Les pics annuels de performance chez les meilleurs nageurs mondiaux : Qualif or not qualif ?

Une étude récente (Mujika et al., 2019) a cherché à observer quelles étaient les évolutions de performances des nageurs au cours d’une saison, en comparant leurs pics de performance obtenus dans la saison (record personnel de la saison avant la compétition internationale) et leurs performances réalisées lors des championnats du monde ou des Jeux Olympiques. Le but était à la fois de mesurer la progression – ou la régression – des nageurs durant la période de préparation aux grands évènements, mais un autre objectif était de mesurer les facteurs d’influence de ces évolutions de performance, comme la durée entre le record personnel de la saison et la compétition majeure, le sexe, l’âge, la distance, la nage ou la nationalité.

En natation comme dans de nombreux sports, une des problématiques est de se qualifier pour les championnats internationaux durant les mois qui les précèdent. Ceci implique au nageur de planifier un pic de performance au cours de la saison, en fonction des critères de qualification imposés par leur fédération respective.

Deux options sont souvent envisagées : soit les nageurs doivent réaliser une performance lors des championnats nationaux qui font office de sélections internationales, soit les nageurs doivent réaliser une performance lors d’une période de temps bien définie.

Quelque-soit le mode de sélection, ceci implique au nageur de devoir bien préparer son programme d’entrainement afin de remplir les critères de qualification, mais de pouvoir s’offrir une marge de progression lors des championnats internationaux, afin de pouvoir espérer gagner une médaille. C’est pour cela que certaines nations gèrent différemment leurs processus de qualification afin de permettre aux nageurs de préparer au mieux leur rendez-vous international.

 

Méthodes de recueil des données

 

La stratégie de préparation à ces différentes échéances est donc déterminante et c’est ce que les auteurs de cette étude ont donc cherché à comprendre : en quoi certains facteurs peuvent influencer les évolutions de performance entre le record personnel de la saison et le résultat obtenu en compétition internationale. Pour cela, l’équipe de Mujika a collecté 7832 performances pour 1619 nageurs provenant des résultats des championnats du monde 2011, 2013, 2015 et 2017, et des Jeux Olympiques de 2012 et 2016. Pour chaque nageur, les chercheurs ont donc enregistré un pourcentage d’évolution de la performance, la durée entre le record personnel de la saison et la performance sur la compétition majeure. Enfin, le ranking final, la nage, la distance, le sexe et l’âge de chaque nageur ont également été collectés.

 

Résultats

 

Sur l’ensemble des résultats, seulement 38% des nageurs ont réussi à améliorer leurs performances de la saison durant les championnats internationaux. Ces résultats montrent que la plupart des nageurs n’arrive donc pas à améliorer son record de la saison lors de l’événement international de l’année. Cet échec peut provenir de nombreux facteurs tels qu’un programme d’entrainement inadapté, une incapacité à réaliser sa meilleure performance sous forte pression médiatique ou d’autres contextes qui restent à élucider.

 

Durée entre le record personnel de la saison et la compétition internationale

 

Les résultats montrent très peu de différences selon la durée qui sépare le pic de performance de la saison et la compétition majeure. Quelque-soit cette durée, on observe des changements de performance similaires. Toutefois, les auteurs de l’étude proposent différentes solutions selon cette durée… Pour les nations qui choisissent des qualifications 3-4 mois avant l’échéance internationale, cela permet aux coaches et aux nageurs d’avoir suffisamment de temps pour reprendre un macrocycle complet de travail. Mais dans certains cas, les qualifications se situent 4 à 6 semaines avant la compétition majeure de la saison. Dans ce cas, l’approche de la périodisation par bloc semble plus adaptée, afin de mieux bénéficier des effets cumulés et retardés de l’entrainement tout en permettant une période de récupération.

 

L’influence du pays

 

Toutefois, les résultats nous montrent que la capacité à améliorer sa performance dépend également de la nationalité et donc forcément d’une culture propre à chaque pays. En effet, le seul pays qui réussit à améliorer la moyenne totale de ses performances est les Etats-Unis. On pourrait penser que la stratégie des Trials américains, qui consiste à réaliser les sélections environ 4-5 semaines avant les Jeux Olympiques est LA stratégie à utiliser. Toutefois, les statistiques nous montrent que même lorsque les états-uniens ont réalisé leurs sélections une saison à l’avance pour les mondiaux 2011 et 2015, ils ont également réussi à améliorer leurs performances. Ce constat est renforcé puisque beaucoup d’américains ne réalisent pas leurs records de saison lors des trials. Il est donc évident que les américains détiennent un secret qui leur permet d’améliorer leurs performances au cours de la saison, contrairement aux autres nations. La Hongrie semble aussi plutôt bien s’en sortir avec des performances qui restent similaires entre le pic de performance de la saison et l’événement majeur de la saison. Mais les autres nations connaissent des régressions de performance et les plus mauvais élèves sont l’Italie, la France et l’Australie.

