La concentration, c’est quoi ?
« Concentre-toi » ou « Il faut que je reste concentré » sont des injonctions externes ou internes que nous avons tous entendu ou formulé. C’est l’approche traditionnelle de la concentration. A l’issue de cet article, j’espère que vous les aurez bannis de votre vocabulaire en raison de leur non-sens ! La concentration, « c’est l’acte par lequel nous dirigeons toutes nos énergies ou notre attention vers un but déterminé. » Direction, énergie et attention sont les mots clefs de cette habileté mentale que nous allons replacer dans un contexte plus large au sein d’une pyramide des habiletés mentales nécessaires au sportif.
Ainsi, la concentration doit être considérée comme une habileté mentale comme l’estime de soi, la motivation, la confiance ou encore le contrôle émotionnel qui vient coiffer et décider du bon fonctionnement des autres. Ces habiletés et qualités sont à considérer au même titre que les qualités physiques (endurance, stiffness, vitesse …) dans la réalisation de la performance finale.
La concentration est le rapport de l’attention avec l’action présente. C’est la capacité de l’individu à se focaliser sur des indices prédéterminés de la performance prise au sens large, et à résister aux distractions.
Pour bien comprendre les enjeux de la concentration, il faut connaître les niveaux d’attention. Ils sont au nombre de 3 :
Suivant les terrains et les durées de course, les capacités attentionnelles de l’athlète sont diversement sollicitées. De même que la gestion physique d’une épreuve de 2 heures est différente de celle d’une épreuve de 5 heures, elle-même différente d’une épreuve de 24 heures, la préparation et la gestion mentale sont également diverses sur certains points. Une épreuve de 2 heures impose une stratégie associative : l’athlète se concentre sur la gestion de son effort, sur sa foulée, sur sa ventilation, sur sa fréquence cardiaque qu’il visualise sur son ordinateur de poignet, et également sur la nature du terrain, le relief et les adversaires. Sur une épreuve de très longue durée, l’aventure est plus intime et les meilleurs sont ceux qui sont le mieux à l’écoute de leurs sensations et qui prennent plaisir à parcourir de somptueux paysages. Ils alternent des moments d’attention présente (concentration sur le protocole alimentaire, sur le terrain, sur les sensations, sur les éventuelles douleurs) et d’attention flottante pendant lesquelles ils oublient même où ils sont et ce qu’ils font, comme un automobiliste qui conduit par automatisme. On parle alors de stratégie dissociative.
Enfin, l’approche chronologique permet d’envisager la concentration dans le temps : bien avant, juste avant, pendant et aussi après la compétition. 5 niveaux de concentration sont imbriqués, ce qui signifie qu’une défaillance à l’un de ces niveaux aura des répercussions néfastes sur la concentration en générale et probablement sur la performance. Ces 5 temps de la concentration sont :
– La concentration focalisée : Quand un coureur débute l’activité ou entame une nouvelle saison, c’est parce qu’il a des objectifs. Sans objectif, pas de motivation ; et sans motivation pas de mise en action et donc pas de performance. Ensuite, l’athlète doit avoir une vision chronologique claire pour atteindre ses objectifs. Vouloir courir la même année l’Ultra d’Andorre, le tour du Mont Blanc et la Réunion est un non-sens. Pourquoi tant de précipitation ? Avec l’établissement d’un plan de carrière sur plusieurs années, le trailer, quel que soit son niveau, prend du recul sur son activité et optimise ses chances de réussite à chacune de ces courses. La concentration focalisée, c’est le plan de construction de sa carrière.
– carte des cheminements possibles : Regardez votre calendrier prévisionnel et les objectifs afférents en termes de temps et de place. Qu’avez-vous prévu de faire si vous échouez ? Qu’avez-vous prévu si la course ne se déroule pas comme vous l’avez imaginé ? Rien, certainement, comme 99% des athlètes toutes disciplines confondues ! Vous vous trouvez alors démuni, découragé et dépossédé de vos moyens.
