Un objectif = un contenu
Chaque séance doit répondre à un objectif précis en terme de filières énergétiques développées, de stress induit, et donc d’adaptations attendues. Elle doit aussi s’inscrire dans le cadre des principes généraux d’entraînement que sont la progressivité, l’alternance des sollicitations énergétiques, le transfert, l’individualisation ET la spécificité. La première question que doit se poser un entraîneur ou un athlète est : quelles sont les spécificités de ma discipline ? Cette réflexion, essentielle à mener, se nomme l’analyse de la tâche, qui consiste à élaborer entre autres choses le répertoire et la fréquence des gestuelles.
Le trail, discipline aérobie continue
L’analyse n’est pas aisée en trail car chaque parcours est différent. Sur un marathon sur route par exemple, la distance et la nature du parcours restent fixes, induisant un temps de course relativement stable. Ce n’est pas le cas en trail où la durée de l’épreuve dépend de la distance, du dénivelé (positif et négatif), de la technicité, des conditions météo et parfois de l’altitude. Ainsi, la vitesse de progression n’est plus simplement proportionnelle à la distance mais à tout cet ensemble de facteurs, rendant les comparaisons difficiles. Pour autant, le trail demeure une discipline aérobie continue, avec comme carburants le glycogène (dont les réserves s’épuisent en quelques heures) et les lipides qui donnent peu de puissance mais dont la durée d’utilisation est précieusement longue. Sans rentrer plus en avant dans l’analyse, constatons seulement que la grande majorité des trails se caractérisent par une succession de montées et de descentes qui mettent à l’épreuve les systèmes cardio-vasculaire et musculaire de l’athlète. C’est la première difficulté rencontrée par un coureur spécialiste de la route quand il se met au trail. Il faut donc développer à l’entraînement la capacité à enchaîner les difficultés avec comme objectifs principaux :
– le pacing : en côte, les fréquences cardiaques ne doivent pas monter de plus de 2-3% (sauf sur trail très court où on peut se permettre de taper dans les glucides). Cela impose la marche ou l’alternance marche-course selon la pente et la technicité. La régularité de l’intensité est fondamentale vis-à-vis de la consommation énergétique. En trail, les vitesses changent continuellement mais l’intensité doit rester la même.
– la puissance : le développement de la puissance musculaire va permettre au coureur de gravir les pentes sans augmenter l’intensité de son effort et sans trop solliciter les fibres musculaires de type II. En effet, ces fibres (IIa et IIb) fournissent certes plus de puissance mais sont plus rapidement fatigables avec production de déchets.
– la technique : si elle est importante en côte, elle est fondamentale en descente. La fluidité est la mère de l’économie. Rappelons que si les trails se gagnent en côte, ils se perdent en descente. En stage, sur des tests courts en descente, nous observons des écarts de performance de l’ordre de 100% (2mn vs 4mn), alors que les écarts en montée sur des durées analogues ne dépassent jamais 50% (4mn vs 6mn). De plus, le plus lent en descente est souvent le plus fatigué en bas de la pente car c’est celui qui subi le plus.
Pour répondre à ces besoins d’apprentissage, il faut y dédier des séances spécifiques. Encore une fois, il faut faire preuve d’inventivité et ne pas répéter continuellement la même séance à laquelle l’organisme va vite s’habituer. Chaque séance qualitative doit débuter par un échauffement conséquent (entre 15 et 30 mn de footing à intensité progressive). Les muscles et articulations sont ainsi mis en condition pour le travail plus intensif de la séance. On poursuit par des éducatifs (montées de genoux, talons-fesses, foulées bondissantes, foulées rasantes, pas chassés …) qui serviront d’étirements activo-dynamiques et balistiques propres à augmenter l’amplitude articulaire, renforcer l’action des muscles antagonistes et parfaire l’échauffement. Pour finir, quelques accélérations sur 50 à 100m permettront de rentrer efficacement et sereinement en action.
C’est parti pour une séance, sollicitante pour les systèmes cardio-vasculaire et locomoteur.
Exemple de séance à réaliser presque partout :
Lieu : côte +/- technique
Distance : ~80m
Déclivité : 5 à 15%
Niveau : débutants trail à confirmés. On pourra jouer sur le nombre de répétitions par série.
1ère série : La montée est réalisée à 100% PMA (= intensité que l’on pourrait tenir sur 5 mn de montée). C’est donc bien inférieur à la vitesse maximale possible, mais supérieure à l’intensité de course.
Consignes : on se concentre sur la technique (bras-jambes), sur la poussée, sur le rapport fréquence/amplitude… On recherche puissance et fluidité.
La récupération se fait dans la descente avec comme consigne la fluidité, l’élasticité. On évite de taper, on ne « s’assoit » pas dans la pente, on ne coupe pas sa respiration. Cette partie de récupération reste en fait très active. Arrivé en bas, on enchaîne directement. Sur le plan cardio-vasculaire, on atteint vite les 90% de FC réserve, et on se stabilise à cette intensité.
Nombre de répétitions : 6 pour les débutants à 12 pour les confirmés. Attention à ne pas se tromper d’objectif : le but n’est pas de grimper le plus vite possible mais bien d’être régulier et en aisance dans chaque bosse, fluide et économe dans chaque descente.
2ème série : C’est la descente qui devient la partie active. La montée se fait en aisance, allure course longue, la descente se fait à une intensité supérieure à l’intensité de course. Au bout de 2-3 répétitions, on adopte automatiquement la bonne intensité en montée car les sollicitations musculaires de la descente ont un impact important sur le cardio-vasculaire. De plus, la descente active demande une concentration et des capacités attentionnelles maximalisées. L’objectif est de stresser fortement l’organisme en descente afin de développer des adaptations qui seront utiles en course.
La récupération entre les 2 séries se fait en trottinant 2 à 3mn, et la récupération finale nécessite au minimum 10 mn de footing lent, de 50 à 60% en intensité.
Evaluations
S’il est important de travailler la spécificité du trail et de bien programmer ses séances, il est tout aussi important de vérifier la qualité du travail effectué. Il est très intéressant d’observer un groupe réaliser cette séance car on remarque : les bons gestionnaires qui se retrouvent devant après quelques répétitions, et les mauvais qui exécutent trop vite les premières montées, les bons descendeurs qui sont à l’aise dans les 2 séries, et les mauvais qui perdent du temps et de l’énergie dans ce secteur.
La vidéo peut apporter de précieux enseignements, notamment sur la technique de descente. L’enregistrement des fréquences cardiaques est essentiel. Il permet de voir la fréquence cardiaque moyenne de la séance, de chaque série, la dérive cardiaque possible au cours de chaque série, le freinage cardiaque (indice de récupération), et donc tout simplement la gestion de la séance par chaque athlète avec des tendances points forts/points faibles à travailler par la suite.
Cette séance est un challenge pour l’individu car la succession rapide des difficultés contrarie les phénomènes d’adaptation. Pour un entraîneur, il est très facile de distinguer un expert trail d’un non-expert sur une telle séance. C’est donc qu’il est nécessaire de travailler sur ce registre, avec des possibilités infinies de variations en termes de longueur de pente, pourcentage, technicité … L’expert se caractérise par un accrochage rapide de la fréquence cible, par une faible (voire nulle) dérive cardiaque au cours des répétitions, et par une régularité chronométrique en montée comme en descente.
La séance du jour peut se réaliser presque partout sur notre territoire, une petite montée suffit …