 

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Figure 1 : cette figure représente le pourcentage moyen d’évolution entre le record personnel de la saison et la performance réalisée en compétition internationale selon les principaux pays de la natation mondiale. Un pourcentage négatif indique une progression des performances alors qu’un pourcentage positif indique une régression. La figure met en avant que seuls les Etats-Unis arrivent à améliorer leurs performances entre la période de qualification et la compétition internationale.

 

Les médaillés

 

Les résultats révèlent également que ce sont les médaillés et les finalistes qui arrivent à améliorer leur record de saison lors de la compétition majeure de l’année. La plupart des nageurs qui n’arrivent pas à sortir des séries ou des demies-finales sont ceux qui n’améliorent pas leur record de la saison. Les médaillés améliorent leurs performances d’environ 0,9%, les autres finalistes d’environ 0,2% alors que les demi-finalistes n’ayant pas accédé à la finale régressent de 0,2%. Enfin, les nageurs qui ne sortent pas des séries régressent d’environ 0,9%.

Avec ce constat, on peut considérer que les fédérations ne devraient pas imposer des temps de qualifications à hauteur d’un temps équivalent à un certain classement, puisque les nageurs ne semblent en majorité, pas capables de le reproduire ou bien de l’améliorer. En revanche, c’est la capacité à améliorer son temps de qualification qui pourrait être largement développée par les fédérations nationales, puisque c’est bien cet aspect qui sera prépondérant pour décrocher une médaille.

 

Ces résultats traduisent également la capacité des meilleurs nageurs à répéter des performances proches de leurs records personnels. Ils arrivent à approcher leur record plus souvent. Les moins bons nageurs sont incapables de réaliser deux pics de performance de haut niveau dans la même saison.

 

L’épreuve

 

Aucune différence n’a été observée selon le style de nage. On observe les mêmes résultats en papillon, dos, brasse, crawl et quatre nages.

En revanche, on observe une baisse de performances moins forte pour les épreuves de 100 mètres alors que les épreuves de demi-fond entrainent des régressions plus importantes de manière générale. Il semblerait donc qu’une planification plus adaptée soit envisagée pour les spécialistes du demi-fond. Il est possible que ces nageurs nécessitent un temps de préparation plus important pour espérer répéter voire améliorer leurs performances dans le temps.

 

Le sexe

 

Il semble que les hommes ont tendance à moins détériorer leurs performances que les femmes.

 

L’âge

 

Peu de différences sont observées concernant l’âge mais une tendance demeure étonnante au premier abord puisqu’on observe que les jeunes nageurs – malgré leur croissance encore en développement – détériorent davantage leurs performances que leurs ainés. Toutefois, nous pouvons supposer que les plus anciens arrivent à mieux gérer la préparation d’une compétition internationale et arrivent donc mieux à performer sur ces évènements. Aussi, il est possible que les nageurs les plus âgés bénéficient d’une marge plus importante lors des compétitions de sélections et peuvent se permettre de nager moins rapidement durant cette période. Nous retrouvons ici aussi un autre aspect qui tend à être développé par les fédérations nationales, qui pourraient prendre en compte l’âge des nageurs pour leurs systèmes de qualifications. Il est souhaitable de laisser davantage d’autonomie à un nageur expérimenté qui pourra gérer sa préparation comme il l’entend, tandis qu’un jeune nageur aura besoin d’accompagnement pour planifier plusieurs pics de performance au cours d’une même saison.

 

Conclusion    

 

Moins de 40% des nageurs internationaux arrivent à améliorer leur record personnel de la saison lors des championnats internationaux. Cette progression n’est pas dépendante de la durée qui sépare les sélections nationales et les championnats du monde ou les Jeux Olympiques. Elle est également très peu dépendante du sexe, de la spécialité ou des nageurs. L’âge semble être davantage déterminant, au profit des plus anciens qui arrivent à mieux gérer leur période de préparation terminale. Il semble donc que le facteur le plus important soit une planification individualisée en fonction des caractéristiques de chaque nageur, afin que ces derniers soient capables d’aller vite au bon endroit au bon moment !

 

 

Références   

Mujika I, Villanueva L, Welvaert M, Pyne D. Swimming Fast When it Counts: A 7-Year Analysis of Olympic and World Championships Performance. International Journal of Sports Physiology and Performance. In Press. 2019.

 

 

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