A contrario, il est prouvé que les athlètes qui envisagent toutes les situations – de réussite comme d’échec – sont les mieux armés au cours de la saison. Ils pourront réagir sereinement en cas d’échec sur une compétition, tout comme ils seront capables d’inverser une tendance négative pendant l’épreuve. Prévoir le pire, c’est se préparer avec lucidité pour le meilleur ! Alors ne négligez plus ce temps de la concentration. Prenez votre calendrier prévisionnel et demandez-vous ce que vous ferez si vous n’atteignez pas votre objectif. Idem pour le déroulement de chaque course. Anticipez une éventuelle chute, une erreur de parcours, une défaillance … tout comme il faut anticiper le meilleur. Établir la carte des cheminements possibles est la caractéristique des athlètes les plus performants.
– la ligne de mire : une fois le plan de carrière établi et tous les cheminements possibles envisagés, la concentration doit aligner les 3 éléments suivants : l’attention, l’action et la situation.
Les questions à se poser sont : Suis-je à ce que je fais ? Et est-ce que mon action correspond aux exigences de la situation présente ? Pour cela, répétez-vous ce triptyque : Moi, Ici, Présent, et travaillez-le à l’entraînement. Pensez aux tennismen qui ratent leur smash sur un cours vide car ils pensent déjà au point gagné avant de jouer pleinement le coup. Les jours précédant la compétition, on peut aussi appliquer cette technique comme remède anti-stress. En étant concentré sur l’activité en cours (lecture, cinéma, promenade), l’athlète fait diversion par rapport aux contraintes psychologiques de la compétition.
– la concentration éclatée : En trail, il est important d’observer le terrain pour s’y adapter en permanence en termes de foulée, de technicité et de gestion de l’effort. La concentration éclatée, c’est le balayage de l’environnement à la manière d’un radar. Elle exige de la disponibilité et de la maîtrise technico-tactique. Elle permet d’agir avec justesse au moment opportun.
– La programmation : C’est l’acception usuelle du terme “concentration”. Il s’agit de la visualisation que le traileur peut utiliser pour répéter une routine d’échauffement, pour s’approprier les difficultés d’un parcours ou encore pour vivre mentalement les moments clés de la course (départ, ravitaillements, relances …).
La visualisation à base d’imagerie motrice peut être pratiquée régulièrement à l’entraînement et en compétition. L’athlète commence par se détendre puis s’imagine dans l’action de sa séance ou de sa course avec les consignes de l’entraîneur en termes de position, d’appuis, de style, de respiration mais aussi de chronos. Il se réfère aussi à des images et des mots ressources (calme, confiance, énergie). L’objectif est que ces mots et images répétés en situation d’entraînement deviennent des ancrages positifs en situation de compétition.
La concentration en action
Après avoir balayé les diverses approches de la concentration illustrées de quelques exemples, nous allons proposer une démarche permettant la mise en pratique de toutes ces données. Cette démarche comporte trois temps : avant, pendant et après.
Avant :
- On établit des objectifs à long terme (le plan de carrière), à moyen terme (les 2-3 ans à venir), à court terme (la saison) et dans l’immédiat (la séance ou la course à venir).
- On accepte les erreurs éventuelles pour diminuer l’anxiété.
- On se programme mentalement.
- On établit la liste des points clés pour réussir (routine d’échauffement, respiration, isolement, musique, monologue interne …) et la liste des dérapages éventuels (pour mieux les éviter).
Et si le stress est le plus fort et vient contrarier le plan établi ? Il faut alors utiliser les outils de la préparation mentale évoqués dans la pyramide de la figure 1. Il s’agit de méthodes de relaxation comme le Training Autogène de Schultz, la Relaxation Progressive de Jakobson, la respiration, le dialogue interne et l’imagerie. Chacune de ces techniques mériterait un article et se pratique en lien étroit avec un préparateur mental.
« L’esprit humain est comme un parapluie, il fonctionne mieux lorsqu’il est ouvert » Le Dalaï Lama
Dans un prochain article, nous verrons comment utiliser simplement quelques-unes de ces méthodes afin de ne plus subir et reprendre le contrôle.
Crédit photo : Rémi Blomme et Goran Mojicevic
*Pyramide des habiletés mentales nécessaires au sportif (N. Raimbault, J. Pion : La préparation mentale en sports collectifs. Ed Chiron)
Test de concentration générale : http://www.queendom.com/tests/access_page/index.htm?idRegTest=685
1 réaction à cet article
GENEST Valentin
Article très intéressant !!