La puissance du trail
Même si l’image de coureurs lents et endurants colle encore aux chaussures des traileurs, la réalité du terrain est tout autre. Les résultats des courses mais également les recherches de terrain montrent que la performance, même en ultra trail, reste bien corrélée à la vitesse maximale aérobie, donc à la puissance (aérobie) des sujets.
Pour les entraîneurs, c’est une bonne nouvelle car travailler à la fois sur les pôles puissance et capacité de la filière aérobie permet de diversifier l’entraînement et d’éviter la répétition de longues sorties monotones.
Bien entendu, cette seule VMA est insuffisante mais nécessaire. Un coureur spécialiste de 800m, caractérisé par une forte VMA, ne sera certainement pas en mesure de performer en trail pour de multiples raisons. De même, parmi les traileurs de VMA équivalentes, les aptitudes à performer en trail sont très variables. Pour affiner les évaluations, on peut commencer par réaliser un temps de soutien.
Le temps de soutien, porte de l’endurance
Avoir une VMA élevée, c’est bien ; la soutenir longtemps, c’est mieux ; en tenir un pourcentage élevé sur la durée, c’est parfait. En d’autres termes, l’entraîneur doit évaluer VMA – Temps de soutien à VMA – Endurance.
Pour la VMA, référez-vous aux différents protocoles progressifs proposés par JC Vollmer. Evitez dans un premier temps les tests rectangulaires car ils évaluent à la fois la VMA et le temps de soutien, sans moyen de dissocier les deux.
Dans un deuxième temps, passez un temps de soutien à VMA. Pour cela, faites un échauffement complet, puis sur piste, partez à la vitesse atteinte lors du test de VMA et tenez le plus longtemps possible. Pour des mêmes VMA, les temps de soutien s’étalent de 3 à 7mn, révélant des qualités physiques fort différentes, et permettant ensuite d’ajuster au mieux les séances qualitatives à plat.
Un mot sur l’endurance, on peut en calculer un indice à partir de la VMA et de une ou plusieurs références chronométriques sur des distances croissantes. L’athlète le plus endurant est celui dont la décroissance de vitesse avec le temps est la plus faible.
VMA-temps de soutien, duo révélateur
Vous l’avez compris, il ne suffit pas d’avoir une VMA élevée, il faut pouvoir la soutenir longtemps, et en tenir un pourcentage élevé sur la plus longue durée possible. Ce temps de soutien se travaille à l’entraînement, et puisque l’on travaille alors à pleine puissance aérobie, c’est le VO2 max (ou consommation maximale d’oxygène) qui est développé ou renforcé. Voici une séance type destinée à développer ce temps de soutien.
Remarque : puisque l’on travaille à VMA, ce type de séance est obligatoirement difficile avec un ressenti d’effort maximal.
La séance se déroule comme suit : faire un échauffement complet avec éducatifs et accélérations, afin d’améliorer la cinétique de VO2. Puis sur la piste, et à la vitesse atteinte lors de mon test de VMA, je fais :
- 100m à VMA, 100m trot à 50% VMA en récup, 200m à VMA, 100m trot, 300m à VMA, 100m trot… À chaque fois, j’augmente ma distance de fraction de 100m, je reste à VMA, je récupère toujours sur la même distance de 100m.
Exemple pour un athlète à 15 km/h de VMA : 100m en 24s, 100m récup, 200m en 48s, 100m récup, 300m en 1’12, 100m récup, 400m en 1’36, 100m récup…
Mais ça s’arrête quand ? C’est là un 2ème aspect très important de cette séance, la fin est subjective, c’est-à-dire qu’elle dépend de l’endurance de l’athlète, de son état de forme du jour, de facteurs motivationnels, de la capacité à se faire mal, etc. Car en effet, si la distance augmente de 100m à chaque fraction, la récupération reste identique, donc relativement de plus en plus courte.
Remarques :
– Un même athlète progresse s’il va plus loin dans la séance. Souvent, les progrès ne se font pas sur les capacités physiques du coureur mais sur sa gestion de séance, sa maîtrise des allures, sa motivation à aller plus loin, sa capacité de relâchement dans les moments difficiles.
– Pour des athlètes de même VMA, on peut observer d’énormes différences. Certains lâchent l’affaire au 500m, d’autres tiennent jusqu’au 1 000m. Beaucoup d’athlètes disent qu’ils pouvaient aller plus loin, langage récurrent sur des séances à VMA.
Vous l’avez compris, cette séance n’a pas que des avantages sur le plan physiologique. Elle permet aussi d’évaluer les capacités mentales de l’athlète, son comportement face à la douleur. Et c’est en faisant face (le coping) à ses propres difficultés que l’athlète développe des stratégies de performance.
Mais pour ces mêmes raisons, cette séance n’est pas à répéter régulièrement car elle est très exigeante sur le plan mental. Une fois par mois est largement suffisant, en réévaluant au besoin la VMA. Et pour cette séance, seule la piste nous apporte la garantie d’une bonne réalisation.
2 réactions à cet article
kevin
Bonjour,
Merci pour cet article (et les autres). Deux petites questions:
1) bien que la séance soit de qualité, le temps de travail ne risque t’il pas d’être trop faible pour une séance vma? Imaginons que j’arrive à 500m avec des temps de passage au 100m à 20sec selon ma vma, cela représente un temps de travail à vma de 5′. Faut-il compléter l’entraînement dans ce cas?
2) une fois la limite atteinte, le but sera de repousser cette limite. Avec quel type de travail? vma longue?
Un grand merci!
kevin
Pascal Balducci, Expert Lepape info
C’est une très bonne question Kevin. 500m est vraiment la limite basse pour cette séance, si elle est bien réalisée à VMA. Dans ce cas, c’est vrai que le temps total serait un peu juste pour espérer une véritable progression puisqu’on estime qu’il faut dépasser le temps de soutien (donc > 4-6 min). Toutefois, il ne faudrait pas la compléter car vous seriez arrivé à épuisement au bout du 500m. L’idéal serait de la re-programmer la semaine suivante en la gérant différemment mentalement.