Logiquement, en situation de pente, la transition devrait être anticipée. Pourquoi ? Parce qu’il est plus difficile d’évoluer en montée qu’à plat. Le travail demandé pour élever et déplacer son centre de gravité est plus important.
À 10% de pente, la dépense énergétique est multipliée en moyenne par 1,5 et par 2 à 15% de pente. Comme la transition est reliée au ressenti d’effort (le RPE), l’athlète devrait se mettre à courir bien avant 7-8 km/h. Et c’est ce qui se passe dans la majorité des cas, notamment lors d’un protocole de recherche que nous menons à l’Hôpital de la Croix-Rousse à Lyon, en lien avec l’Université Lyon 1.
Sur 16 sujets déjà passés, si certains hésitent entre la marche et la course, 15 se sont mis à courir naturellement à 6 km/h sur une pente à 15%, ce qui à intensités égales correspond à 12 km/h à plat. Mais comme souvent, c’est l’inhabituel qui prend de la valeur.
Le 16ème sujet à passer s’appelle Francesco Cucco, traileur italien de 35 ans au palmarès remarquable.
En 2021, il prend la 4ème place de la TransGranCanaria, la 14ème place de la CCC® et la 5ème place du Grand Raid de la Réunion.
Dès le début du protocole, échauffement à 5,5 km/h, la marche semblait aisée pour Francesco. Et elle l’est restée à 6, 6,5 et 7 km/h. ce n’est qu’à 7,5 km/h que la course s’est enclenchée.
Une marche puissante, efficace, économique
Cette capacité à marcher vite et bien, en côte bien entendu, semble être l’apanage des ultra-traileurs experts. Tout le monde garde à l’esprit des images de François d’Haene, dépliant avec une efficacité redoutable ses grands compas sur les pentes alpines, aidé de la poussée des bâtons. Très rares sont ceux qui pourraient le suivre en courant. Impression de facilité également pour Francesco Cucco sur le tapis roulant.
Reste maintenant à confirmer cela sur le plan énergétique. Ainsi, nous avons calculé le coût de la locomotion (consommation d’oxygène par unité de distance) en marchant à 6 km/h lors du test incrémental. Puis, après une phase de repos, nous avons calculé à nouveau le coût à 6 km/h, mais en demandant à Francesco de courir.
Les résultats qui sont illustrés ci-dessous sont édifiants. L’athlète est bien plus économe en marchant, ce qui justifie largement son choix naturel de la marche.
Attention toutefois car cette démarche n’est pas scientifique. Il s’agit simplement d’une piste de travail révélée par le protocole en place.
En effet, le premier coût est calculé lors d’un test d’effort progressif avec des paliers de 2 min. Il mériterait d’être calculé sur un temps plus long pour atteindre un état stable plus significatif.
De même, le deuxième coût est calculé en post-fatigue, après un test d’effort maximal, ce qui peut entraîner un surcoût en VO2. Mais tout cela mérite d’être approfondi pour dégager des pistes de travail à l’entraînement.
Logiquement, un athlète dont la transition marche-course en montée est plus tardive est un athlète plus performant car il marche et il court relativement plus rapidement que les autres pour des mêmes intensités d’effort.
Alterner reste la clé
Quoi qu’il en soit, l’alternance marche-course, lorsqu’elle est calée sur l’économie de course et le ressenti d’effort, est une stratégie incontournable de la performance en trail, et spécialement en ultra.
Elle est à reliée ou non à différents paramètres : les capacités cardiovasculaires, la force et l’endurance de force au niveau des membres inférieurs, la longueur des segments, des facteurs d’entraînement…
Il est d’un grand intérêt de pouvoir alterner la marche et la course en compétition.
Réduction des chocs lors de la marche, alternance des chaînes musculaires sollicitées (un peu à l’image du cycliste qui alterne la position assise et la danseuse), protection accrue des membres inférieurs des dommages musculaires et ostéoarticulaires, maintien d’une intensité stable et donc d’une consommation énergétique majorant les lipides…
La marche est donc un mode de locomotion à travailler de manière régulière, principalement en montée bien entendu, même si la fatigue impose souvent la marche également à plat. Des séances doivent y être dédiées régulièrement, et plus particulièrement pendant la période de préparation spécifique.
1 réaction à cet article
SAINTEMARIE BERNARD
Trés bon article, en tant que marcheur nordique compétition et traileur effectivement en cote avec une bonne gestuelle ma progression est bien plus efficace quand trotinant, par contre… ma dépense energétique est un peu superieur en marche type nordique. Une VO2 à 41 pour un age de 65 ans. Vous seriez assez surpris des performances des marcheurs nordique en compétition avec des vitesses sup à 9KM/f. merci à vous pour vos bons article