À l’effort, chacun de ces 3 repères évolue semi-indépendamment : ils s’influencent sans se conditionner entièrement. Par exemple, on peut être surpris de voir à quel point le ressenti peut varier à une allure donnée selon les conditions d’entraînement.
Sur cette base, suivre un programme prédéfini peut vite devenir source de doutes, que cela soit en vue d’une échéance compétitive ou juste pour progresser. Par exemple lorsque :
- Une séance initialement dictée en km.h est finalement réalisée pendant les vacances en montagne,
- Une séance initialement dictée en %FC est finalement réalisée l’été en chaleur,
- Une séance initialement dictée au ressenti est finalement réalisée le lendemain d’une très courte nuit.
Autrement dit, un repère d’intensité d’entraînement n’a pas la même signification pour notre corps dépendamment du moment et de l’endroit de la séance. C’est pourquoi plus le sportif sera autonome dans sa capacité à « redéfinir » sa séance initiale selon ses conditions de pratique, plus il sera à même de coller à l’objectif initial de la séance. Voici l’objet de la présente discussion.
L’objectif initial
L’objectif d’un plan d’entraînement n’est pas l’épreuve ciblée « en soi ». L’objectif, c’est plutôt ce que l’épreuve impose en termes de contraintes pour notre corps et donc toutes les améliorations que l’entraînement doit viser pour que le sportif réussisse à tenir le jour de l’épreuve.
Par exemple : le facteur limitant d’un 10 km (sa 1ère contrainte) est d’ordre cardiovasculaire, celui d’un marathon est surtout musculaire, et celui d’un ultra-trail est essentiellement centrale/mentale – sans en arriver à parler des conditions environnementales en jeu.
C’est donc par rapport à cet objectif sur le corps qu’un repère d’intensité d’entraînement doit être initialement construit et qu’en cas de nécessité de modification de la séance pour cause quelconque, un nouveau repère d’intensité doit être réfléchi.
Par exemple : en vue de renforcer les aspects musculaires, c’est le repère Vitesse qui sera le plus à même d’être utile car avec la durée de l’entraînement, la Vitesse restera objective (et forcera donc l’athlète à la tenir et à accumuler les dommages musculaires), alors que fixer un Ressenti ou une FC amènerait le coureur à réduire progressivement l’allure, plus ou moins fortement selon chacun.
FC, ressenti, allure : Quelles influences ?
Afin de savoir quel repère utiliser à l’entraînement pour coller à votre objectif, et quel autre repère utiliser en cas de nouveauté/changement dans la réalisation de la séance, il faut tout d’abord comprendre comment nos 3 repères peuvent changer :
FC :
- Avantage : elle fluctue selon l’intensité et la durée d’exercice, le dénivelé, la température, l’altitude, le niveau d’entraînement, d’acclimatation, la prise de caféine… c’est donc un bon repère pour interpréter l’effet d’un stress « externe » sur l’organisme.
- Inconvénient : les variations de l’état de l’organisme durant la journée sont plus difficiles à percevoir lorsque le sportif passe à l’exercice : baisse des réserves énergétiques, manque de sommeil, fatigue mentale, stress…quand bien même ces différents éléments influencent notre perception de l’effort et déterminent donc notre tolérance à l’exercice.
Ressenti :
- Avantage : il varie à la fois selon les paramètres externes et internes à l’organisme, et est donc capable de refléter tout changement intervenant sur le sportif. Il est généralement fiable pour interpréter son niveau d’épuisement.
- Inconvénient : il peut aussi être biaisé par des facteurs psychologiques (comparaison aux autres, frustration…), il ne suppose pas les mêmes contraintes physiologiques pour 2 individus différents, et il n’est pas facile à évaluer car il intègre beaucoup de sensations corporelles différentes.
Vitesse :
- Avantage : elle est objective et sert donc de « gold standard » pour fixer des allures en vue de performances précises à réaliser. Elle est de plus en plus accessible grâce aux montres connectées.
- Inconvénient : elle s’affranchit généralement des conditions environnementales et personnelles, et ne reflète donc pas fidèlement le niveau de sollicitation qu’elle impose au sportif. Par exemple, en léger plat descendant, la vitesse du coureur s’accroît, pourtant le niveau de sollicitation générale de l’organisme décroît.
Une fois que l’on comprend comment un repère d’intensité change selon le contexte d’entraînement, le problème n’est pas encore résolu car plusieurs facteurs sont capables de moduler la difficulté d’entraînement mais quelques-uns seulement agissent dans la direction attendue.
Par exemple, pour accroître la charge d’une séance, tous les facteurs de durée, intensité, récupération, dénivelé, température, énergie disponible… peuvent être ajustés. Cependant, si l’épreuve prévue est réalisée sous la canicule, seul le facteur « chaleur » permettra un développement important/ciblé des mécanismes de thermorégulation. De même, si l’épreuve dure >3h, alors les facteurs Dénivelé et Stratégies Nutritionnelles pourront occuper le devant de la scène pour leur rôle mécanique et physiologique dans l’endurance musculaire.
C’est donc la cohérence entre l’objectif et le nouveau repère qui doit être recherchée en cas (re)définition d’un contenu de séance. Cette cohérence, c’est d’ailleurs celle des « blocs » de périodisation qui sont effectués par les entraîneurs dans l’optique de stimuler ponctuellement « une » qualité physique en particulier. Alors quels repères pour quels objectifs ?
Exemple en running
OBJECTIF | Repère initial | Commentaires | Sinon, autre repère | Commentaires |
AÉROBIE | FC | Car elle reflète directement la stimulation du système cardiovasculaire | Vitesse | Car elle s’affranchit de l’influence du ressenti sur l’objectif physiologique |
MUSCULAIRE | Vitesse | Car elle permet d’imposer une contrainte fixe aux fibres, qui pourra correspondre à l’allure de l’épreuve | FC | Car à allure au train, elle dérive à la hausse un peu moins vite que le ressenti |
CHALEUR | Ressenti | Car il reflète assez fidèlement l’évolution de la température centrale | FC | Car sa dérive reflète indirectement la capacité à évacuer la chaleur du corps |
ALTITUDE | FC | Car son amplitude reflète directement la capacité à approvisionner les muscles en O2 | Ressenti | Car il est moins risqué que de tabler sur une estimation d’allure |
RÉSISTANCE MENTALE | Ressenti | Car il permet de créer des scénarios d’entraînement inédits / adaptés à l’épreuve | Vitesse | Car l’intensité est le 1er facteur d’influence de la perception de l’effort |
DÉNIVELÉ | Ressenti | Car il reflète assez fidèlement le niveau de tension musculaire imposé par le terrain | FC | Car elle est plus sécure que de tabler sur une estimation d’allure |
En conclusion, si cette discussion a l’avantage de proposer une vision « simplifiée » de l’analyse de nos fiches d’entraînement, elle est aussi « simpliste » car l’interaction entre l’objectif de séance, l’environnement de la séance et soi-même est dynamique. En guise de réflexion, une pierre est donc posée, mais en guise d’optimisation votre curiosité et votre expérience resteront maîtresses.