Avec le développement du trail running dont certains se disputent en montagne, l’intérêt pour le travail en hypoxie (= baisse de la pression partielle en oxygène avec l’altitude) s’est accru en même temps que la problématique a évolué. En effet, pour la course sur route et sur piste, on utilise la vie et l’entraînement en altitude pour améliorer la performance en plaine, par le biais notamment de la stimulation de l’érythropoïèse (production accrue de globules rouges entraînant un meilleur transport de l’oxygène). En trail, il s’agit le plus souvent d’améliorer sa performance en altitude et non en plaine. En effet, certains trails n’hésitent pas à tutoyer les étoiles comme l’Ice Trail Tarentaise, le plus haut d’Europe, passant sur le glacier de la Grande Motte à près de 3500m, ou mieux encore la célèbre Hard Rock aux Etats-Unis dont le point culminant est à 4200m !
Pour certains trailers, à ces altitudes, il ne s’agit plus de performer mais de rester en bonne santé, voire en vie, car le mal aigu des montagnes (MAM) est une pathologie fréquente dont les complications se nomment œdèmes pulmonaire et cérébral. Cette pathologie, identifiée depuis le 18ème siècle, mais reliée au manque d’oxygène seulement depuis les travaux de Paul Bert à la fin des années 30, est une vraie préoccupation des médecins et des physiologistes avec le développement de l’alpinisme (ascension du Mont Blanc par exemple) et depuis 2 décennies des courses en montagne. La montagne a gagné en accessibilité et s’est « démocratisée », ce qui a permis de développer la médecine d’altitude. En France, l’IFREMMONT de Chamonix (Institut de Formation et de Recherche en Médecine de montagne) s’est spécialisé dans l’étude des pathologies liées à l’altitude et sur les moyens d’y remédier.
Le mécanisme de déclenchement du mal des montagnes est encore mal connu. Pourtant, les chiffres sont impressionnants : 10 à 15% des personnes l’éprouvent à moins de 2000 mètres d’altitude, près de 50% en souffrent entre 3000 et 4000 mètres, et ce chiffre passe à 75% entre 4000 et 5000 mètres. Chaque année, des accidents ont lieu à cause du manque d’informations ou de négligences. Il constitue donc un véritable enjeu de santé publique en montagne. Le MAM se caractérise par des céphalées (maux de tête), de l’insomnie, une perte d’appétit, des nausées et vomissements, de l’asthénie, des vertiges, une sensation d’ébriété, une diminution de la diurèse …
En trail, beaucoup d’athlètes éprouvent de la difficulté au-delà de 2000m, augmentation de la ventilation et des fréquences cardiaques, sensation de fatigue et d’endormissement, maux de tête… Ces réactions sont très subjectives mais entraînent une baisse importante des performances. Nous savons par exemple qu’au sommet du Mont Blanc, la pression en oxygène est à 55% de sa valeur normale et que nos capacités physiques représentent 75% de notre maximum. Au sommet de l’Everest, les chiffres sont de 33% et 20%, c’est une autre histoire !
Comment réagir ?
Tout d’abord, pas de panique, si vous sentez un léger malaise sur les parties hautes des trails, vous pouvez réagir par l’acclimatation. En effet, on constate qu’après 1 ou 2 jours d’exposition à l’altitude cible, l’organisme s’adapte et les maux disparaissent. Lors de cette exposition, nul besoin de faire des efforts importants. Au contraire, une simple marche suffit, ce qui peut facilement se placer les jours précédant l’épreuve. A faible intensité, la saturation du sang en oxygène augmente, ce qui limite les effets délétères de l’altitude. Pour l’UTMB comme pour le Tor des géants, je travaille avec des athlètes élite qui ont besoin de passer par cette courte phase d’acclimatation. Ensuite, si vous voulez augmenter votre niveau de performance, des expositions répétées en altitude permettent d’améliorer la rapidité d’acclimatation. Dans le cadre d’une préparation à un trail à haute altitude, ce travail est indispensable, tout comme il est primordial de s’acclimater à la chaleur avant de disputer une course en conditions chaudes, comme la Western States.
Par contre, si vous êtes sujets au MAM, il faut éviter les trails qui dépassent les 2500m d’altitude afin d’éviter les complications. Une consultation chez un médecin spécialiste de l’altitude qui vous placera en condition artificielle d’hypoxie permettra de faire un bilan complet.
Dernier point, précisons que la baisse des performances en altitude est inéluctable en dehors de toute pathologie. Donc, un simple essoufflement et une augmentation des fréquences cardiaques, pour une même intensité d’effort, ne sont pas pathologiques mais de simples manifestations physiologiques de l’effort en altitude.