La consommation maximale d’oxygène (le VO2max) – on dit ‘’le’’ car il s’agit d’un débit – et sa vitesse associée de terrain à plat (la VMA) sont des facteurs de performance dans l’ensemble des disciplines aérobies. Ils sont rentrés également dans les modèles de performance sur trail court comme sur ultra (voir références).
Pendant des décennies, les tests de laboratoires se sont basés sur des protocoles essentiellement à plat, parfois avec de faibles pentes excédant rarement les 6%. L’avènement du trail a posé la question de la détermination d’un test spécifique aux traileurs, et de l’existence éventuelle d’un écart de VO2max entre les tests réalisés à plat et ceux réalisés en pente. La littérature est très pauvre sur le sujet depuis les années 1970, et de plus elle est contradictoire. Certaines études montrent un VO2max de montée supérieur au VO2max à plat (Paavolainen et al., 2000), d’autres le contraire (Wilson et al., 1979) et certaines ne trouvent pas de différence (Davies et al., 1974 ; Kasch et al., 1976). De plus, les pourcentages étudiés sont rarement en lien avec les pentes rencontrées en trail.
Rappelons-nous que pour les physiologistes, 15% est la limite excentrique/concentrique, c’est-à-dire qu’au-delà de ce pourcentage, il n’y a quasiment plus de stockage-restitution d’énergie élastique. La notion de force et le rapport puissance/poids prennent alors toute leur importance.
Afin d’y voir plus clair, nous nous sommes intéressés (avec l’équipe du Laboratoire Inter Universitaire de Biologie de la Motricité de Lyon 1) à l’étude du VO2max à plat et sur 2 types de pente : 12.5 et 25%. Pour chaque pente et pour chaque sujet, nous avons mis en place un protocole de détermination du VO2max en prenant soin de conserver les mêmes durées de paliers et de tests. Résultat : pas de différence significative entre les VO2max à plat et en pente chez des traileurs experts.
Pour aller plus loin, nous avons également observé les autres paramètres physiologiques : débit ventilatoire, FC max, seuil ventilatoire … Là aussi, pas de différence significative entre les tests.
Limites périphériques
Pourquoi aurions-nous pu observer des différences entre le plat et la pente ? Pour 2 raisons essentielles liées à des facteurs musculaires. En côte, les muscles de la course (principalement au niveau des membres inférieurs) travaillent différemment sur les plans quantitatif et qualitatif. La demande en oxygène peut donc varier si la masse musculaire globale sollicitée est différente. Et si ces muscles travaillent différemment, cela veut dire que la côte nécessite un apprentissage, une expertise. Un coureur qui pratique exclusivement en plaine ne développe pas cette spécificité. Ainsi, sur des pentes fortes, il subira ce que l’on appelle des limitations périphériques perturbant la demande musculaire en oxygène et donc le VO2max.
Conclusion : on peut prévoir un protocole en côte pour un coureur de trail ou de montagne, alors qu’il est préférable de rester à plat ou sur faible pente pour un routard ou pistard.
Et la vitesse ascensionnelle ?
La VMA est la vitesse associée au VO2max à plat. Les physiologistes l’appellent même VVO2max
Mais à VO2max égaux, on sait que la vitesse de terrain peut être différente car les coureurs ont des économies de course variables, c’est-à-dire qu’ils consomment plus ou moins d’oxygène pour une même vitesse de déplacement. Et bien c’est la même chose en pente. Cela va même plus loin car on peut être économique à plat et pas du tout en côte, le contraire étant vrai également. Vous avez remarqué que certains traileurs et traileuses ont développé une masse musculaire importante au niveau des quadriceps, très spécifique de leur activité. Cette masse impacte négativement le coût énergétique à plat mais peut s’avérer très bénéfique en côte, spécialement au-delà de la limite des 15%.
Pour des traileurs, une séance en côte peut présenter le double avantage de développer-optimiser le VO2max, et d’améliorer l’économie de course même si le concept de l’économie est complexe, un peu comme en politique !
Haut dans les tours !
