Parmi les stratégies d’amélioration de la performance en endurance, on connaît le rôle de celles visant à renforcer l’économie de course. Elles consistent à permettre d’avancer à la même vitesse mais à moindre coût. Dans cette optique, le rôle joué par le renforcement des fibres musculaires est prépondérant. L’amélioration du rendement énergétique passe en effet par un travail en « force », réalisé sous la forme de séances de musculation ou de séries de sprints (ou de côtes) intégrées dans son programme habituel.
Alors, on se retrouve vite à se sentir léger lors des courses longues, avec des jambes de feu ! Mais ce schéma est-il transférable à l’économie des muscles ventilatoires, c’est-à-dire des muscles bien moins puissants que ceux des jambes dont le rôle pour la performance ne parait qu’« indirect » ? En d’autres termes, est-il possible d’agrémenter ses séances d’un renforcement des muscles inspiratoires / expiratoires pour en tirer des bénéfices pour la course ? Éléments de réponse.
La fatigue des muscles ventilatoire impacte la performance en endurance. Derrière ce phénomène de fatigue pourrait résider l’accumulation de substances au sein du muscle (comme l’acide lactique) qui, par l’intermédiaire d’un réflexe métabolique (ou « métaboréflexe »), entraîne la réduction du diamètre des vaisseaux sanguins. De cette vasoconstriction se développe un manque d’approvisionnement des muscles en nutriments, et aboutie finalement une fatigue musculaire source de baisse du niveau d’efficacité.
Dans ce cadre, l’entraînement des muscles ventilatoires a été proposé afin de retarder (voire réduire) ce réflexe métabolique et ainsi repousser le développement de la fatigue musculaire. Alors que plusieurs études ont été conduites pour tenter d’objectiver les effets d’un tel entraînement, une revue de littérature a récemment été conduite afin de faire le point sur les effets de cette stratégie d’entraînement sur la performance en endurance.
En premier lieu est à noter que cette technique est effective à améliorer la performance en endurance ! Un constat donc encourageant. De façon plus précise, ce gain de performance semble surtout s’exprimer sur des activités d’endurance. En effet, plus la performance à réaliser est longue, plus ces bénéfices sont importants : ~0,4% de gain de performance par minute d’exercice. Imaginez donc un peu ce que cela pourrait donner sur des courses de l’ordre du semi ou du marathon…
De plus, l’amélioration de la performance apparait indépendante du mode d’entraînement respiratoire réalisé. Autrement dit, que l’on adopte un entraînement en force (lutter contre une résistance au passage de l’air ; implique de souffler fort mais à basse fréquence) ou en endurance (augmenter la fréquence et l’amplitude de ses cycles respiratoires, sans résistance ajoutée), l’entraînement des muscles ventilatoires est bénéfique. Des hypothèses sont néanmoins formulées à l’égard de plus grands bénéfices liés à l’entraînement inspiratoire + expiratoire en force (comparativement aux approches ciblant une seule phase ventilatoire) mais ce type d’étude reste à multiplier pour conforter ces suppositions.
Par ailleurs, les effets d’un tel type d’entraînement demeurent plus marqués chez des individus peu entraînés en endurance dans la mesure où les muscles respiratoires de ces derniers sont peu résistants à la fatigue, et donc soumis précocement à rude épreuve lors d’une course (indépendamment de l’état des muscles des jambes). Cette observation prévaut aussi pour les vétérans et séniors, certainement en raison de la baisse naturelle de la consommation maximale d’oxygène (VO2max) par les muscles avec l’avancée en âge. Pour eux, le renforcement des muscles ventilatoires permettrait d’augmenter l’apport en oxygène au niveau des poumons et ainsi d’améliorer la quantité d’oxygène transportée aux muscles.
Enfin, les bénéfices d’un entraînement respiratoire sur la performance en endurance sont identifiés indépendamment de la pratique d’entraînement (running, cyclisme, aviron, natation, etc.). Si ce transfert semble évident pour les adaptations métaboliques qui accompagnent cet entraînement, de façon intéressante, les bénéfices s’étendent à la biomécanique du mouvement. Plus précisément, en étant plus forts et gainés, ces muscles participent à la transmission des forces entre le haut et le bas du corps (exemples : mouvement de bras en running, phases de tirage en aviron). Des bénéfices à l’échelle physiologique comme mécanique…
Dans la même logique de transfert, ce type d’entraînement est associé à une réduction de l’inconfort lors du développement de l’état de fatigue à l’exercice. Dans la mesure où la VO2max reste inchangée à la suite d’un protocole de renforcement ventilatoire, la réduction de cette sensation est suggérée comme un mécanisme important des effets de l’entraînement respiratoire sur la performance. À ce titre, s’accoutumer à l’inconfort généré à l’entraînement par ce type de pratique semble constituer un facteur de progrès le jour de l’épreuve. Ici, c’est donc plus une valence de tolérance mentale que physiologique à l’effort qui serait améliorée.
