Est-il possible de réaliser un ironman avec très peu de temps pour s’entraîner?

Vous n'avez qu'une dizaine d’heures par semaine de disponible pour vous entraîner en vue d'un ironman? C'est possible, comme vous l'explique Anaël Aubry et Cyril Schmit, chercheurs et experts lepape-info.

Triathlon EDF de l'Alpe d'Huez 2014

Cette question se rapproche de celle déjà posée par un internaute dans un précédant article à savoir : « combien d’années de pratique pour se lancer sur un ironman ? ». La réponse sera encore ici positive, bien que différente et voici notre point de vue.

A quoi s’attaque-t-on ?
Ce qui caractérise en premier lieu un triathlon ironman est bien entendu le gigantisme de son format : 3 800 mètres de natation, 180 kilomètres de vélo, pour se conclure par 42,195 kilomètres de course à pied ! Le tout enchaîné et sans pause ! Sa durée sera bien évidemment en grande partie dépendante des conditions de natation, des profils topographiques des parcours vélo et course à pied et de la météo. Les plus rapides de l’histoire ont été réalisés à Roth en Allemagne sur un parcours « relativement » plat (1 000 mètres de dénivelé pour les 180 km de la partie cycliste) et rarement propice aux températures tropicales, bien que se déroulant en juillet. Ces records sont de 8 heures 18 minutes chez les femmes et de 7 heures 41 minutes chez les hommes. De façon globale il faut entre 8 et 9 heures pour les Elites, quand les « vrais » amateurs seront de façon majoritaire au-dessus des 10 heures et bien au-delà. Comment donc réaliser l’enchaînement des trois disciplines en plus de 10 heures et en une seule fois, quand on peine à dépasser ce quota en une seule semaine d’entraînement…

Va pour 10 heures. On ne va pas se mentir si tout le monde pouvait (et voulait) s’entraîner à sa guise nous conseillerions tout de suite un volume d’entraînement hebdomadaire plus conséquent que cette barre des 10 heures. Cependant il va falloir respecter un certain équilibre. Tout d’abord un équilibre personnel et professionnel. Tout le monde ne possède pas forcément plus de 10 heures de disponibilité par semaine sans détériorer son rythme de vie idéal. Et ensuite un équilibre dans la planification de l’entraînement, car il n’est pas aisé pour tout un chacun de dépasser les 10 heures/semaine de façon chronique sans en payer le prix (dépendant notamment des capacités physiologiques et du passif sportif de l’individu, notamment lors de ses jeunes années). Il va donc falloir se poser les bonnes questions et tenter d’y apporter les bonnes réponses pour ne pas se louper le jour J.

Quelles sont les clefs sur distance ironman ?
Une natation très courte en temps d’effort comparée aux deux autres disciplines. La partie cycliste étant la plus longue des trois sports (la répartition exacte vélo/running dépendra ensuite du niveau de chacun et des stratégies de course adoptées). Ici nous ne nous intéresserons qu’à l’amateur. A la vue de la durée de sa partie natation, il aura tout intérêt à s’autoriser une légère perte de temps en natation en adoptant une stratégie d’allure très défensive pour économiser au maximum ses forces et miser son classement final sur la suite de la compétition, plutôt que de griller des cartouches trop précocement.
Ensuite, son principal objectif sera de « pouvoir » courir et donc de ne pas descendre du vélo « occis » et de « plier les ailes » à pied. Ici encore il aura donc tout intérêt à être relativement défensif aussi bien en cyclisme qu’en en course à pied afin d’éviter le fameux « mur », d’autant plus si le volume d’entraînement et la base aérobie sont faibles.
Enfin, il est aujourd’hui clair que la réussite d’une épreuve de si longue durée reposera en partie sur un maintien de la glycémie (voir article déjà publié) par un apport extérieur en glucides sous des formes liquides et solides. Combien de triathlètes ont vu la lumière s’éteindre par un manque d’hydratation, de ravitaillement ou d’intolérance digestive à un produit… Alors préparez cet aspect clef à l’entraînement et/ou en compétition bien avant le jour J et sachez l’ajuster aux conditions, notamment s’il fait très chaud (s’hydrater de façon plus importante, réduire le taux de glucides de vos boissons et en augmenter celui du sodium, se refroidir de façon intermittente, etc.) ou s’il fait très froid (augmenter ici le taux de glucides dans vos bidons, s’hydrater dans des proportions moins importantes pour éviter les ballonnements, se couvrir, etc.).

