Au-delà du seul effet de mode…
Certains sportifs ont mis en lumière ces dernières années leurs régimes spécifiques du sans gluten. Novak Djokovic, Andy Murray, Jo-Wilfried Tsonga pour le tennis, LeBron James pour le basket ou encore Bradley Wiggins pour le cyclisme. Des ambassadeurs de poids !
Et les arguments sont de taille. Nous sommes en 2010, Djoko est crevé sur le terrain, battu justement par JW Tsonga en ½ de l’Australian Open. Il sera détecté intolérant au gluten et s’en suivra sa période d’invincibilité sur le circuit.
Bon, depuis il a connu une période de creux (sorti du top 20 en début de saison) et de retour en grâce (second à la race). Le sans gluten ne fait pas tout…
En 2013, Murray en pleine période Djoko qu’il n’arrive pas à supplanter, décide de prendre le pli…puis « j’ai essayé pendant quelques mois et je me suis senti super mal. J’ai perdu toute mon énergie, donc je suis retourné à une alimentation normale » … Bel effet de mode. Le sans gluten ne fait pas tout …
Notre leader national JWT bat le roi Roger Federer en ¼ de Roland Garros. L’une des raisons évoquées sera le passage au gluten free. Moins 5kg sur la balance : « j’étais plus léger mais toujours aussi puissant. Mes muscles sont plus réactifs ». Implacable ! Mais, le sport n’est pas aussi simple et surtout pas dépendant d’un seul facteur même si ce changement amenait du potentiel sur le papier et le terrain (le rapport poids/puissance pour une épreuve de déplacements rapides et répétitifs). Aujourd’hui 72ème mondial, il se bat avec son corps. Le sans gluten ne fait pas tout …
Le plus grand basketteur moderne ? A l’été 2014, il exhibe un corps affûté comme jamais, « j’ai arrêté le sucre, les produits laitiers, les glucides. J’ai mangé seulement de la viande, du poisson, des fruits et des légumes pendant 67 jours ». Le titre NBA n’y est pas en fin de saison mais … surtout il est devenu l’ambassadeur de Blaze Pizza, les rois du gluten. Le sans gluten ne fait pas tout …
En 2009, Bradley Wiggins supprime le gluten de son alimentation et fera main basse sur le Tour de France 2012, mais c’est surtout son changement physique qui interpelle. Il passe de 82kg (2006) à 71kg (2012). Il faudra noter qu’il est passé d’un régime disons très junk food à celui d’un sportif de haut-niveau et a modifié son entraînement passant de celui d’un rouleur-pistard à celui d’un leader de course de 3 semaines. Le sans gluten ne fait pas tout …
Bref, tout ça semble donc trop simple et avant tout bien marqueté par les sportifs et la presse qui s’en empare. Il faut bien distinguer un sportif visiblement médicalement intolérant (Novak Djokovic) d’un choix délibéré d’un autre côté.
Nous connaissons certains sportifs internationaux dans le même cas que le serbe et c’est un vrai problème médical (troubles gastriques, baisse de forme, endurance impactée, etc.). Le changement alimentaire les amène à un retour des performances et surtout à un quotidien plus serein en proscrivant le gluten de toute alimentation (pas simple dans la société actuelle soit dit en passant).
Pour les autres, il faut prendre beaucoup de recul. Oui le sans gluten « peut » (les guillemets ont leur importance) faire maigrir car il diminuera souvent de façon importante l’apport de sucres s’il était préalablement mal rationné, notamment sur les sucres « inutiles ». La plupart des sports étant plus ou moins dépendants du poids de corps, nécessairement la performance pourra être améliorée.
En revanche, la diminution des sucres peut potentiellement engendrer une baisse des apports en glucides, principal carburant du corps humain, donc s’il n’est pas compensé par des aliments ayant les mêmes apports mais sans gluten (riz, quinoa, sarrasin, légumineuses, fruits secs, etc.), la performance en pâtira.
Enfin, pour d’autres, certains sucres engendrant un phénomène de fermentation à la digestion, s’ils sont mangés en trop grande quantité, nécessairement, baisser leur apport amènera à un meilleur confort digestif et gastrique.
Comme toujours dans nos articles, il demeure important de confronter le terrain à l’état des connaissances scientifiques sur la question afin de prendre du recul. Difficile en effet de valider si les sensations ressenties sont effectives – et dans le cas présent garantes de meilleures performances – ou si on a tout simplement un effet placébo.
