maintenant docteurs et quand je les vois vivre après leur propre famille, je me sens heureux »

Keino va réaliser le rêve de sa vie en 2000 avec la création de la « Kip Keino School » financée par des fondations. Cette école accueille 300 enfants de 6 à 13 ans.

Le 13 mai 2010 le président du CIO, Jacques Rogge inaugure l’école secondaire qui a été ouverte.

Kip Keino n’a jamais oublié ce que l’école et les valeurs de la compétition ont pu lui apporter.

 

 

Sa carrière post athlète dans le sport

 

Entraîneur en chef de l’équipe kényane aux Jeux olympiques de Montréal (1976) que le Kenya va malheureusement boycotter et aux Jeux de los Angeles (84). L’absence lors de 2 jeux olympiques (Montréal 1976 et Moscou 1980) va retarder le développement de l’athlétisme kényan et porter préjudice à de nombreux athlètes de grand talent qui n’auront pu accéder au titre suprême.

Entraîneur en chef aux Jeux du Commonwealth 1982, en 1987 lors des championnats du monde 1987 puis chef de délégation aux jeux du Commonwealth en 1994 et aux jeux d’Atlanta 1996.

Membre du CIO en tant que président du CNO du Kenya de 2000 à 2010 puis membre honoraire

 

Distinctions

 

Docteur Honoris causa ès lettres, Université d’Egerton

Docteur Honoris causa ès droit, Université de Bristol

Médaille du mérite, ordre du « Burning Spear », ordre olympique 2011

Keino sera le premier à être honoré par les Lauriers olympiques en 2016. Cette récompense créée par le CIO vise à honorer une personnalité pour sa :

« Contribution remarquable à la vision, à l’idéal ou aux valeurs de l’olympisme dans le domaine de la culture, du développement ou de la paix par le sport ».

C’est la définition même de ce grand monsieur : Kipchoge Keino.

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Commentaires sur sa carrière et son entraînement

 

 

Keino est un coureur polyvalent, devenu au fil des années peut être plus performant sur les courtes distances. A ses débuts, il dispose comme tous les kényans de cet extraordinaire fond physique dont disposent tous les kényans en raison de leur mode de vie. Son passage à l’armée et la pratique intensive de la préparation militaire lui ont donné une excellente condition physique.

Keino est un coureur offensif, mais qui pouvait surprendre ses adversaires en changeant de tactique avec soit un 1er tour rapide, 2ème ou 3ème ou encore capable de suivre et de placer une attaque grâce à une belle accélération progressive et un bon finish.

Keino n’a jamais eu d’entraîneur attitré mais a su observer les autres coureurs puis de se construire sa propre méthode en l’ajustant au fil des années.

2 choses sont à noter :

  • Keino court beaucoup mais pas plus que ses adversaires. Dans les années 60/70, et jusque dans les années 80, il était courant de faire jusqu’à 30 compétitions et plus par année (cross, indoor, outdoor). Ainsi en 1965, Michel Jazy a participé à … 57 courses. Mais contrairement aux compétitions de demi-fond de la fin du 20ème début du 21ème siècle, ils ne recherchaient pas systématiquement le chrono et certaines courses étaient prises comme des courses de préparation.
  • Sa structure de la semaine est intéressante avec un gros bloc de travail concentré sur 5 jours et 2 jours de régénération en fin de semaine. On a l’indispensable alternance charge et récupération. Keino, comme le font encore maintenant de nombreux kényans s’offre aussi une belle plage de plusieurs semaines de récupération à la fin de la saison pour permettre à l’organisme de se régénérer.  

Keino avait probablement une excellente faculté de récupération, pour preuve le nombre de doublés ou triplés la même journée.

Au niveau de l’entraînement lui-même, Keino croise et conjugue un travail aérobie avec un travail d’intervalle training pratiqué à l’époque par les américains et les européens mais avec un nombre de répétitions limité, une récupération assez longue qui permet un travail qualitatif. Keino ne négligeait pas le travail de vitesse et les changements de rythme.

Presque exclusivement basé sur l’interval-training en début de carrière avec parfois 5 sessions par semaine, Keino a progressivement augmenté le volume de ses sorties aérobies (influence de la méthode Lydiard probablement suite à ses échanges avec ses adversaires).

Keino suit donc un entraînement qu’on peut appeler moderne car jumelant astucieusement travail aérobie et rythme

On ne connait pas les allures des footings de Keino mais il devait parfaitement maîtriser les sujets en étant à l’écoute de ses sensations et gérer les allures en fonction de son état de fatigue.

Comme Keino le disait : « il court parce qu’il aime courir » et cela se voit dans son comportement en course et son plaisir de courir quelle que soit la distance.

 

Que valent les 3 :34.91 de Keino en 1968 à Mexico ?

 

 

Il faut tout d’abord rappeler que le stade olympique de Mexico se trouve à une altitude de 2240 mètres.

Mexico a été le théâtre de si fabuleux exploits avec le saut de Bob Beamon, le record sur 400 m de Lee Evans, le 200m de Tommie Smith, le 100 m de Jim Hines, la découverte du sauteur qui va révolutionner la hauteur Dick Fosbury, le record de Ralph Doubell sur 800 m, le fantastique concours de triple saut et la quatrième victoire d’Al Oerter au disque que le chrono de Keino sur 1500 m n’a pas été apprécié à sa juste valeur.