Mais surtout quelles sont VOS clefs ?
Chacun à des points forts et des points faibles, c’est un fait. Que ce soit dans une activité, une filière énergétique, un aspect de la performance…la liste pourrait s’agrandir indéfiniment. Et si vous vous trouvez moyen partout c’est aussi une qualité car cela ne dénote aucun point faible ! Une fois que vous aurez bien étudié comme ci-dessus le format ironman et les spécificités propres à votre course (météo, dénivelé, etc.), il va vous falloir adapter votre entraînement « type » pour vous rendre le plus efficient possible et rentabiliser au mieux ces 10 heures. Non pas en allant au carton à chaque fois que vous lancerez le chronomètre, mais en prenant des décisions fortes et réfléchies.
Choisissez par exemple des priorités dans votre entraînement. Ne cherchez pas forcément à faire 3 heures dans chaque sport et 1 heure de renforcement pour équilibrer au mieux chaque semaine en pensant éviter les faiblesses. Prenons l’exemple d’une personne possédant des qualités en course à pied grâce à son passif d’athlète, mais piètre nageur et cycliste. Nous aurions tendance sur cette simple base, à lui conseiller de privilégier un entraînement cycliste pour s’assurer de pouvoir retranscrire ses qualités de coureur à l’issue des 180 kilomètres cycliste et de s’attacher à progresser techniquement en natation pour s’économiser avant le festin bitumé.
Cela résidera donc dans l’acceptation d’en faire moins sur certains aspects (tout en les entretenant) pour en faire plus (ou autrement) sur d’autres. Il pourrait également être intéressant de réaliser ponctuellement des semaines « plus intenses » (voir article sur la monotonie à l’entrainement), afin d’amener de plus grands stress et de meilleures adaptations à l’entraînement et ne pas se morfondre dans un train-train quotidien vite vide de progression.
Par ailleurs, pourquoi ne pas sortir des sentiers battus nager/rouler/courir et par exemple introduire un travail de musculation (associée à des aspects techniques), le travail de force étant maintenant identifié comme un moyen efficace pour l’amélioration de son économie de course et de pédalage. N’est-ce pas l’un des secteurs les plus intéressants dans une pratique où l’essence risque à manquer en fin de parcours ?
Reste le problème de la longueur de l’épreuve. Comme pour les semaines « chocs », osez si votre emploi du temps le permet ponctuellement, quelques sorties « chocs » où vous pourrez rentrer un peu plus d’heures d’entraînement de façon aigüe. Ce sera un bon moyen de travailler l’aspect endurance qui vous inquiète le plus et de vous préparer mentalement (et stratégiquement) au jour J, afin d’arriver fin prêt sur tous les aspects, malgré un entraînement riquiqui.

Pour résumer. Rien d’impossible aux rêveurs les plus fous. Sortez de votre rêve et mettez carte sur table les éléments de votre réussite. Analysez au mieux comment vous amener dans les meilleures conditions le jour J et acceptez de faire des erreurs et de les corriger en cours de route. Et alors il y a de grandes chances que votre rêve devienne une réalité lors du passage de la finish line !

Pour suivre l’actualité d’Anaël AUBRY sur Twitter : @AUBRYANAEL et Facebook : http://facebook.com/Anael.AUBRY.Sport.scientist

 

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