Des sportifs de haut niveau adeptes occasionnels ?
Une étude publiée en 2014 avait, par exemple, mis en évidence sur un panel de près d’un millier d’athlètes de très haut niveau (dont 18 médaillés aux championnats du monde ou aux Jeux Olympiques) que près de 40% d’entre eux déclaraient suivre un régime sans gluten au moins 50% du temps. Dans la majorité des cas, ces sportifs rapportaient exclure les aliments avec gluten durant les dernières semaines à l’approche d’une compétition. L’objectif annoncé étant d’augmenter leur chance de bien performer en diminuant notamment les risques de troubles gastro-intestinaux ou d’accumulation d’un état de fatigue pouvant compromettre leur niveau de performance le jour J. Si cette étude ne fût pas en mesure d’évaluer l’influence effective de cette stratégie sur les performances, il était en revanche saisissant de noter qu’aucun des tests médicaux réalisés sur ces athlètes n’avait révélé le moindre cas d’intolérance réelle au gluten sur le plan biologique. Il faut rappeler que seulement 1% de population française souffre de maladie cœliaque (intolérance au gluten) et qu’ environ 6% est sensible au gluten.
Quelles preuves sur la performance sportive ?
Ces sports scientists canadiens mené par Trent Stellingwerff (sa femme fût athlète Olympique sur 1500m en 2012 et 2016) et a également accompagné de nombreux athlètes canadiens aux JO du 800 m au marathon) se sont donc emparés de la question. L’une de leurs études, publiée dans une célèbre revue scientifique américaine de médecine du sport a apporté quelques éléments objectifs de discussion.
Pendant ce protocole, la performance de cyclistes entraînés était étudiée de deux manières différentes.
Dans un cas, le test était réalisé à l’issue d’une semaine au cours de laquelle les participants suivaient un régime avec gluten. Dans l’autre, toute source de gluten était soigneusement exclue. A l’issue de chacune des semaines du protocole, des tests étaient réalisés pour évaluer la performance, mais également le confort digestif des participants et les marqueurs de l’inflammation supposés être réactifs à la consommation de gluten.
Fait important, l’étude était menée en double-aveugle, c’est-à-dire que ni les participants, ni l’équipe de recherche impliquée dans le projet ne connaissaient la condition dans laquelle chaque participant se trouvait aux différentes périodes du protocole. Les résultats de l’étude ne pouvaient ainsi être influencés par les croyances éventuelles de chacun.
Le résultat fut assez équivoque puisqu’aucun effet ne fut constaté, quel que soit le paramètre considéré. Les performances réalisées étaient systématiquement semblables avec et sans gluten. De même manière on n’a constaté aucun effet de l’un ou l’autre régime en termes de confort gastrique, que de marqueurs de l’inflammation.
Conclusion : s’il ne s’agit d’affirmer de manière catégorique que le régime sans gluten n’a aucun effet véritable pour le sportif, il convient de rester mesuré vis-à-vis de ses bénéfices potentiels. L’étude canadienne ne constitue qu’un point de départ à la réflexion entourant la question du régime sans gluten pour le sportif. Mais ses résultats invitent à rester prudent vis-à-vis de ses vertus annoncées.
Avant tout changement radical de régime, il faut consulter votre médecin. Il n’est pas nécessaire de supprimer le gluten sans que vous soyez réellement intolérant au gluten ou d’en diminuer les apports sans élément notable de sensibilité intestinale. En revanche, il est clair qu’un apport trop important en gluten pourra potentiellement engendrer des désordres gastriques ou une difficulté à faire le poids. Si vous souhaitiez adopter ce type de régime très contraignant, pensez déjà à bien manger de façon générale et dans des proportions raisonnables. Si des problèmes persistent consultez votre médecin, mais dans 99% des cas donc, il faudra simplement mieux construire son assiette.
Bon entraînement à tous.
2 réactions à cet article
Paul
Bonjour,
Article très intéressant!
Serait-ce possible d’avoir les références de l’article de Trent Stellingwerff s’il vous plait?
Merci
Bien à vous
Anaël Aubry (Expert lepape-info et conseiller scientifique des équipes de France de triathlon et d'eau libre)
Ce sont les 4 premiers articles de la liste :
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/?term=gluten+sport+performance
Ici ce sont des résumés, si vous souhaitez les versions originales il faudra aller sur le site des revues (toutes les informations dans ces résumés).
Merci pour l’intérêt et la confiance.