Flavien Jourdain, 41ans, traileur depuis une dizaine d’années et triathlète. Il est chef d’entreprise, associé d’En-sa-mémoire.com et jongle avec son emploi du temps professionnel pour se préparer au mieux. Marié et père de deux enfants, il vit actuellement en Thaïlande.
« Finir le parcours UTMB était pour moi un objectif sportif et personnel de longue date. J’ai participé à la CCC en 2009, j’ai abandonné l’UTMB en 2011 à La Fouly (suite à une blessure du pied), j’ai terminé l’UTMB en 2012 mais sur un parcours modifié et raccourci à cause de la météo. Je n’ai pas été tiré au tirage au sort de 2014, je me suis replié sur la TDS. Enfin en 2016, j’ai eu la chance de pouvoir porter à nouveau dossard avec mon ami Nicolas (Davoine) et de finir le vrai parcours. Habitué aux plans d’entrainement en triathlon sur Ironman, j’ai voulu également avoir un vrai programme d’entraînement personnalisé pour cet UTMB 2016. Jusqu’ici, toutes mes courses ultra trail ont été courues plutôt au feeling. C’est Franck Mantel d’Altitude Santé qui m’a accompagné pour l’occasion. J’ai pu débuter ma préparation en janvier 2016 avec un volume adapté à mes contraintes personnelles et professionnelles. Mais surtout j’ai bénéficié de ses conseils et d’une attention forte, ce qui a été très appréciable. Il a changé ma façon de m’entrainer en me forçant à privilégier la qualité sur la quantité.
J’avais alors intégré deux courses de préparation : La Maxi Race et le Marathon du Mont Blanc (80 km) pour tester le matériel, le ravito et le bonhomme. Je souligne aussi le plaisir de préparer un tel événement avec un ami et d’imaginer être le jour J ensemble sur la ligne départ. Ce plaisir décuple la motivation et les forces pour se préparer. Cet UTMB nous a fait vivre toutes les facettes d’un Ultra : le stress d’avant course, une forte chaleur, la tempête, l’hypo, l’euphorie, les doutes, les douleurs et enfin la délivrance. Au travers de toutes ces émotions, reste le bonheur immense d’avoir atteint un tel objectif pour le coureur lambda que je suis.
Le fait d’avoir fait la course à deux est une double satisfaction incroyable. On dit souvent que l’ultra est un sport individuel. Mais venant d’un sport collectif (le handball), la satisfaction d’avoir pu partager ce projet, de la préparation à la course, sans oublier l’après course, avec un ami, est un supplément de satisfaction incommensurable. Ce qu’un finisher UTMB garde de la course au final est difficilement explicable. Il faut la vivre pour le comprendre. Et je souhaite à tout coureur d’avoir la chance de se retrouver un jour face à lui-même en traversant Chamonix après 170 km et 10 000 D+ avec la ligne d’arrivée en ligne de mire. Je ne pense pas refaire cette course. Mon objectif étant atteint, j’ai d’autres courses en tête et d’objectifs sportifs qui m’animent. Pour 2017, je serai plus modestement sur l’OCC, de nouveau en compagnie de mon ami Nicolas et j’espère ainsi être finisher des 4 courses de l’UTMB. Restera tout de même la PTL…. »
Nicolas Davoine, 39 ans, est enseignant d’Eps au Lycée St Ambroise à Chambéry. Marié et père de 2 filles (9 et 11 ans) il possède lui aussi à 40 ans une belle expérience du terrain chamoniard. Chambérien, il a disputé son premier trail en 2011.
