Le tapering en trail et ultra trail ou quel entrainement pré-compétitif ?

Le jour J approche et votre compétition va vous demander une débauche d’énergie considérable, lente et souvent totale. Il est donc primordial d’arriver bien entraîné mais aussi reposé au départ de l’épreuve. C’est toute la problématique des 2-3 semaines précédant la course : que faire pour bien récupérer en évitant le désentraînement, comment faciliter la surcompensation voire l’hyper compensation de ses ressources énergétiques ? Tentons de définir une stratégie d’approche pour chacun.

La période précédant l’épreuve est appelée période d’affûtage. Mais ce terme évoque également la perte de poids. Les anglo-saxons utilisent le terme de “taper” ou « tapering period » qui signifie “aller en diminuant”. Ce terme est préférable.

Aller en diminuant

Le taper est la réduction de la charge d’entraînement pendant une période déterminée, dans l’objectif de réduire le stress physiologique et psychologique des charges usuelles de travail, et d’optimiser la performance. L’enjeu est de minimiser la fatigue et de dynamiser l’effet forme, sans compromettre les adaptations physiologiques à l’effort. La performance peut alors être améliorée en moyenne de 3% en raison de modifications positives au niveau cardiorespiratoire, métabolique, hématologique (sanguin), neuromusculaire, et dans le statut physiologique global de l’athlète.1 J’ajouterai une amélioration de l’état mental par une réduction des contraintes de l’entraînement.

Les variables à moduler pendant la tapering period sont :

La durée. Vaut-il mieux couper 8 jours, 15 jours, plus ?

L’intensité de travail, que l’on peut définir en % de VMA ou PMA, ou en % de FC Réserve (méthode Karvonen)

Le volume de travail, que l’on peut exprimer en heures ou en kilomètres parcourus.

La fréquence des séances, c’est à dire le nombre de séances par semaine.

Ces 4 variables indépendantes définissent la charge de travail que l’on peut évaluer selon la méthode Bannister en Training Impulses, ou selon la méthode Foster en unités arbitraires (durée x intensité perçue de l’effort sur une échelle de 1 à 10).

Nous allons voir que selon l’expertise de chacun (c’est à dire son niveau de compétences en ultra-trail) et son état de fatigue au début de la période de taper, les composantes de la charge vont évoluer différemment, mais cherchons tout d’abord à comprendre pourquoi une période de calme avant la tempête améliore les performances du coureur. Le taper induit 3 modifications physiologiques de première ampleur (cf fig 1) :

– une hypervolémie (augmentation du volume sanguin), avec une augmentation de la production de globules rouges et de l’activité des enzymes oxydatives. Tout cela contribue à accroître significativement l’extraction de l’oxygène et plus généralement le VO2max 3.

– Une amélioration du coût énergétique de l’exercice induite par des facteurs biomécaniques et neuronaux 4.

– Une élévation de la fraction de VO2 max, appelée également endurance aérobie, quantifiable par l’indice de Péronnet et Thibault, 1987 5.

Fig 1 : le taper et les modifications physiologiques positives
Fig 1 : le taper et les modifications physiologiques positives

Arrêt brutal ou progressif ?

Maintenant que l’intérêt du taper est admis de tous, intéressons-nous aux modalités de mise en application des composantes de cette période. Il y a 3 manières d’aller en diminuant (fig 2) : de manière linéaire, de manière exponentielle, ou par étapes.

Fig 2 : les formes de taper avec un exemple sur 10 jours
Fig 2 : les formes de taper avec un exemple sur 10 jours

 

Des études 2 montrent que la décroissance exponentielle du volume de travail est la plus adaptée pour espérer une performance optimale. Par contre, la fréquence et l’intensité des séances ne doivent être que légèrement modifiées, et toujours à la baisse. On va donc jouer principalement sur la durée des séances. Personnellement, avec mes athlètes ultra trailers, je préfère la décroissance par étapes : une coupure nette de 3-4 jours à S-3, puis une nouvelle période d’entraînement avec de l’intensité, puis du maintien sur la dernière semaine. Chaque athlète peut avoir une approche différente selon son profil psycho-physiologique.

Le taper peut intervenir après une dernière grosse charge d’entraînement. C’est une période difficile à gérer : l’objectif d’une année approche, vous ne savez pas trop où vous en êtes car vous manquez de référence à l’entraînement, vous subissez des modifications hormonales dues au changement de rythme d’entraînement … L’erreur à ne pas commettre est de vouloir faire la séance de trop. Cela touche un nombre considérable de coureurs (trailers ou marathoniens) qui ne parviennent pas à gérer cette délicate période et qui finalement arrivent fatigués au départ de l’épreuve. Dans le même temps, il ne faut pas que le taper soit synonyme de désentraînement. En effet, si la période de coupure est trop longue ou l’intensité des séances trop faible, des modifications physiologiques apparaissent : le volume sanguin diminue (hypovolémie), de même que le Volume d’Ejection Systolique et l’activité enzymatique oxydative. Il s’en suit une baisse de la consommation maximale d’oxygène (VO2max) et des stocks de glycogène. Au final, on prend le départ dans une forme moindre.

A chacun son taper

Voici une proposition de réduction de l’entraînement à l’approche des compétitions

Paramètres du taper Athlètes les moins entraînés (3 à 4 x/sem) Athlète moyen

Athlète expert

> 6entr / sem

durée 10 jours 10 à 15 jours 15 jours à 3 semaines
volume baisse de 25% baisse de 30 à 40% baisse de 40 à 50%
intensité ne change pas ne change pas ne change pas
fréquence on enlève 1 séance on enlève 2 séances On enlève 2 à 3 séances

 

Dans la dernière semaine, on alterne de courtes séances d’endurance avec des séances à VMA (intensité forte et volume faible). On coupe complètement 48h avant la course mais on reste actif la veille avec 20mn de footing et quelques lignes droites faciles. Vous êtes enfin prêt à prendre le départ dans les meilleures dispositions physiologiques et avec une énorme envie.

Bibliographie

1 – Mukila & Padilla. Scientific bases for precompetition tapering strategies. Med & Sc in Sports & exercices – 2003

2 – Effects of tapering on performance. A meta-analysis. Laurent Bosquet & al. Med & Sc in Sports & exercices – 2007

3 – Muscle oxygenation trends after tapering in trained cyclists – Neary & al, 2005

4 – The effects of taper on performance in distance runners. Hounard & al, Med & Sc in Sports & exercices – 1994

5 – The energetics of endurance running – Eur J Appl. Physiol. 1986. Di Prampero & al

2 réactions à cet article

  1. merci pour ces précieuses informations…
    juste une petite coquille dans la figure 2 : l’échelle du temps est inversée 😉
    le temps décroit avant l’objectif, il ne croit pas 😉

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