Nous avons souvent entendu que la course à pied serait très mauvaise pour les genoux.
Pourtant si vous faites le tour de votre entourage, il y a fort à parier que la part de coureurs ou anciens coureurs souffrant des genoux ne sera pas plus importante que celle des sédentaires, voir même plus faible.
Cela se confirme dans les écrits scientifiques, suggérant que la course à pied est au pire neutre, et au mieux utile, pour la santé à long terme de vos genoux.
La vraie question – et c’est une question intéressante – étant de savoir pourquoi les genoux des coureurs ne sont pas plus abimés que la moyenne.
Pourquoi nos genoux devraient ne pas supporter la course à pied ?
Le problème de base est que le cartilage, le matériau caoutchouteux qui absorbe les chocs entre les os de l’articulation du genou, n’a ni vaisseaux sanguins ni nerfs. Pour cette raison, il est généralement considéré comme à peu près inerte et incapable de se réparer. Au cours de notre vie, il s’use progressivement, parfois jusqu’à ce que les os se frottent les uns contre les autres.
C’est l’arthrose du genou, le problème articulaire le plus courant, qui touche environ 10 à 15% des plus de 60 ans.
Ces dernières années, cependant, il y a eu un recul contre l’idée que le cartilage n’est qu’une masse inerte. En 2006, un chercheur en bio-ingénierie Bahaa Seedhom a émis l’hypothèse que le cartilage pouvait réellement répondre et s’adapter aux contraintes imposées par les activités quotidiennes, une idée qu’il a surnommé « conditionnement du cartilage ».
En fait, il a suggéré qu’un manque de stress articulaire pourrait expliquer pourquoi les personnes sédentaires développent une arthrose du genou.
Plus récemment, Keith Baar, de l’Université de Californie et grand spécialiste de la recherche en course à pied, a suggéré que les tissus conjonctifs, y compris le cartilage, ont des capacités d’autoréparation qui peuvent être déclenchées par un bon compromis entre exercice et de régime nutritionnel (poissons gras, légumes et fruits riches en vitamine C, viandes maigres, gingembre, curcuma, poivre noir, curry, origan…).
Stresser, encaisser et progresser
C’est ici une nouvelle preuve des courants de pensées modernes. Le corps humain comme pour votre entraînement n’est qu’adaptation et surcompensation à des stress bien dosés. Le « moins l’on en fait moins l’on s’abime ou se fatigue » est passé d’âge.
Que ce soit vos muscles, tendons, articulations et capacités physiologiques à encaisser la charge, ils devront y être confrontés, régulièrement et progressivement pour y faire face et progresser sans être agressé.
Les statistiques menées dans les structures professionnelles nous le montrent, les sportifs les plus blessées seront majoritairement ceux pour qui la compétition représentera une charge trop importante vis-à-vis de leur quotidien.
À l’inverse si vous avez déjà suivi des séances de réathlétisation chez votre kinésithérapeute suite à une grave blessure, vous avez dû vous rendre compte que ses méthodes pour réapprendre à votre corps ce qu’il avait pu oublier, passera souvent par des exercices très sollicitant pour vos muscles, articulations et tendons, parfois plus poussés que dans vos habitudes, mais bien dosés, vous en récupérerez et ferez même plus intense ou plus volumineux à la séance suivante.
Alors est-ce que ça lâche et pourquoi ?
Une nouvelle étude publiée récemment et encadrée par le biomécanicien de l’Université du Maryland Ross Miller et son ancienne doctorante Rebecca Krupenevich, explore comment ces divers facteurs peuvent se combiner pour expliquer pourquoi les coureurs ne se retrouvent pas tous en fauteuil roulant malgré les milliers de kilomètres avalés.
Il s’agit d’une étude de modélisation qui combine une mesure propriétés du cartilage et des forces impliquées dans la course et la marche pour prédire quand les genoux devraient ne plus assumer avec et sans l’existence de capacités d’autoréparation et d’adaptation du cartilage.
Et ? Il y a de bonnes raisons de penser que, comme tant d’autres parties de notre corps, notre cartilage devient vraiment plus fort au fur et à mesure que nous l’utilisons.
