Trail : Questions-réponses sur l’entraînement

L’entraînement n’est pas une science exacte, ce serait plutôt un artisanat basé sur des connaissances dans de multiples domaines. Et même si l’on possède un grand nombre de ces connaissances, il ne faut pas perdre de vue que l’humain reste au centre de la démarche et que la programmation doit pouvoir s’adapter aux variations individuelles.

Le développement d’une qualité physique ou technique nécessite plusieurs semaines d’apprentissage. Photo GBTA – Yoan Jeudy - Sosuite Photographie

Voici quelques questions posées par un entraîneur, et auxquelles nous tentons d’apporter quelques réponses.

 

Vous serait-il possible de m’éclairer sur 3 points ? (ces 3 points seront détaillés ensuite) :

Q1) La durée d’un cycle pour travailler des qualités

R1) Les adaptations se mettent en place au bout de 3 semaines à minimum 3 entr/sem, et 6 semaines pour les stabiliser. C’est une moyenne bien entendu, variable selon les individus.

 

Q2) L’équilibre des entraînements et allures dans une semaine de préparation trail

R2) voir plus loin

 

Q3) La définition et le travail de l’allure de compétition (pacing)

R3) voir plus loin

 

1) Pour le trail, il faut travailler la VMA, PMA (VMA en côte), la force, l’endurance de force,… avec différents types de séance qui pourront être réalisées pour certaines dans une même semaine d’entrainement.

J’ai compris que le travail d’excentrique se travaille davantage lors d’une unique séance renouvelée toutes les 4/5 semaines.

 

Tout à fait mais le travail en excentrique se fait presque quotidiennement et de manière spécifique chez les coureurs de montagne. Chez les coureurs de plaine, on peut le renouveler toutes les semaines, et maximum 10 jours. Au-delà, il y a un risque de désentraînement à l’excentrique, et de survenue de douleurs.

 

Sur quelles durée (nb de semaines) faut-il travailler ces adaptations (ex : si je fais un cycle de travail de la PMA (fractionné en côte) ou d’endurance de force (entre 3 et 8′ d’effort en côte)) ? Une séance / semaine, pendant 2 semaines ou plus ? Existe-il un ordre : par exemple développe d’abord la VMA, puis PMA, puis endurance de force, puis descente… ?

 

Très bonne question, complexe, et la réponse également, mais il n’y a pas de réponse unique. Comme énoncé plus haut, les premières adaptations se mettent en place au bout de 3 semaines d’entraînement.

Ensuite, en développant certaines qualités, on en développe d’autres en périphérie. Par exemple, si on développe la PMA en côte, on améliore aussi un peu son endurance de force, et vice versa. Dans notre discipline, c’est plutôt l’endurance de force qui est spécifique de l’activité, cela veut dire que l’on va développer d’abord la Force (en période de PPG), puis l’endurance de force. Bien entendu, ce n’est jamais 100% l’un puis 100% l’autre, ce sont des dominantes au sein des cycles.

Concernant la descente, elle peut se travailler à tout moment de l’année, même si on peut la délaisser un peu en période de PPG, et y revenir en période de préparation spécifique. C’est tout de même bien d’arriver en période spécifique avec des muscles préparés un minimum à l’excentrique, afin de se concentrer sur la technique et l’engagement.

 

2) lors d’une semaine d’entraînement de courses sur route (10 km au marathon), j’essaie d’y intégrer toutes les allures de travail, en prenant en compte des % de VMA.

Mais pour le trail, je m’interroge sur le bon équilibre d’une semaine d’entrainement au regard de la compétition préparée (distance et D+) dans un contexte où il est plus difficile de travailler des allures étant donné qu’une bonne partie du travail est réalisée sur terrain vallonné.

 

C’est en effet notre principale problématique

 

J’ai retenu de mes lectures et des formations la nécessité de réaliser un entrainement polarisé avec 80% du temps d’entrainement à « faible » allure pour le travail aérobie (Z1/Z2 – 65% fcm au seuil ventilatoire aérobie 75% fcm, < 80% VMA ) et 20% de travail de qualité (Z4 – seuil anaérobie lactique ~95% à 100 % fcm, > 90% VMA) – en évitant la Z3 (seuil aérobie au seuil lactique)  et ainsi de travailler différentes allures dans une semaine de travail.

 

Il existe en effet différentes nomenclatures pour définir les zones d’intensité à l’entraînement.

Personnellement, je n’utilise pas cette zonation mais c’est un détail. Pourquoi ne pas travailler à Z3 ? Le travail au seuil anaérobie est intéressant, même pour un ultra traileur, car il permet de reculer le seuil d’accumulation du lactate. A priori, ce n’est pas une intensité spécifique de l’ultra traileur, mais dans la réalité les situations en côte rapprochent dangereusement l’athlète de cette zone.  

