La spécificité, c’est quoi ?
La spécificité renvoie à la singularité de la préparation, à la mise en adéquation de l’entraînement avec les propriétés de la discipline considérée.
Prenons quelques exemples simples de ce qui est spécifique ou non selon la spécialité des athlètes :
SPECIFIQUE | NON SPECIFIQUE | |
Coureur de 800m | Travail de puissance anaérobie et de capacité anaérobie lactique. |
Footing endurance fondamentale Travail de côtes |
Coureur de marathon | Fractions à allure marathon. | Travail à VMA |
Traileur | Travail côtes, descentes. Pacing | Entraînement croisé (ski, VTT), VMA |
Donc, un entraînement spécifique est un entraînement qui permet de travailler les spécificités de la discipline, encore faut-il être en mesure de bien les déterminer par une analyse de la tâche appropriée. Mais pour que les choses soient bien claires, nous ne disons pas que le non-spécifique n’est pas utile à la préparation d’un athlète, bien au contraire ! Et nous verrons par la suite comment articuler dans le temps les différentes formes de travail.
Le premier travail des préparateurs physiques et des entraîneurs est donc d’analyser la tâche sportive en termes de sollicitations énergétiques (aérobie/anaérobie, puissance/capacité, lactique/alactique), de mouvement (biomécanique), de technique, de facteurs mentaux, de stratégie, de facteurs nutritionnels (déplétion/réplétion)… Cette analyse va orienter la préparation (i.e l’entraînement) en termes de contenus et de composantes de la charge.
Par exemple, et pour revenir au trail, les nombreuses recherches de terrain et de laboratoire ont permis de mieux appréhender les facteurs de performance en trail, comme la fraction de VO2max, la technique de descente, l’endurance de force (notamment en montée), mais aussi le pacing et d’autres facteurs stratégiques. En face de chacun de ces paramètres ou qualité, il faut proposer des stratégies de développement, avec un travail dont la spécificité ira croissante.
Par exemple, si en tant qu’entraîneur, j’évalue une faiblesse dans le secteur de la descente, je vais y consacrer des séances spécifiques axées sur la technique, mais aussi sur le renforcement et l’engagement. Si c’est la force qui fait défaut, il faudra travailler en spécifique sur le terrain, et en non-spécifique en salle.
Le cross, travail non spécifique, et la côte, travail spécifique du traileur, mais tous 2 grandement utiles !
Crédits photos Bruno Dheilly et Goran Mojicevic
De la progressivité dans la spécificité
Pour autant, et même si la spécificité fait défaut dans de nombreux secteurs, on ne doit pas y consacrer trop de temps et d’énergie en début de préparation. A cet égard, on peut toutefois distinguer le cardio-vasculaire et musculaire du technique. Sur les plans cardio-vasculaire et musculaire, il est conseillé d’avoir une approche traditionnelle en allant du général vers le spécifique. Sur le plan technique (descente, bâtons…), plus tôt un travail sera entrepris et mieux ce sera. Chez les jeunes, ce travail est même essentiel dans le sens où les apprentissages requièrent une plasticité neuronale efficiente.
L’approche traditionnelle propose dans la phase de préparation physique générale (dite de PPG) un travail de volume avec une intensité et une spécificité modérées. Cette phase peut durer plusieurs mois et se prolonger par une phase de préparation physique spécifique (dite de PPS) qui mène l’athlète jusqu’à la période de compétition. Dans cette PPS, l’intensité et la spécificité augmentent pour se rapprocher au plus près des exigences et contraintes de la discipline, sur l’ensemble des paramètres évoqués plus haut.
Dès la première épreuve, l’athlète doit maîtriser au mieux l’intensité de course (selon la durée escomptée) et les facteurs techniques et stratégiques. Toutefois, cette première compétition permet de se situer sur le chemin effectué vers la maîtrise parfaite des paramètres de la performance, et d’ajuster les microcycles d’entraînement suivants en conséquence.
Ce principe de spécificité est essentiel. Si pour un coureur sur piste ou route, il est relativement aisé d’accomplir une séance spé quel que soit son lieu d’habitation, c’est très différent en trail pour les coureurs de plaine qui ne peuvent pratiquer ni la montée ni la descente. Dans ce cas très fréquent, c’est un autre principe d’entraînement qu’il faut appliquer : celui du transfert, que nous verrons dans un prochain article, mais qui a malheureusement ses limites.