L’étude comportait les étapes suivantes :
1. Analyser la démarche de 22 volontaires pendant la marche et la course afin de calculer les forces et charges sur leur cartilage du genou. Les résultats suggèrent que la course exerce au moins deux fois plus de pression sur le cartilage que la marche. Cela sera évidemment dépendant de la vitesse, du matériel et du type de course, mais permet de se faire une idée générale.
2. Estimer le nombre de cycles de charge (c’est-à-dire d’étapes) que le cartilage d’un genou peut supporter, en utilisant les charges calculées à l’étape 1 ainsi que les données des tests mécaniques effectués conjointement sur du cartilage de vache.
3. Calculer combien de temps il faudra pour qu’un genou « lâche » en supposant que vous marchez 3,7 miles (6 kilomètres) ou courez 1,9 miles (3 kilomètres) chaque jour.
4. Refaire les calculs en supposant que le cartilage du genou a la capacité de s’adapter (devenir plus fort pour que chaque cycle de charge suivant et y causer moins de dommages pour une même charge) et/ou de se réparer (inverser les dommages causés par les cycles de charge précédents).
5. Comparer les résultats théoriques à la réalité et voyez ce qui semble le plus raisonnable.
Si vous considérez la condition de marche uniquement, en supposant que vous commenciez avec un cartilage sain à 23 ans, le modèle prédit une probabilité de 36 % de « fin de vie » du genou à 55 ans si le cartilage ne peut ni s’adapter ni se réparer.
Si vous ajoutez une capacité d’autoréparation, cette probabilité tombe à 13%. Selon les chercheurs, cela correspond à peu près aux données réelles sur la fréquence à laquelle des adultes non obèses sans blessure aux genoux finissent par développer une arthrose du genou.
Cependant, le tableau s’avère plus sombre pour la course à pied :
98 % de chances de défaillance du genou à l’âge de 55 ans. Même si vous ajustez le modèle pour que le cartilage puisse s’auto-réparer, la probabilité est toujours de 95 %. Ce qui n’est donc pas conforme à la vraie vie.
La seule façon d’obtenir des chiffres raisonnables est de supposer que le cartilage peut également s’adapter, probablement grâce à la capacité de ses cellules à détecter la pression mécanique imposée par la course.
Le modèle intègre trois formes d’adaptation : un cartilage plus épais, plus élastique et un os plus épais qui répartit la charge sur une zone plus large.
Si vous essayez de peaufiner les paramètres de l’une de ces formes d’adaptation, vous devez effectuer des changements incroyablement irréalistes afin d’obtenir les résultats souhaités.
Mais si vous supposez une combinaison de changements modestes et réalistes pour chacune des trois types d’adaptation, la probabilité d’échec tombe en dessous de 13 %, ce qui correspond au scénario de marche et de cartilage du genou malsain dans une population non sportive.
Il existe une poignée de preuves que la course à pied peut en effet provoquer une adaptation positive à la fois du cartilage et des os du genou. Mais à ce stade, le conditionnement du cartilage reste une hypothèse.
Pourtant, Miller pense que c’est l’explication la plus probable pour les genoux étonnamment sains des coureurs de longue date, ne serait-ce que par élimination.
Sinon, dit-il, vous devrez conclure que soit notre cartilage est pratiquement indestructible, soit que la course à pied lui impose beaucoup moins de charge que ne le suggèrent les calculs et matrices mathématiques. Mais toutes les données de laboratoire sur des morceaux de cartilage isolés – qui ne peuvent pas s’adapter ou se réparer tout simplement car enlevés à son ancien(ne) porteur(se) – suggèrent que le cartilage s’use au fil des années ou des décennies.
Et nous avons diverses sources de preuves indépendantes confirmant les estimations des charges cartilagineuses pendant la course, y compris à partir d’implants de genoux avec des capteurs.
En conclusion
Le point à retenir ici est le même que celui que nous avons tiré de toutes les études d’observation qui montrent que les coureurs ont des genoux généralement en bonne santé. La question la plus délicate est de savoir ce qui se passe si vous développez une arthrose du genou, ce qui arrive à beaucoup de gens, coureurs et non-coureurs, surtout s’ils souffrent d’un genou lié à des antécédents de blessures contractées plus jeune.
Si la charge sur l’articulation permet réellement des adaptations positives sur le cartilage, c’est un argument en faveur de la poursuite de la course à pied dans la mesure où les symptômes le permettent, plutôt que de passer complètement à des activités non porteuses comme la natation.