Ensuite, quand on parle de polarisé, la zone basse va de 60% à 80%, et la zone haute de 80 à 100%, avec une répartition de 80% des séances à intensité basse, et 20% à intensité haute.

 

Quelle sera une semaine type d’entrainement spécifique en termes d’allure et de FC pour travailler toutes les FC ?

Existe-t-il un ratio d’entrainement  Km / semaine et D+ / semaine en fonction de la compétition préparée : si on prépare un 80 km avec 4000 de D+, faut-il tendre vers un certain kilométrage ou D+ par semaine ? Ou uniquement lors d’un week-end choc ?

 

On va plus raisonner en durées d’effort, ou en charges de travail si on les calcule. C’est clair qu’il faut un minimum de travail (nombre de séances, nombre d’heures, d+/d- cumulés) pour boucler correctement un trail long en montagne. A cela, les WE choc permettent d’approcher la réalité de la compétition

Pour un 80 km / 4000m D+, je dirais 4 séances par semaine, 1000m D+, c’est déjà une bonne base.

 

Ma séance type en DG :

– 1 séance VMA (entre 1′ et 3′ d’effort – 90 à 105% de VMA)

– 1 jogging 1h – 1h15

– 1 séance (entre 80 et 90% de VMA)

– 1 SL 1h30 nature vallonnée (400 à 600 m D+)

 

Ma séance type en préparation trail : Beaucoup de séance sont faites en côte

– 1 séance VMA ou PMA (VMA en côte)

– 1 jogging 1h – 1h15

– 1 séance nature vallonnée « tranquille » ou travail en côte sur fraction de 3 à 6′, récup en descente ou

– 1 SL nature vallonnée de 1h30 à 3h (max fc seuil aérobie)

 

Ces 2 semaines sont bien équilibrées et variées, et respectent les principes d’entraînement. Peut-être rajouter un peu de renfo et/ou du travail spécifique en descente, ainsi que de l’entraînement croisé.

 

3) La définition et le travail de l’allure de compétition (pacing)

Pour des courses sur route, l’allure de course sera un % de VMA dans un contexte où l’on a des valeurs repères (ex : semi-marathon entre 80 et 85% de la VMA) Pour le trail, je définis l’allure de compétition au feeling en fonction de mes allures d’entrainement et des compétitions préparatoires.

 

Oui, mais ça peut être très trompeur 

 

Donc comment déterminer l’allure de compétition en trail et la travailler ?

Pour le travail de l’allure de compétition, j’ai retenu qu’il est possible de faire des séances de pacing à 75% de la Fcr à faire sur un enchainement de montée, plat, descente (circuit en triangle) : combien de temps faut-il le faire ? La séance se déroule-t-elle en continu ou bien faut-il prévoir une récupération après chaque tour ? Faut-il faire cette séance toute les semaines ? L’intégrer dans la SL ?

 

Tout à fait. Ce type de séance se fait en continu, et la durée et l’intensité dépendent du type de trail que tu vas faire, et doivent augmenter progressivement. Et oui tu peux l’intégrer dans ta sortie longue.

Pour les ultra traileurs, nous faisons des séances d’1h30 à un % que nous déterminons en % ~-FC réserve, afin de coller à une intensité réelle. Donc pour les ultra traileurs 70-75%, pour les trails plus courts, jusqu’à 80%. Ce type de séance est à répéter toutes les semaines, ou à minima tous les 15 jours. 70-75% n’est pas l’intensité moyenne sur un ultra trail mais c’est une intensité de départ à laquelle il faut être le plus facile possible.

 

2 réactions à cet article

  1. Bonjour,

    Je me permets de rajouter une question : faut-il réaliser ses séances de qualité au maximum de ses capacités du jour (c’est-à-dire en ayant l’impression de ne pas pouvoir réaliser une répétition supplémentaire) ou, au contraire, toujours en garder sous le pied en ayant l’impression de pouvoir refaire une répétition (typiquement sur une séance au seuil) ou plusieurs répétitions (typiquement dans le cas d’une séance VMA) ?

    Je vous pose cette question car je vois de nombreux athlètes connaître une progression fulgurante depuis qu’ils réalisent leurs séances « en contrôle » sans jamais dépasser un seuil de douleur de 8 sur 10.

    Merci d’avance.

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  2. Bonjour Kevin c’est une excellente question mais je pense sincèrement que la réponse est subjective. Cependant, je vais vous donner mon avis personnel d’entraîneur : je tiens à ce que mes athlètes se surpassent en compétition et non à l’entraînement. On voit en effet trop d’athlètes s’arracher sur les séances (parfois l’effet de groupe) et être incapables de le faire en compétition. Et puis l’objectif n’est jamais de tout faire péter sur une séance mais bien d’enchaîner les séances au sein d’un cycle de travail dont l’effet global est bien plus important que celui d’une séance isolée. Donc je vous rejoins en partie sur ce point, encore faut-il être en mesure de se faire mal en compétition !? Cordialement

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