Essayons de faire parler les chiffres.

Quelle a été la perte de temps des coureurs occasionnée par l’altitude de Mexico.

Le tableau suivant présente les performances des 7 coureurs classés derrière Keino lors de la finale de Mexico ainsi que leurs meilleurs temps en plaine. Les pertes de temps sont parfois énormes ( Il faut rappeler que c’est leur 3ème course sur 1500 m).  Si l’on retient la différence moyenne qui est de 5 secondes et que l’on la pondère légèrement une perte de l’ordre de 4 secondes peut être retenue.

Si Keino avait couru son 1500 m du 20 octobre au niveau de la plaine un temps de l’ordre de 3:31.0 aurait été envisageable.

Mexico
  1. Performance en 1968 ou antérieure
Différence
Keino 3 :34.91 3 :34.91 0
Ryun 3 :37.89 3 :33.1 4,7
Tümmler 3 :39.08 3 :36.5 2,58
Norpoth 3 :42.57 3 :39.7 2,87
Whetton 3 :43.90 3 :39.9 4
Boxberger 3 :46.65 3 :40.8 5,85
Szordykowski 3 :46.69 3 :39.2 7, 5
Odlozil 3 :48.69 3 :37.6 11,09
Perte Mexico 5,2

 

Quel est le gain de temps obtenu par les kenyans qui ont l’habitude de courir à l’altitude de Nairobi quand ils descendent courir en plaine ?

Le tableau suivant présente les meilleures performances réalisées à Nairobi et en plaine :

Meilleure performance à Nairobi Meilleure Performance absolue Différence Année de réalisation
Kwemoi 3 :30.89 3 :28.81 2,08 2017
Cheruyot 3 :31.05 3 :29.10 1,95 2017
Kiplagat 3 :31.39 3 :27.64 3,75 2013
Manangoi 3 :32.03 3 :28.80 3,23 2017
Kiprop 3 :32.26 3 :26.69 5,57 2011
Kipchirchir Komen 3 :32.47 3 :29.02 3,45 2011
Rotich 3 :33.1 3 :29.91 3,1 1998
Kibowen 3 :33.3 3 :30.18 3,15 1998
Keitany 3 :33.59 3 :30.20 3,39 2009
Moyenne 3 :32.22 3 :28.93 3.30

 

Le gain moyen est de 3.30 entre les performances réalisées en altitude à Nairobi et la plaine.

A noter que le 7ème performer en altitude Soget Justus, un jeune coureur de 18 ans qui a une performance de 3:32.97 ne possède pas de performance en plaine. Il sera intéressant de la suivre dès cette saison car l’on devrait si on applique la règle des 3 secondes de gagner, le retrouver très largement sous les 3:30.

En observant le bilan et les années de réalisation de ces performances en altitude on constate tout d’abord

  • Que seuls 20 athlètes ont fait mieux depuis les 3:34.91 de Keino et que le premier à le faire a été un autre géant kenyan, le steepleur Moses Kiptanui (6 records du monde sur steeple, 3000 m et 5000 m) qui a réalisé 3:34.0 à Nairobi en 1992 !
  • Que ce n’est que très récemment (2011, 2013, 2017) et dans des courses avec une pléiade de coureurs de très haut au départ qu’on a commencé à courir vite en altitude

Quand on pense qu’il a fallu attendre 24 ans pour voir un athlète aussi talentueux que Kiptanui faire aussi bien que Keino montre bien le niveau de la performance de Keino

Il faut ici rappeler qu’il y une nette différence entre l’altitude de Nairobi (1800 m) et celle de Mexico (2240 m) et que les conditions de course à Mexico sont donc bien plus dures que celles de Nairobi.

On peut donc affirmer au vu de l’analyse de ces chiffres que Keino, avec sa course de Mexico dans des conditions de plaine, aurait pu être en dessous des 3:31.0. Pour rappel en 1968, le record du monde du 1500 m est à 3:33.1 (Jim Ryun) et que le premier à descendre sous les 3:31 sera le britannique Steve Ovett en 3:30.77, le 4 septembre 1983 à Rieti.

Ce qu’a réalisé Keino à Mexico était tout simplement phénoménal.

 

 

Epilogue.

 

 

Kipchoge Keino est un athlète que j’admire beaucoup car il a enchanté ma jeunesse. Trente ans plus tard, j’ai eu la chance inouïe, d’être assis à ses côtés à la même table, à l’occasion d’un banquet de l’IAAF à Budapest. J’ai pu échanger plusieurs heures sur sa carrière, sa vie, son école, l’athlétisme, l’argent, les meetings… Je l’ai écouté et regardé, avec mes yeux d’adolescent qui voyaient l’immense champion qui m’avait fait tant vibrer pendant 2 olympiades, alors qu’à mes côtés, il n’y avait qu’un sage, un homme humble et discret.

Pour toute votre œuvre, Monsieur Keino, un grand merci.