Apprendre à courir
Si l’activité de course est naturelle, le geste ne l’est pas car il dépend de nombreuses contraintes : taille, poids, répartition des masses, longueur des segments, angles articulaires et segmentaires, dissymétries…qui font que chaque foulée est unique et que chaque défaut est difficile à corriger. Un défaut est une contrainte biomécanique, potentiellement modifiable (type d’appui, inclinaison du corps, poids, souplesse…) dont l’effet est négatif sur le rendement énergétique et donc sur la performance. Le geste n’est jamais figé, il nécessite un apprentissage au démarrage de l’activité et des corrections par la suite.
Puisque la course dépend du geste, il est utile d’analyser ce geste par une approche systémique qui relie les éléments entre eux car une erreur très faible sur un paramètre peut avoir une influence importante sur la situation résultante. Des exercices simples peuvent être réalisés à l’entraînement pour comprendre la dynamique globale de la foulée, en jouant notamment sur les angles articulaires de la cheville, du genou et de la hanche. Pour ceux qui veulent approfondir leurs connaissances dans ce domaine, lire l’ouvrage de Frédéric Brigaud, La course à pied, posture, biomécanique, performance (voir notre critique).
Que remarque-t-on si on court à différentes allures les mains dans le dos ou les bras le long du corps ? Le geste est fortement contrarié et perd toute spontanéité. La dépense énergétique augmente pour une même vitesse, l’écrasement au sol est plus prononcé, ce qui contrarie par réaction la phase d’envol. Les appuis sont plus instables et le corps en vol reste difficilement dans l’axe. Cela met en lumière le rôle des bras dans la course : une participation à la propulsion, une atténuation de l’impact au sol, une amélioration de l’équilibre.
Petite parenthèse : en trail, le rôle des bras est si important qu’on les prolonge par des bâtons pour transformer le bipède en quadrupède, et se servir des membres supérieurs tant en propulsion qu’en traction (voir l’article sur l’utilisation des bâtons en trail).
Faisons à présent l’exercice contraire : les bras s’activent comme pour un sprint alors que les pieds restent statiques. Que se passe-t-il ? Tout d’abord, il est difficile de ne pas bouger et on remarque que tout le corps est pris dans un mouvement cyclique. Les mouvements de torsion du bassin et des épaules sont opposés, par pivotement autour de l’axe vertical de la colonne vertébrale. L’avancée du bras gauche provoque une rotation du bassin vers la droite, liée à l’extension de la jambe droite vers l’arrière et à la propulsion de la jambe gauche vers l’avant. Ces mouvements en cascade sont dus à la configuration des chaînes musculaires, à leurs ancrages et insertions. Le bras, via l’humérus, est en relation avec l’omoplate, la clavicule, les côtes, des vertèbres dorsales et lombaires, ainsi que le bassin. Bouger un bras, ou ne pas le bouger, à des conséquences sur l’ensemble des mouvements tributaires de ces os, muscles et articulations. Parmi ces muscles, le grand dorsal joue un rôle majeur, une attention particulière doit y être portée.
Que faire des bras ?
Les bras participent activement au geste, à son efficacité, et donc à la performance. Existe-t-il un mouvement type à effectuer pour gagner en efficacité ? Sur le terrain, il y a autant de styles que de coureurs mais très peu ont réfléchi et travaillé sur cette problématique. La biomécanique nous apporte encore quelques réponses. Les omoplates doivent rester en cohésion avec le thorax (omoplates fixes) afin que la force générée par le mouvement des bras permette un pivotement efficace du bassin, et donc une participation active à la propulsion.
Toujours en prenant comme repère ce pivotement du bassin, on constate que le mouvement des bras est plus efficace quand les avant-bras sont parallèles entre eux et au plan avant/arrière. Pour l’angulation du coude, celle-ci doit évoluer au-delà de 90° afin que la force générée soit plus grande.
A l’entraînement, le travail se fait selon 2 axes : un travail de préparation physique générale avec renforcement et étirements du tronc et des membres supérieurs (grand dorsal, trapèze, deltoïde …) et un travail spécifique, c’est-à-dire en course. Pour le travail général, il est conseillé de voir son ostéopathe ou kiné du sport afin de faire un bilan postural et de réaliser les exercices adaptés à votre profil. Pour le travail spécifique, il faut aller sur piste ou chemin plat et commencer par ressentir l’effet du mouvement des bras sur votre locomotion. A faible allure, on varie l’intensité de ce balancement, de faible à élevé. Les omoplates restent immobiles, le balancier des bras se fait dans l’axe de la course, l’angle du coude est au moins égal à 90°. Ainsi, on va très vite ressentir l’effet positif sur la propulsion.
Puis on réalise le test suivant, après un bon échauffement et quelques accélérations : 3 x 50 m dans les 3 situations suivantes, bras immobiles le long du corps, bras passifs, et balancier exagéré. Les chronos vont parler d’eux-mêmes. On sait par exemple que tous les pistards augmentent instinctivement le balancier des bras en fin de séance pour pallier la baisse de force au niveau des membres inférieurs. Dans les premiers temps, vous trouverez peut-être que votre geste n’est pas naturel et qu’il provoque de la fatigue au niveau des bras, puis vous l’intégrerez complètement. Très souvent, ce travail réfléchi des bras s’accompagne d’une modification positive du pattern de la foulée allant dans le sens d’une réduction du coût énergétique. Ce travail des bras s’insère également dans une stratégie mentale dite associative, dans laquelle l’athlète se concentre sur des paramètres objectifs de sa performance : foulée, respiration. Bref, ce travail n’a que des répercussions positives, et cela après seulement quelques semaines d’exercices.
Enfin en trail, sans les bâtons, les bras sont aussi sollicités pour rétablir des équilibres périlleux et pour s’accrocher aux branches en descente.