Bref rappel historique
Depuis plus d’une dizaine d’années désormais, les plots des bassins sont équipés d’un système de starting-blocks, un peu à la manière de ceux que l’on retrouve en athlétisme.
Ce plot est équipé d’une butée arrière modulable qui permet de placer sa jambe arrière dessus et de placer la jambe avant sur le devant du plot, ce départ est dit « kick-start ». A ne pas confondre avec le « track-start », qui consiste aussi à avoir une jambe décalée vers l’arrière, mais elle ne bénéficie pas de butée arrière. Dans un passé plus lointain, les nageurs devaient placer leurs deux pieds sur l’avant du plot, départ dit « grab-start ».
Des études ont déjà mis en évidence que le kick-start permettait d’améliorer la vitesse horizontale de sortie du plot (Biel et al., 2010 ; Taladriz, 2017). Les deux jambes auront donc un rôle différent. Il a été montré que c’est l’impulsion de la jambe arrière qui compte le plus pour la vitesse horizontale de sortie du plot (Takeda et al., 2017), et qui induira une plus grande vitesse de coulée sous l’eau (Tor et al ., 2015). La jambe avant interviendra davantage sur la vitesse verticale de sortie et sur la régulation de l’angle de sortie du plot (Takeda et al., 2017).
Pour le track-start, une étude de Hardt et al., 2009 a logiquement mis en évidence que la jambe spontanément mise en arrière par les nageurs, permettait d’avoir une meilleure vitesse aux 5 mètres, en comparaison avec la jambe non mise spontanée en arrière. Toutefois, dans cette étude, les auteurs ont montré que ce n’est pas forcément sur la jambe la plus forte, que les meilleures performances étaient obtenues.
Nous pouvons donc nous interroger sur le placement idéal de la jambe la plus forte, à l’arrière ou à l’avant. La jambe arrière implique une production horizontale de force plus importante sur la phase initiale du départ alors que la jambe avant implique un temps sous tension plus important contribuant à la poussée pendant que la jambe arrière ne touche plus la butée.
Intérêts de l’étude
Jusqu’à présent, puisqu’il existait peu de données objectives, les entraineurs et les nageurs choisissaient cette position de départ par rapport à des préférences spontanées, empiriques. Une étude a donc utilisé un matériel doté de plateformes de force intégrées au plot (Kistler), afin d’objectiver les facteurs clés du départ « kick-start » en natation.
Résultats de l’étude
L’étude révèle une série de 7 indicateurs clés de la performance du départ :
- La vitesse de sortie horizontale
- L’impulsion horizontale sur la butée arrière
- Le pic de force horizontale sur la butée arrière
- Le pic de force verticale sur l’avant du plot
- Le temps passé sur le plot
- La profondeur aux 7,5 m
- Le temps aux 15 m
Les résultats mettent en évidence que c’est la jambe arrière qui produit davantage de force et de vitesse horizontale (voir figure suivante). Ces résultats surlignent également la différence qu’il peut y avoir entre ce départ en natation, et le départ en athlétisme qui requière une plus grande production de force sur la jambe avant, principalement expliqué par le fait que l’angle de poussée est orienté différemment en athlétisme.
En revanche, la jambe avant va jouer un rôle central en créant un point pivot, afin de transférer la production de force de la jambe arrière vers les bras et déterminer l’orientation optimale de la trajectoire d’entrée dans l’eau. Il est intéressant de noter qu’avant le signal de départ, il existe déjà une tension sur les jambes d’environ 50% du poids du corps, avant que les 100% soient atteints lors du départ.
Discussion
A vrai dire, ce ne sont pas uniquement les qualités de force musculaire pour maximiser la vitesse horizontale qui sont importantes pour prendre un bon départ. Le timing et le contrôle de la production de force sont aussi importants afin de trouver la trajectoire optimale de vol pour une entrée dans l’eau créant le moins de résistance possible. De futures recherches devraient permettre de mieux définir la synergie idéale entre la production de force des deux jambes et l’orientation des mouvements vers l’eau.
De plus, au regard des résultats de l’étude, il est possible pour les entraineurs et leurs nageurs d’envisager un changement de position de jambes. Il semble en effet préférable que la jambe positionnée à l’arrière soit la plus forte. Mais dans un cas d’inversement de la jambe arrière par rapport à l’habitude d’un nageur, il est possible qu’une plus grande production de force soit observée en sortie de plot (dû à une plus grande force de la jambe arrière) mais un temps aux 15 m pas forcément meilleur. Cela peut s’expliquer en raison d’un manque de coordination entre les différentes phases du départ. Il est donc toujours important de répéter maintes fois cette technique pour espérer s’améliorer.
Dans un but de développement à long terme, il semble utile de repérer assez tôt la jambe la plus forte du nageur et développer ses qualités de pied.
Conclusion
En résumé, nous avons observé que plusieurs indicateurs peuvent être prédictifs de la performance du départ en natation. Parmi eux, il semble essentiel d’avoir une production de force plus importante dans la jambe placée sur la butée arrière du plot, tout en ayant une jambe avant qui joue un rôle de point pivot pour transférer cette force vers l’avant et avec le moins de résistances possibles lors de l’entrée dans l’eau.
Ces outils de mesures ne sont pas accessibles à tous mais plusieurs paramètres peuvent être estimés à l’aide de la vidéo. De futures recherches devront apporter des éléments supplémentaires aux données de force, qui ne permettent pas d’évaluer des critères de coordination.
A vos marques …
Références :
- Biel, K., Fischer, S., & Kibele, A. (2010). Kinematic analysis of take-off performance in elite swimmers: New OSB11 versus traditional straing block [Paper presentation]. XIth international symposium on biomechanics and medicine in swimming, Oslo, 91 (P-004).
- Burkhardt, D., Born, D. P., Singh, N. B., Oberhofer, K., Carradori, S., Sinistaj, S., & Lorenzetti, S. (2020). Key performance indicators and leg positioning for the kick-start in competitive swimmers. Sports biomechanics, 1–15. Advance online publication. https://doi.org/10.1080/14763141.2020.1761435
- Hardt, J., Benjanuvatra, N., & Blanksby, B. (2009). Do footedness and strength asymmetry relate to the dominant stance in swimming track start? Journal of Sports Sciences, 27, 1221–1227. doi:10.1080/02640410903220336
- Takeda, T., Sakai, S., Takagi, H., Okuno, K., & Tsubakimoto, S. (2017). Contribution of hand and foot force to take-off velocity for the kick-start in competitive swimming. Journal of Sports Sciences, 35, 565–571. doi:10.1080/02640414.2016.1180417
- Taladriz, S. (2017). Effect of Rear Foot and Back Plate in the Swimming Start Performance. In S.Fischer & A. Kibele (Eds.), Contemporary swim start research (pp. 76–88). Meyer & Meyer Sport.
- Tor, E., Pease, D. L., & Ball, K. A. (2015a). Key parameters of the swimming start and their relationship to start performance. Journal of Sports Sciences, 33, 1313–1321. doi:10.1080/02640414.2014.990486