« L’UTMB était d’abord un objectif en commun avec un ami (avec Flavien Jourdain) celui de terminer l’Utmb à deux. Toute la préparation fut partagée. Du moins à chaque fois que cela était possible. Je suis Trailer et je fais un peu de triathlon depuis six à sept ans, après avoir fait 33 ans de Gymnastique. J’ai participé à plusieurs courses dont la TDS en 2014. Puis j’ai été bénévole sur l’UTMB en 2015. Et enfin j’ai été tiré au sort pour l’UTMB en 2016. Je retiens d’abord une magnifique ambiance de départ. Quel immense bonheur d’être avec son partenaire sur la ligne de départ et en pleine forme. Notre première nuit s’est bien passée, respectant scrupuleusement les allures établies. Arrivée aux Chapieux et le début des premières petites douleurs musculaires, malgré une allure conforme aux objectifs fixés. Premier petit doute mais vite effacé avec l’ambiance et réchauffé par ce doux lever du jour sur Courmayeur. Un gros ravitaillement à Courmayeur, mais déjà un peu de fatigue. La famille et les amis sont là, ils repartent avec nous sur quelques kilomètres. À partir de 9 – 10 heures du matin, la chaleur est écrasante. Clé de la future réussite, se mouiller la tête, le cou et les mains à chaque torrent. La journée s’enchaîne plutôt bien. J’aime assez la chaleur même si l’organisme y laisse des plumes, je ne le ressens encore pas trop. Les difficultés commencent dans montée vers Champeix (en Suisse) mais la famille et les amis sont encore là. L’adrénaline prend le dessus. La deuxième nuit commence, les montées sont difficiles et la fatigue est omniprésente. On retrouve un peu plus de fraîcheur mais s’alimenter est de plus en plus dur même si pour l’instant après 25 à 26 heures de course, j’ai plutôt bien géré ce versant de la course. La deuxième nuit nous attrape, il fait nuit noir. Montée sur la Giette, le train-train s’installe. Toujours important d’être bien mentalement. Chaque pas est un peu plus dur. Les hallucinations arrivent, chaque rocher ou pierre ressemble pour moi à un chat, un chien ou un oiseau, la fatigue je suppose ! Puis les kilomètres défilent et je sais que cette fois c’est sur, je vais finir l’UTMB. J’avance même si la fin du sentier me paraît interminable. Enfin les rues de Chamonix, on arrive Yes. Passage de la ligne, une émotion énorme m’envahit !
Je retiens en priorité une aventure encore plus belle lorsqu’elle est partagée. La magie de Chamonix avant le départ, et après l’arrivée, l’ambiance, la beauté. Une sensation d’avoir vécu un grand événement. Le plus important pour un ultra trail reste dans la préparation. L’Utmb c’est aussi le dépassement de soi, l’aventure sportive dans un environnement naturel exceptionnel. L’Utmb reste une course exceptionnelle en terme d’organisation, de décor, d’engouement, de rayonnement….
Si c’était à refaire, je ferai à 90 % la même préparation. Je rajouterai seulement des sorties longues en mode rando. Et surtout, je referai une préparation de course en binôme comme nous l’avons faite avec Flavien.
Comme conseils, je dirai qu’il faut se confronter progressivement à des trails de plus en plus longs et avec toujours plus de dénivelé sur une période longue de deux ou trois ans. Malgré une préparation adaptée, l’expérience de course en ultra trail s’acquiert progressivement. Ne pas oublier la préparation mentale et l’expérience qui reste cruciale. La réussite en ultra trail ce sont pour moi les 10 mois qui précèdent la course : avoir une préparation de qualité et adaptée au coureur. Il faut éviter le sur ou le sous entraînement, les blessures. Il faut arriver frais sur la course et frais mentalement.
L’expérience fut tellement positive que j’y retourne cette année pour revivre l’événement. Mais cette fois-ci ce sera sur l’OCC et donc ses 55 km. La préparation est beaucoup moins exigeante en terme de contraintes familiales et temporelles. Il est difficile d’imposer à soi et surtout à sa famille deux années de suite les contraintes d’une préparation UTMB. Mais l’année prochaine pourquoi pas ! »
Matthieu Bardot-Brard, 29 ans, est Kiné à Barby (Savoie) et vit en couple aux Déserts à 5min de la Féclaz et 25 min de Chambéry. Normand d’origine cela fait maintenant 3 ans qu’il vit dans les Alpes après un séjour de 2 ans à La Réunion. Il pratique le trail depuis maintenant 5 ans.
« J’ai couru la CCC en 2015, la TDS en 2016 et pour compléter le podium l’UTMB pour 2017.
Ma préparation commence dès l’hiver avec les sports d’hiver (ski de fond (skating) et rando) et un peu de course à pied, à raison de deux fois par semaine avec mon club, soit du fractionné et de la PPG. À partir du printemps, je commence les sorties montagne, à raison d’1h au départ et j’augmente tranquillement la durée. Je prends de l’altitude dès que la fonte des neiges le permet. J’intègre aussi quelques sorties vélo de 2-3h avec dénivelé (à la fois route et VTT) pour soulager les genoux, diversifier l’entraînement et voir d’autres paysages. Et je profite des week-ends pour faire de la distance (week-end choc).