Comme toujours tout est question de dosages. Si la charge semble trop importante, réduisez-là, si elle semble bien encaissée alors pourquoi ne pas l’augmenter comme vous le feriez pour les autres paramètres de suivi de la charge d’entraînement.
Mais, si le stress a réellement été de façon aigu beaucoup trop important, alors oui il sera possible de décharger temporairement celui-ci au travers de la pratique du vélo ou de la natation par exemple.
Ou alors par exemple en augmentant la charge générale par la pratique d’une activité portée permettant d’engendrer des adaptations croisées en réduisant la charge sur le cartilage de vos genoux.
Tout n’est qu’une question de choix à partir de l’analyse de votre pratique, des signaux relevés, de vos antécédents et du recul que vous pouvez prendre sur votre contenu d’entraînement et le ressenti que vous en avez.
Dans tous les cas, il existe aujourd’hui différentes preuves que la course à pied ne semble pas accélérer la progression de l’arthrose, bien au contraire. Mais cela reste une question ouverte qu’il faudra continuer d’explorer pour mieux les appréhender.
Donc dans votre pratique ne changez rien. Faites ce que vous êtes capables de faire et si des problèmes apparaissent, soyez suffisamment humbles pour adapter votre pratique. Les récents résultats de coureurs élites ayant eu recours à la pratique croisée suite à des problèmes physiques et/ou à différents types de préparation physiques (renforcement, mobilité, stretching) ont prouvé qu’il est souvent possible de rester performant en s’adaptant aux signaux renvoyés par notre corps.
Et si tout va bien : courez !
6 réactions à cet article
michel vernet
Bonjour, depuis 3 ans blessé aux genoux et aux ischios ( 30 ans de triathlon ). J’ai eu beau réduire les entrainements, voire m’entrainer en « sur place » en natation https://www.tenrev.com/elastique-nage ou en vélo home trainer ou sur tapis home trainer … Rien n’y a fait. j’ai semble t il réglé le problème en régulant le PH du corps. Je n’avais jamais entendu parler de cela, mais a priori beaucoup de sportifs ont un PH acide, qu’il faut donc augmenter, par exemple en ajoutant du citron aux boissons.
Philippe
Bonjour très sensible à votre remarque sur le ph acide j ai des problèmes au genoux quiste de poplites et épanchement synovial depuis 2 ans suite chute vélo et ont m avait dit pour une autre maladie que je faisais de l acidité recherche infos merci
Paul
La régulation du pH par son alimentation est une vaste supercherie.
L’estomac produit chaque jour env 1,5 litres d’HCL ce qui lui permet d’avoir un pH d’environ 1,5 à jeun.
Le citron avec son pH proche de 2,5 est donc 10 fois moins acide (cf échelle logarithmique du pH)
Les aliments que vous consommerez seront tous plus alcalins que l’HCL de l’estomac.
Au cours de la digestion le pH remonte mais in fine tout ce que vous aurez absorbé sera neutralisé par les sucs pancréatiques.
Donc boire du citron ou du coca n’aura aucune incidence sur l’acidité du corps…et heureusement !
Et précisons que le pH n’est qu’une concentration plus ou moins importante d’ions H+ 😉
Laurent
euh, le citron, ce n’est pas acide justement?
Jara
Le citron est acide au gout… mais c’est un aliment alcalin.
Ce qui acidifie le corps c’est la viande rouge en excès / les sucres raffiné / l’alcool / les mauvais acide gras / une trop grande conso de protéines (animales ou végétale…)
JP
Le citron un aliment alcalin ? Lol. Piquez un pHmétre dedans : il vous indiquera 3 (NDLR : 0 à 7 = acide).
Le citron est un aliment acide (acide citrique) qui, en théorie, devrait acidifier le corps mais ne le fait pas car il est absorbé en faible quantité et notre système de régulation acidobasique est très performant. Pour information, un minuscule variation de 0,1 de votre PH sanguin et c’est la mort assurée. Les aliments que vous classez dans la catégorie acide sont à légèrement limiter chez les sportifs pour de multiples raisons, toutes différentes, et qu’il serait trop long d’expliquer ici, mais qui pour plusieurs d’entre eux n’ont rien à voir avec une quelconque acidification de l’organisme.