Le kilomètre vertical, votre prochain défi?

Si vous voulez vous lancer pour la première fois à l'assaut d'un kilomètre vertical, Pascal Balducci vous donne quelques clés pour réussir au mieux cet exercice si particulier.

Source photo : zoutfotografie.nl

Dernière-née des épreuves outdoor, le kilomètre vertical attire les foules. Faire un KV (abréviation de Kilomètre Vertical), c’est réaliser 1000m de dénivelé positif dans le temps le plus court possible.

 

Plus c’est court, plus c’est dur !

En kilomètre vertical, seul le dénivelé est fixe, pas la distance. Plus la pente est douce, plus la vitesse de déplacement du coureur est élevée, mais plus la distance est longue. Inversement, plus la pente est forte, plus la progression du coureur est lente mais plus la distance est réduite. La question cruciale est la suivante : quelle est la pente idéale pour réaliser la meilleure performance ?

 

Les meilleures performances en KV se déroulent à Fully, en Suisse, sur un parcours de 1920m. Le départ se fait à 500 m d’altitude et suit une ancienne voie ferrée. Le tracé rectiligne traverse des vignes, des prés et des forêts. Comme sur tous les parcours de KV, un panonceau indique chaque 100m de dénivellation, constituant un précieux repère dans l’avancée des coureurs. L’arrivée se situe à 1500 mètres d’altitude et la pente moyenne est de (1000/1619) x 100 = 61.7 % (1619m étant la distance horizontale correspondant à 1000m D+ et 1920 m de montée). Peu de parcours présentent une telle homogénéité dans le tracé.

A Chamonix par exemple, le tracé de 3.6 km serpente un certain temps dans la montagne, réduisant à néant les possibilités de record. En d’autres lieux, c’est la technicité du parcours, comme le passage de blocs rocheux, qui nuit à la performance. Autre avantage du parcours suisse, l’arrivée à 1500m n’impose pas aux coureurs une course en situation d’hypoxie.

 

A la lumière des infos de la théorie et du terrain, le parcours idéal, c’est-à-dire celui où l’on peut accomplir la meilleure performance chronométrique, serait rectiligne et présenterait une pente régulière et forte (~ 60%), sur un revêtement homogène et non glissant, et dans l’idéal jalonné de marches afin de favoriser la poussée à chaque appui.

 

Analysons à présent les enjeux physiologiques d’une telle épreuve. Pour les meilleurs, la durée de course est de 30mn chez les hommes et 35mn chez les femmes, ce que l’on peut rapprocher d’un 10 km route. Aucune expérience n’a été menée pour mesurer la consommation d’oxygène sur un KV mais l’analyse des fréquences cardiaques, et notamment le pourcentage de fréquence cardiaque de réserve utilisée, donne des résultats moyens de 80 à 90%, là encore très proches de ceux d’un 10 km. D’un point de vue bioénergétique, il s’agit donc d’un effort aérobie, à la limite du seuil d’accumulation des lactates. Les 2 premières qualités requises pour performer en KV sont donc une forte puissance aérobie et une fraction de VO2max élevée sur la durée de la course, correspondant à un seuil anaérobie au-delà des 85%, voire supérieur à 90% chez certains athlètes.

La comparaison avec le 10 km s’arrête ici car l’analyse de la tâche passe également par l’analyse de la gestuelle, répertoire et fréquence. Si un spécialiste de 10 km ne performera pas sur son premier KV, et certains jamais, c’est que le coût énergétique de l’activité est différent. Sur un 10 km, VO2max, VMA, fraction de VO2 max et coût énergétique de la foulée (Cr) déterminent la performance, car la vitesse est tout simplement le rapport de la fraction de VO2max sur le coût énergétique de la foulée. Sur un KV, VO2max, fraction de VO2max, VMA ascensionnelle, technique et puissance sont essentiels, les 2 derniers facteurs étant déterminants dans la réussite de l’entreprise.

On observe par exemple que les meilleurs coureurs de montagne sont de très bons coureurs de 10 km mais pas forcément d’excellents coureurs de KV. Etonnant non ! Pas tant que ça si on observe que les dénivelés moyens des championnats de course de montagne sont de 15%, c’est à dire très loin des pourcentages de KV. Dans ces conditions, le cycle étirement-raccourcissement de la foulée reste efficace, les élastiques des membres inférieurs – triceps sural et tendon d’Achille – sont mis en tension durant la phase de vol pour restituer un maximum d’énergie gratuite à l’impulsion suivante. Si en course de montagne (championnats FFA), il est possible de courir partout, ce n’est pas le cas en KV où la marche est obligatoire, car courir à 8km/h dans une pente à 20% revient à progresser à 18km/h sur le plat, réservé à l’élite ! En pente très raide, à 3-4 km/h de vitesse horizontale, l’élasticité est réduite à néant et seule la puissance compte. Les coureurs légers, aériens, élastiques, même avec une VMA ascensionnelle élevée, peuvent capituler par manque de force. Marcher, qui plus est avec des bâtons, ce n’est pas courir ; le geste change, les contraintes biomécaniques changent, les qualités physiologiques requises changent ; tout est à réinventer.

 

Locomotion plutôt que course

A potentiel égal, c’est sur la technique que se fait la différence en KV : la pose du pied, la poussée qui suit, l’amplitude du pas ou de la foulée, sa fréquence, les ondulations du centre de masse, et bien entendu l’utilisation des bâtons qui prolongent les bras de l’athlète. La fluidité des spécialistes dans les parties les plus pentues ou les plus techniques est admirable. On ne parle plus de coût énergétique de la foulée mais d’économie gestuelle ou corporelle. On ne parle plus de course mais de technique de locomotion.

On distingue trois types de locomotion sans bâtons :

KV 1
Cas 1 : course redressée

KV 2
Cas 2 : course semi-fléchie avec appuis sur les cuisses

KV 3
Cas 3 : marche quadrupédique

Et trois types avec bâtons :

Cas 4 : marche à l'amble
Cas 4 : marche à l’amble

Cas 5 : marche croisée
Cas 5 : marche croisée

Cas 6: marche simultanée
Cas 6: marche simultanée

 

Plus coûteuse en terme énergétique (car une plus grande masse musculaire sollicitée), la technique avec bâtons permet toutefois une progression plus rapide dans la pente, donc une meilleure performance. De plus, le travail de la technique de traction par le complexe bras-bâtons est facile à mettre en place et très rentable au moment de passer la ligne d’arrivée. Nous pouvons donc conclure que la technique en montée est prépondérante et que tout écart de réalisation se paye cher à l’arrivée compte tenu de la brièveté et de l’intensité de cette épreuve.

Concernant la préparation, elle doit se faire sur le terrain et peut se compléter par un travail de renforcement (salle ou nature) afin de développer la force des quadris. Sur le terrain, on peut réaliser de longues sorties avec des dénivelés importants (> 1000m bien entendu), mais aussi fractionner sur des dénivelés positifs plus courts (10 x 100m D+ ; 2 x 400m D+ ; 3 x 300m D+ …) et varier les pourcentages et les technicités de pente afin de trouver la technique appropriée à chaque type de pente. Cette discipline demande un long apprentissage aussi bien dans la gestion de l’effort que dans la maîtrise gestuelle. Si la plupart des KV proposent un départ en contre la montre, certaines épreuves partent en ligne, ce qui augmente le risque de départ en sur-régime.

Le Kilomètre Vertical, une définition simple mais une grande variété de parcours (pente, distance, technicité), et des techniques complexes à assimiler qui en font une épreuve passionnante et sans cesse renouvelée. Votre prochain défi ?

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