L’athlète qui a connu cette sensation n’est en effet plus naïf : il sait que viendra un moment où chaque pas sera un effort. Si ce phénomène se répète toujours au même moment au point de lui imposer de couper-court à son allure (pacing), une des raisons est que sa préparation n’est pas adaptée aux contraintes de l’épreuve.
Le travail en pré-fatigue est à l’opposé de l’idée reçue selon laquelle une séance de préparation n’est utile que si elle est réalisée dans un parfait état de fraîcheur. Cette idée est fausse ! Qui dit fraîcheur dit intensité, facilité, légèreté et donc aucunement ce que l’épreuve d’ultra-endurance impose. Pourtant, c’est typiquement dans cette philosophie que s’inscrivent beaucoup de coureurs, pensant « faire le job » en maximisant les bonnes conditions d’entraînement : repas riches en glucides, sieste préalable, jour off la veille, températures fraîches… alors que ce ne sont jamais les conditions de course. Ceci sans compter que le risque de blessure peut être plus élevé dans ces conditions de fraîcheur parfaite du fait de traumatismes accumulés mais non-ressentis d’emblée (ex : les courbatures). Enfin, lors de ces séances idéales, le pacing adopté colle rarement avec celui de course… En bref, l’athlète jubile à l’entraînement.
Au contraire, dans le cadre de l’ultra-endurance, les séances longues doivent autant que possible s’effectuer sur des muscles préalablement fatigués. L’allure adoptée se rapprochera alors de celle de compétition, les sensations aussi, et les autres systèmes physiologiques (cardio-ventilatoires, énergétiques) ne s’emballeront pas pour autant (leur récupération est bien plus rapide que la réparation musculaire). En ce qui concerne l’athlète, on s’écarte alors du sentiment de confiance en soi qu’il ressent après une séance en état de fraîcheur. En revanche, on mise sur celui d’expérience lié à la réalité de la course, et sur les progrès musculaires liés à l’accumulation de fatigue (amélioration structurelle + fonctionnelle des fibres I)
Il existe plusieurs options pour travailler en pré-fatigue. En voici 2 :
– Réalisez vos sessions clé de running le lendemain d’un travail musculairement sollicitant. Par ex. du renforcement musculaire en force avec ou sans matériel, vélo en côte à faible cadence, montées de marche en course à pied.
– Effectuez le même jour un enchaînement vélo-course à pied en conservant le contenu prévu en running mais en vous fatiguant musculairement grâce au vélo. Vous pouvez alors réaliser un travail de force (prenez alors soin de ne pas trop en faire, ex : côtes pendant 30 à 45′) mais aussi d’endurance (anticipez alors vos apports nutritionnels si votre séance est >90′). En revanche, si vous n’avez pas de vélo, vous pouvez allonger votre temps d’échauffement (jusqu’à x2).
À défaut d’avoir des sensations rêvées pendant l’entraînement, vous apprendrez néanmoins à vos muscles et votre cerveau à endurer la fatigue musculaire – qui est un des facteurs principaux de contre-performance en ultra-endurance.
Rappelons enfin 1 point important quant au travail en pré-fatigue : une récupération optimale sera indispensable après ce type d’entraînement pour autoriser une surcompensation de votre niveau de performance. Prenez une boisson protéinée (20 à 30g selon votre poids) et sucrée (1g par kilo de poids de corps) toutes les 3h jusqu’au coucher. Et si possible, prenez un bain froid après l’entraînement (15′ à 15°C pour booster les adaptations physiologiques).
2 réactions à cet article
Denis
Bonjour merci pour l article que je découvre seulement 🙂
Une question svp quelle est la fréquence idéale de ce type d entraînement ? Je fais des ultras en vélo personnellement. Je travaille mon endurance fondamentale avec une séance de 4 à 5 heures par semaine en plus du travail en fractionné la semaine . D après vous, est ce qu une séance en pré fatigué par mois serait suffisant? ( ex: deux séances de 4 heures dans le we) ou proposez vous autre chose ? Merci
Cyril
Bonjour Denis,
merci pour votre message.
Je pense qu’une fois dans le mois, c’est trop peu. Ceci car vous aurez bien tôt fait d’en perdre les bénéfices (qui sont très importants puisque musculaire et mentalement, la séance est nettement plus contraignante) avant la prochaine.
Je pense aussi que 2 séances de 4h d’un jour sur l’autre, même si vous allez effectivement bien bossé, soit pertinent. Autant pour une question de motivation que d’augmentation « brutale » de votre charge d’entraînement.
Ce que je vous conseillerais plutôt, c’est de :
– partir sur un rythme de 1 séance en pré-fatigue toutes les 2 semaines, telle que vous l’avez proposée (cela peut aussi, pour vous, passer par une nuit raccourcie pour accentuer la fatigue mentale avant même la séance de 4-5h – facteur clé de l’ultra).
– quand vous le pouvez, sur les autres séances à côté de cette séance cible, rechercher une pré-fatigue par d’autres moyens : en évitant les sucres dans les dernières 24h avant la séance, en faisant une séance de renforcement musculaire des jambes à la maison (saut sur place 15 » + nordic hamstring + reverse nordic hamstring) avant d’aller rouler, ou encore rapprocher 2 séances (lundi-mardi) qui étaient normalement éloignées (lundi-mercredi) pour limiter la durée de récupération. Et cela selon votre état du moment, quand vous pensez que vous tiendrez le coup et qu’avec le boulot/famille, cela fonctionnera.
De cette manière, vous pourrez avoir une base (la séance fixe, point 1) cumulable avec d’autres séances où le niveau de fatigue peut être manipulé à votre guise (les séances « réajustées », point 2).
C’est selon le moi le combo « idéal » (comme vous l’appelez) car il sera à la fois individualisé et adaptable dans le temps.
En effet, vous le savez, la recette miracle n’existe… que dans ma liste au Père Noël 🙂
Cdt,
Cyril