Une séance de développement du VO2max nécessite toujours un investissement total de l’athlète, physiquement et mentalement, car elle sollicite fortement l’organisme. Vous le savez, seule l’intensité est insuffisante, la durée doit également être prise en compte. On peut développer la consommation maximale d’oxygène en courant à des intensités comprises entre 90 et 110% VMA/PMA, et sur une durée cumulée au moins égale au temps limite. Autre donnée essentielle : la récupération. Trop courte et l’intensité n’est plus tenable ; trop longue et l’athlète risque de travailler en capacité lactique et non plus en aérobie (même si la limite est floue). Enfin, il faut programmer précisément le nombre de séries et de répétitions par série. Tout cela est complexe et nécessite de bien se connaître ou de bien connaître son athlète. Pour le coureur en question, après un trail difficile de 42 km, il y avait nécessité à re-optimiser le VO2max avant la prochaine échéance.
Voici la séance proposée et réalisée par un athlète traileur expert, en période de préparation au championnat de France de montagne, et adaptable à tous :
Matin : échauffement complet + 10 x 40s/20s en côte assez raide + 20-30 min plat-descente + 2ème série de 40/20 en montée + descente et récupération à plat.
Consignes : Les 40s en montées à 100% PMA ; donc + vite que compétition mais pas au taquet non plus (car récup courte).
Après-midi : 50/60 km vélo en mode récup
Cette séance va donc consister en 2 blocs de 10 minutes, avec 40s de fraction à 100% de PMA en côte assez raide (~25%), avec seulement 20s de récup, toujours dans la bosse bien entendu (possibilité de marcher selon son expertise et selon la pente). Ainsi, la consigne est d’évoluer à 100% PMA (nécessité de bien se connaître). Au bout de 2 à 3 fractions, l’athlète doit solliciter VO2max. Sur le relevé Movescount, on voit bien que les FC montent vite et restent très haut pendant toute la durée de la série, ce qui est exactement l’effet recherché. On évolue ici entre 90 et 95% de la FC max actuelle.
Sur chaque série de 10 min, l’athlète parcourt environ 1.1 km avec 250m de d+. La vitesse réelle ne nous apporte rien, sauf si le parcours est connu et régulier. Le choix a été fait ici d’espacer de 20 minutes les 2 séries, ce qui peut être intéressant sur les plans physique et mental, au-delà de la nécessité de s’adapter au terrain et à la longueur des pentes. Sur les 2 séries, on observe l’excellent freinage cardiaque puisque l’on revient à des valeurs inférieures à celles de l’échauffement.
Pour bien maîtriser cette séance, rappelez-vous que 100% PMA est l’intensité que vous pouvez tenir sur environ 5 minutes, c’est donc soutenable assez facilement sur les premières répétitions, même si la récupération très courte (20s) rend l’affaire bien vite difficile.
Vous pouvez placer ce type de séances en fin de période de préparation générale, en période de préparation spécifique et en période inter-compétitive, quand on en ressent le besoin.
A vous de jouer !
Balducci, P., Clémençon, M., Morel, B., Quiniou, G., Saboul, D., & Hautier, C. A. (2016). Comparison of level and graded treadmill tests to evaluate endurance mountain runners. Journal of sports science & medicine, 15(2), 239.
Balducci, P. (2017). La place du coût énergétique dans les facteurs de performance en trail running (Doctoral dissertation, Université Claude Bernard, Lyon 1).
Balducci, P., Clémençon, M., Trama, R., Blache, Y., & Hautier, C. (2017). Performance factors in a mountain ultramarathon. International journal of sports medicine, 38(11), 819-826.
Ehrström, S., Tartaruga, M. P., Easthope, C. S., Brisswalter, J., Morin, J. B., & Vercruyssen, F. (2017). Short trail running race: Beyond the classic model for endurance running performance. Medicine and science in sports and exercise, 50(3), 580-588.
1 réaction à cet article
Jérôme
Article très intéressant que je vais mettre en pratique dès ce soir…
Besoin de « taper dans le bonhomme » pour réveiller ma forme qui est veille depuis un sacré moment…