Préparation mondial 24h – Partage de séance

Dans notre dernier article 24h : le mondial approche, nous avons évoqué 2 points cruciaux : le pacing et la nutrition, sous leurs aspects pratiques. 

Aujourd’hui nous vous présentons la séance spécifique d’Erik Clavery, réalisée avec les autres membres de l’équipe de France. Sur le papier, cette séance est très simple : il s’agit de courir pendant 5 heures sur une boucle plate de 1.5 km, de distance identique au mondial, mais avec moins de virages.

Hormis cette particularité, nous sommes dans le spécifique pur puisque les coureurs vont pouvoir tester en conditions réelles leur stratégie de pacing et leur stratégie alimentaire. La durée de 5h est également suffisamment sollicitante pour se projeter dans la course physiquement et mentalement. Elle constitue un stress organique important, même si à ce moment de la préparation, elle doit laisser peu de traces dans les organismes, à condition que l’allure choisie soit en adéquation avec ses capacités physiques.

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Une boucle simple et plate de 1.5 km avec 4 virages

 

Vitesse, fréquences, intensité

Si en trail il est complexe de relier ces 3 paramètres (car la vitesse change très rapidement selon le terrain), c’est bien plus facile à plat puisque la vitesse correspond à une certaine intensité que l’on peut vérifier par les fréquences cardiaques. 

 

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Relevé Suunto des données de la séance pour Erik Clavery

 

Les données brutes (ci-dessus) de la séance d’Erik sont les suivantes : un peu plus de 69 km pour 5h10, avec une moyenne de 13.5 km/h (= 4’26-4’27/km), et une fréquence cardiaque moyenne de 132 pulsations/minute. Examinons ces données à la lumière des objectifs fixés et des données propres à l’athlète. L’objectif était bien de courir à 13.5 km/h de moyenne, mais de réaliser environ 65 km en 5h, car il faut bien tenir compte des ravitaillements qui se font en marche douce. De même, la FC moyenne attendue était de 130 bpm et elle est ici de 132. A ce propos, on observe une dérive cardiaque sur la 2ème partie de la séance, due à une allure de base trop élevée, dépassant fréquemment les 14 km/h. 

 

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Données Suunto des vitesses instantanées. Les décrochages correspondent aux ravitaillements

 

Pourquoi 13.5 km/h ?

 

La question revient fréquemment et elle est essentielle. Pourquoi choisir une vitesse de départ apparemment élevée puisque 24h à 13.5 km/h permettent de couvrir 324 km ? La réponse est multiple. Tout d’abord, compte tenu des ravitaillements, de la fatigue musculaire et centrale, et des phénomènes inflammatoires dus aux chocs excentriques, une course d’ultra endurance ne peut ni doit se courir à une vitesse régulière. Dans le cas d’Erik dont l’objectif ambitieux est d’atteindre les 270 km (11.25 km/h), la vitesse de départ se situe donc à 120% de la vitesse moyenne cible. C’est ce que nous préconisons en ultra trail en termes d’intensité de départ, que l’on peut évaluer au moyen de la fréquence cardiaque de réserve.

Dans le cas précis d’Erik Clavery, nous avons mené des recherches pour confirmer ou infirmer cette hypothèse de départ selon laquelle 13.5 km/h était une vitesse initiale idéale. En sous-intensité, aucun athlète n’est à l’aise. Chacun en a fait l’expérience lors d’une sortie avec des personnes d’un moindre niveau. L’économie de course s’en trouve impactée. Equipé d’un analyseur d’échanges gazeux respiratoires, nous avons balayé les vitesses autour de 13.5 (de 12 à 14, de 0.5 en 0.5) et calculé l’économie de course ainsi que le quotient respiratoire à chaque vitesse. 

Vitesses/données VO2 Cr QR FC % VMA % FCRes VO2 en mlO2/min/kg
12 km/h 36.8 0.184 0.90 115 57 52 Cr en mlO2/m/kg
12.5 37.5 0.180 0.87 117.8 59.5 54 FC en bpm
13 39.5 0.182 0.89 123 61.9 58
13.5 41.4 0.184 0.85 131 64 63
14 42.8 0.183 0.87 135 66.7 67
13.5 43.8 0.195 0.88 134.7 64 67
13 40.7 0.188 0.88 130.3 61.9 63
12.5 37.8 0.181 0.90 128 59.5 62
12 37.8 0.189 0.86 123.8 57 58

Données tests Erik Clavery. Centre hospitalier Universitaire Toulouse. Dr Fabien Pillard

 

2 résultats essentiels ressortent de ces tests : le coût énergétique (donnée indépendante de la vitesse tant que l’on reste en aérobie) d’Erik Clavery est faible. D’après Barnes et Kilding (2015), les données de Cr d’athlètes très entraînés et élites testés à 14 km/h sont respectivement de 0.193 et 0.171 millilitres d’oxygène par mètre et par kg. C’est une donnée essentielle sur la route, car à VO2max égaux, elle influe sur la capacité de performance en course d’endurance. La deuxième remarque, la plus importante, est d’obtenir le plus faible quotient respiratoire pour la vitesse de 13.5 km/h. Pour rappel, le quotient respiratoire est le rapport entre le rejet de dioxyde de carbone et la consommation d’oxygène. Plus cette valeur est basse, plus la part de lipides dans le mélange de carburants (lipides/glucides) dégradés à l’effort est importante, et plus les stocks de glycogène sont épargnés. C’est avec cette valeur du QR que nous pouvons calculer la dépense énergétique en kilojoules par kilomètres en utilisant l’équivalent énergétique en oxygène. 
Les tests d’effort : le quotient respiratoire

En conclusion, c’est à 13.5 km/h qu’Erik est le plus économe. En laboratoire, la FC correspondante est de 131 bpm (la 2ème mesure a été faussée par des épongeages). Ainsi, on peut mettre en relation le % de VMA avec le % de FC réserve. Les 2 correspondent bien à de l’endurance fondamentale sollicitant en douceur la filière aérobie. Sur le terrain, on retrouve cette même FC moyenne même si la dérive observée (à mettre en lien avec la dérive de vitesse) devra être jugulée le jour J.

D’autres paramètres auraient pu être étudiés comme la cadence par exemple. Pour autant, sur une telle épreuve, la fatigue va davantage se manifester par une baisse de l’amplitude de pas que par une baisse de la cadence qui est plutôt invariante. 

En conclusion, ce type de séances permet d’effectuer les derniers réglages avant le jour J. Pour Erik Clavery, elle conforte son choix de vitesse/intensité de départ et valide son protocole alimentaire. Elle permet également une mise en garde : ne pas s’emballer après la première heure de course, quand l’organisme est parfaitement chaud, et conserver une intensité régulière et modérée. Enfin, au sein de l’équipe de France, si Erik reste un outsider en recherche d’expérience mais capable de tout, c’est Stéphane Ruel (268 km et vice-champion d’Europe) qui sera le leader.