Trail, peut-on s’entraîner sans cardio ?

A Lepape-info, nous avons consacré une multitude d’articles sur l’utilisation du cardiofréquencemètre à l’entraînement en en compétition, et sur les apports du suivi des fréquences cardiaques. Pour autant, dans une activité où les repères sont moins évidents que sur la route ou la piste, peut-on se passer du cardio à l’entraînement ? Et comment évaluer ses progrès et son niveau de performance ?

Commençons par quelques rappels toujours utiles sur la fréquence cardiaque. Au début de l’effort, la ventilation augmente car la demande en oxygène au niveau des muscles est croissante, jusqu’à atteindre ou non un état d’équilibre. L’augmentation de la ventilation se fait par des augmentations de la fréquence respiratoire et du volume d’air inspiré/expiré. Le relais est pris au niveau cardiovasculaire pour acheminer le dioxygène jusqu’aux muscles. Le débit cardiaque augmente via une élévation de la fréquence cardiaque et du volume d’éjection systolique (volume de sang envoyé vers les organes à chaque battement cardiaque).

Ainsi, l’augmentation de la fréquence cardiaque est proportionnelle à l’élévation de l’intensité de l’effort. C’est pour cela que le cardiofréquencemètre est important, car le suivi des battements du cœur est le reflet du niveau d’intensité de l’effort, et cela quel que soit le terrain. Sur la route ou la piste, le chrono et donc la vitesse, nous renseignent parfaitement sur notre évolution. En terrain trail, caractérisé par du dénivelé et de la technicité, la vitesse ne reflète pas (ou mal) le niveau d’intensité. 

Mais le suivi des FC nous apporte davantage d’informations : 

– La FC repos et son évolution témoignent du niveau d’adaptation de l’athlète aux efforts aérobie, mais aussi de la fatigue

– L’évolution de la FC max peut nous renseigner sur les modalités d’entraînement (qualitatif vs quantitatif) et le maintien de la capacité de performance.  

– Le calcul de la FC de réserve permet d’évaluer le niveau d’intensité de l’effort aérobie (parallélisme avec le % de VO2)

– D’autres paramètres peuvent être interprétés comme la dérive cardiaque lors d’une séance continue ou discontinue, la dérive cardiaque en récupération, le freinage cardiaque …

Bref, les possibilités de suivi d’entraînement au moyen du cardiofréquencemètre sont nombreuses et d’un grand intérêt. De manière non invasive, l’athlète et l’entraîneur récupèrent un grand nombre de données physiologiques.

 

 

Le cardio contre l’esprit trail ?

 

Pour autant, peut-on s’entraîner sans cardio et avoir tout de même des repères fiables. La réponse est oui dans une certaine mesure. Chaque athlète dispose de circuits de références à l’entraînement, sur lesquels il se chronomètre. En confrontant sensations et chronos, on a une bonne idée de son niveau de forme. De même, certaines évaluations à plat, en montée et en descente sont de bons jalons pour la progression de l’athlète. Par exemple, si je réalise un test de VMA ascensionnelle (sur ~100m d+), l’évolution de ma performance va me renseigner sur mon état de forme, même s’il s’agit ici de puissance aérobie. Ce même type de test peut se faire jusqu’au KV pour tester l’endurance en côte. Bref, les tests ne manquent pas pour se jauger. 

 

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Marie Perrier et Audrey Tanguy (team HOKA), le cardio dans toutes les séances intenses

Et bien entendu, pour les sorties plus longues, on peut fonctionner en s’intéressant uniquement aux paramètres suivants : durée/distance/dénivelé/sensations. Pourtant, le cardio va me manquer dans certaines situations bien précises :

– A l’entraînement, si je désire réaliser une séance de pacing à 75 % d’intensité et conserver une stabilité des FC lors des transitions plat/montée.

– En compétition, si je souhaite ne pas dépasser une intensité donnée, pour ne pas me griller énergétiquement. 

Dans ces 2 exemples bien précis, rien ne peut remplacer le cardio, et beaucoup d’athlètes élites l’utilisent dans ce sens, même après 10 années d’expérience.  Ainsi, le cardio n’est pas antinomique avec l’esprit trail, il permet au contraire de mieux se connaître et d’aborder entraînement et course avec sérénité et plaisir. Et bien entendu, toutes les séances d’entraînement ne nécessitent pas le cardio. De même, sur ultra, le cardio (pour les FC) est utile sur les premières heures, puis on peut ôter la ceinture une fois que le risque de surrégime est écarté. 

 

 

Le cardio invisible

 

Pour ceux qui se connaissent encore mal, ou pour ceux qui pensent se connaître, je vous conseille la procédure suivante. Mettez votre cardiofréquencemètre mais cachez votre montre. Faites une sortie à une intensité programmée, si possible avec du dénivelé, et notez vos sensations. Au retour, examinez la courbe des FC  et tirez-en les conclusions nécessaires. Faites de même lors d’une séance en groupe car la motivation du groupe floute le rapport intensités/sensations.

Pour conclure, il est clair que chacun est libre d’utiliser ou non la technologie dont nous disposons. Notre propos est simplement de dire que cette technologie est utile à plus d’un titre, encore plus pour le coureur de trail que pour les autres, et qu’elle permet d’améliorer la connaissance de soi à l’effort.

2 réactions à cet article

  1. Bonjour Pascal, et merci pour l’article.
    Quand tu dis: – L’évolution de la FC max peut nous renseigner sur les modalités d’entraînement (qualitatif vs quantitatif) et le maintien de la capacité de performance. commetn traduire une baisse de fc max dans le temps. Dans mon cas: – 10puls après 5ans de pratique lors d’un effort maximal: Adaptation cardiaque? fatigue? Manque de travail qualitatif? j’imagine que la réponse est complexe.
    merci!!
    kevin

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    • Bonjour Kevin. Oui la réponse est multiple. Tout d’abord la baisse de FC max est normale avec l’âge. C’est sur cette baisse que se base la formule d’Astrand par exemple. Ensuite, le travail qualitatif permet de maintenir élevée cette FC max via la sécrétion des catécholamines, et via l’activité des récepteurs cardiaques à ces hormones excitatrices.

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