Une des raisons fréquemment avancées est l’activité en milieu aquatique et des sensations qu’il procure : un désentrainement entraînerait une perte d’appuis, et par conséquent, une détérioration de la technique de nage et une baisse du rendement énergétique.
Dans une étude récente, Zacca et collaborateurs ont investigué les effets d’un mois d’arrêt de natation durant l’intersaison sur plusieurs variables : la performance, les capacités physiologiques, la technique de nage et les caractéristiques physiques chez une quinzaine de nageurs âgés d’environ 14 ans. Voyons voir ce que nous apporte cet article et essayons de décrypter les options optimales pour minimiser les effets néfastes du désentrainement chez de jeunes nageurs.
Qu’est-ce que le désentrainement en natation ?
Tout d’abord, il est important de préciser que le terme de désentrainement se définit comme une période impliquant une baisse significative du volume d’entrainement ou une période d’arrêt complet entrainant des désadaptions physiologiques, physiques et techniques. Ce désentrainement peut arriver de manière involontaire à cause de l’apparition de maladies ou de blessures mais il est également et souvent planifié durant la période qui sépare deux saisons sportives (l’intersaison). Culturellement, cette période dure environ 2 à 4 semaines chez des nageurs de haut niveau (Mujika et Padilla, 2000).
Selon les programmes des fédérations nationales et/ou des intentions des entraineurs, cette période peut aller jusqu’à 6 semaines chez des nageurs adolescents (Costill et al., 1985). Bien que des périodes de repos soient conseillées afin d’améliorer la performance, une période trop longue d’arrêt de l’activité peut induire une baisse des capacités physiologiques et techniques, induisant une performance moins bonne. Malgré que le repos semble nécessaire pour les jeunes nageurs, de manière à leur permettre de diminuer leur stress général d’entrainement et leur faciliter le lâcher-prise, un repos prolongé est susceptible d’affaiblir leurs différentes capacités, facteurs clés de la performance.
Il semble donc essentiel que cette période minimise les pertes de performance, en assurant une continuité technique tout en identifiant les besoins nécessaires aux futures améliorations potentielles de la performance, qui permettront de guider le programme d’entrainement de l’entraineur pour la saison suivante.
Que nous dit la science ?
A ce jour, les études ont montré que chez les jeunes nageurs, la performance était majoritairement associée aux qualités physiques (taille, masse musculaire, etc…) et au stimulus d’entrainement (Ayabakan et al., 2006 ; Csajagi et al., 2015 ; Kavouras et Troup, 1996). Mais ces études ont également mis en évidence que les capacités physiologiques et techniques des jeunes nageurs baissaient après la compétition majeure de la saison, après que le stimulus d’entrainement soit réduit. C’est pour cela que bon nombre d’entraineurs demandent à leurs nageurs, de conserver une activité physique durant l’intersaison. Toutefois, cette quantité d’entrainement mérite d’être quantifiée et surtout d’être mise en relation avec la performance en natation. Quelques études ont surligné que chez de jeunes nageurs, la performance pouvait s’améliorer après 6 à 10 semaines de pause (Morais et al., 2014). Mais ces améliorations de la performance étaient favorisées par la croissance naturelle des nageurs et éventuellement par la pratique d’activités physiques annexes durant cette période (Neufer, 1989).
Les effets sur la performance
Dans l’étude de Zacca et collaborateurs, il a été observé qu’après 4 semaines d’arrêt de l’entrainement en natation et un maintien d’une activité physique régulière, les nageurs avaient perdu en moyenne 13 secondes.
Une baisse des capacités physiologiques
Cette perte de performance s’explique sur le plan physiologique par une contribution aérobie plus faible et un pic de lactatémie plus important. Les nageurs ont donc une plus faible capacité à soutenir un tel effort. Cette faiblesse s’argumente d’autant plus puisque les valeurs de VO2 ont surtout été plus faibles après l’intersaison, lors du premier 200 mètres. A cet effet, les nageurs étaient moins capables de soutenir leur vitesse avec une contribution anaérobie plus importante. Il est aussi important de noter qu’aucune différence de fréquence cardiaque n’a été observée entre la fin de saison précédente et le début de la suivante. Il semble qu’une période de 4 semaines ne soit pas suffisante pour changer la structure du myocarde.