Attention toutefois, ce type d’entraînement est différent des entraînements en hypoventilation (courir en apnée, ou réaliser plus d’expirations que d’inspirations pour contracter un déficit d’oxygène). En effet, avec l’entraînement des muscles ventilatoires, on préserve les apports en oxygène ; toutefois, on agit sur les forces nécessaires au passage de l’air !
Comment faire alors ? En fait, pour l’entraînement ventilatoire « en force », il convient de reproduire ce que l’on réalise en natation lorsque l’on utilise un tuba, c’est-à-dire lorsque le débit d’air est limité par le diamètre de l’engin (on peut aussi jouer sur la taille du diamètre). En course à pieds ou à vélo, respirer par le nez peut autoriser un tel phénomène de restriction d’air (dépendamment de vos narines respectives…). Sinon, quelques outils à mettre en bouche existent en magasin pour simuler une résistance au passage de l’air. Pour l’entraînement « en endurance », puisque l’idée est de jouer sur la fréquence et l’amplitude de la ventilation, on cherchera davantage à identifier la nature de la foulée sur laquelle venir greffer cette hyperpnée.
Une astuce à expérimenter donc. La pratique peut certes s’imaginer farfelue (on ne peut pas parler avec les copains) ; cependant, elle reste simple avec qui plus est un véritable effet sur la performance (rappelons le : ~0,4% de gain de performance par minute d’exercice !!).
Cyril Schmit
4 réactions à cet article
Errol
Bonjour, depuis près de 2 mois,( novembre et décembre 2017) je pratique l’entrainement des muscles respiratoires( inspiration et expiration) de 5 à 7 x par semaine selon le protocole suivant : 5 séries de 12 répétition, récupération de 30 sec entre les séries. Je remarque qu’a effort similaire il m’est maintenant plus facile de compléter des séances de VMA intense et de VMA ascensionnelle. Je remarque aussi qu’a vitesse égale en endurance fondamentale ( 120-140 pulsation/min) comparativement à ce que je faisais en octobre 2017, mes pulsations sont légèrement inférieures d’environ 5 puls/min. J’en suis agréablement surpris. J’ai trop hâte à ma prochaine compétition…!!! Je maintiendra définitivement l’entrainement des muscles respiratoires.
Cyril Schmit (Innov.training)
Content de lire un tel retour d’expérience 🙂
Pouvez-vous nous indiquer de quelle manière vous réalisez ce type d’entraînement ? Avec/sans matériel ? Ou une astuce acquise par expérience ? Ce type de feedback pourra affiner la pratique des futurs lecteurs…
Merci par avance
Bien à vous
Errol
Certainement, voici quelques informations supplémentaires : J’ai 61 ans, je cours de 6 à 7 heures semaine, selon un modèle d’entrainement polarisé donc environ 15% de mon entrainement se fait à haute intensité mais pas plus. Je fais 2 types de renforcement musculaire 1) généralisé pour prévenir la sarcopénie et 2) renforcement orienté course en sentier. J’ai choisi d’utiliser des modalités autres qu’augmenter le kilométrage ou l’intensité de mon entrainement pour parvenir à compléter des trail de 20 à 40 km .L’entrainement des muscles respiratoires est aussi une des stratégies choisies en plus du renforcement musculaire spécifique. J’utilise un appareil qui s’appelle : EXPAND-A LUNG que j’ai commandé directement à la compagnie du même nom. J’en suis très satisfait. Ainsi après chaque entrainement soit de course ou de renforcement je consacre quelques minutes au renforcement des muscles respiratoires. J’ai début par 3 séries de 6 pour actuellement compléter 5 séries de 12. L’appareil EXPAND A LUNG permet d’entrainer les muscles associés à l’inspiration et a l’expiration et on peut moduler aisément l’effort à déployer pour compléter l’entrainement. C’est un produit américain facilement disponible pour moi ( je suis Québécois) Par contre j’ai vu sur le NET des produits similaires accessibles en Europe.
Je demeure disponible pour toute demande d’information.
Merci Errol.
Anthony
Bonjour, ou sont les sources de votre étude svp? Merci