Une organisation gestuelle différente
Cette baisse de performance se traduit également par une baisse de la fréquence gestuelle sur l’ensemble du 400 mètres et une baisse de la distance par cycle sur le dernier 100 mètres. Il est probable que la baisse de la consommation d’oxygène induise une incapacité à soutenir sa fréquence gestuelle. Il est également possible qu’une perte d’endurance musculaire soit associée à la baisse de distance par cycle constatée en fin de course.
Le maintien d’une activité physique
Cette baisse de performance a été encore plus remarquée chez les nageurs ayant pratiqué le moins d’activité physique. Enfin, cette baisse de performance a donc été atténuée chez les nageurs qui se sont le plus physiquement activés durant l’intersaison. Il est donc fortement conseillé aux jeunes nageurs de pratiquer une activité physique régulière durant l’intersaison avec une bonne part de ses activités réalisées à une intensité relativement soutenue. Un mélange d’activité aérobie de type cyclisme ou course à pied sont suggérés avec une part d’entrainement physique de type préparation physique générale, gymnastique, renforcement musculaire.
Conclusion
Un désentrainement d’une durée de 4 semaines chez des nageurs adolescents peut altérer la performance d’environ 4% avec des conséquences négatives sur la reprise du programme d’entrainement de la saison suivante, notamment en termes de capacités physiologiques et d’organisation technique. C’est pourquoi, il semble essentiel de prescrire une activité physique régulière diversifiée avec plusieurs exercices réalisés à intensité soutenue, dans le but de reprendre la saison avec une condition physique optimale. Cet aspect constitue un élément important dans le processus d’adaptations à long terme de l’organisme, pour la construction du plan de carrière d’un nageur de compétition.
Références :
- Ayabakan, C., Akalin, F., Mengutay, S., Cotuk, B., Odabas, I., & Ozuak, A. (2006). Athlete’s heart in prepubertal male swimmers. Cardiology in the Young, 16(1), 61–66
- Costill, D. L., Fink, W. J., Hargreaves, M., King, D. S., Thomas, R., & Fielding, R. (1985). Metabolic characteristics of skeletal muscle during detraining from competitive swimming. Medicine and Science in Sports and Exercise, 17(3), 339–343
- Csajagi, E., Szauder, I., Major, Z., & Pavlik, G. (2015). Left ventricular morphology in different periods of the training season in elite young swimmers. Pediatric Exercise Science, 27(2), 185–191
- Kavouras, S., & Troup, J. (1996). Growth and developmental changes in selected characteristics of elite age group swimmers. In J. P. Troup, A. P. Hollander, D. Strasse, S. W. Trappe, J. M. Cappaert, & T. A. Trappe (Eds.), BMS VII. Proceedings of the biomechanics and medicine in swimming VII (pp. 234–240). London: E & FN Spon
- Morais, J. E., Marques, M. C., Marinho, D. A., Silva, A. J., & Barbosa, T. M. (2014). Longitudinal modeling in sports: Young swimmers’ performance and biomechanics profile. Human Movement Science, 37, 111–122
- Mujika, I., & Padilla, S. (2000). Detraining: Loss of training-induced physiological and performance adaptations. Part I: Short term insufficient training stimulus. Sports Medicine, 30(2), 79–87
- Zacca,R., Toubekis, A., Freitas, L., Filipa Silva, A., Azevedo, R., Vilas-Boas, JP., Pyne, DB., De S. Castro, F., Fernandes, RJ. (2019) Effects of detraining in age-group swimmers performance, energetics and kinematics, Journal of Sports Sciences,