En course lors des deux dernières années, la chaleur fut pour moi le plus dur à gérer. Conséquence, des arrêts plus fréquents pour s’hydrater et se rafraîchir, des pauses plus longues au grand ravitaillement sur lequel on a droit à une assistance. Dans les moments de doute, j’ai remarqué que le soutien de ma famille et de mes amis m’a permis de continuer à avancer. L’inconvénient des longues distances, reste qu’on passe par des hauts et des bas et fort heureusement la forme revient toujours au fil des kilomètres.
Les meilleurs moments restent pour moi le départ pour l’ambiance, le franchissement de la ligne d’arrivée pour la satisfaction et les encouragements des gens sur le parcours. Je retiens aussi les SMS de soutien grâce au suivi des coureurs sur internet.
Si c’était à refaire, je m’y prendrai exactement de la même façon. Je gère ma course tranquillement dans les longues montées pour m’économiser. Puis dans les descentes où je suis plus à l’aise, j’essaie de rattraper le temps perdu à la montée et même de gagner un peu de temps quand cela reste possible.
Comme conseils, je dirais que s’entraîner dans les montées c’est bien mais qu’il faut absolument travailler les descentes à un moment ou un autre de la préparation. Surtout lorsqu’on n’habite pas à la montagne, je sais que ce n’est pas toujours simple de trouver une descente de 10km, donc il faut privilégier les week-ends bloc en montagne.
Et je serai bien sur l’UTMB cette année. Je repars dans la même configuration que les deux dernières années. C’est à dire avec en tête un temps de référence que j’aimerais réaliser, comme un fil rouge qui me booste. Mais surtout je veux profiter du paysage. Et je garde toujours le défi de repousser mes limites et de retrouver ces sensations, plus ou moins bonnes, que l’on ressent seulement quand on évolue si longtemps au cœur des montagnes, si majestueuses soient-elles ! »
Fred Blanc, 44 ans, est enseignant. Il pratique aussi le triathlon à Chambéry où il vit depuis 1998. Père de famille, il a couru son premier trail en 2014 à Monteynard avant de se lancer sur la TDS l’an dernier.
« J’ai fait la Tds l’an dernier (120 km et 7300 D+). Concernant ma préparation, j’ai d’abord débuté par des séances de vma sur piste puis des séances au seuil sur le plat, agrémentées de quelques sorties courtes. En milieu de prépa, je suis passé sur des sorties au seuil en côtes avec quelques rappels de vma et des sorties plus longues à un rythme modéré. En fin de prépa j’ai rallongé encore plus les longues sorties en endurance avec toujours quelques séances courtes au seuil en côte. J’avais aussi intégré deux courses pour préparer la TDS, d’abord le 80 km de la maxi race en mode rando course fin mai, puis le 40 km du Madtrail à Valmorel, ainsi qu’une reconnaissance de la plus grosse montée du parcours depuis Bourg st Maurice au passeur de Pralognan.
Pour revenir sur ma course, j’ai eu de bonnes sensations tout au long grâce à un début très prudent (je suis de toute façon un gros diesel). Puis j’ai effectué une remontée progressive dans le classement tout au long de la course tel que j’ai l’habitude de le faire en général.
Je retiens avant tout une ambiance magique, un partage de belles valeurs avec certains coureurs pendant la course, et le fait d’entendre parler autant de langues lors d’un trail reste un bon souvenir. L’Utmb c’est surtout la beauté des paysages, et ressenti très particulier j’étais dans une fraîcheur toute relative une fois la nuit arrivée. Ce type d’épreuve permet d’apprendre à se connaître, à savoir être patient et à se fixer de petits objectifs tout au long du parcours pour progresser sans cesse.
Si c’était à refaire, je ferai davantage de vraies sorties en montagne et pas seulement autour de la maison. Je bichonnerai davantage mes pieds et mes ongles bien avant le départ, je remettrai plus de nok et je changerai de chaussettes à mi course.
Comme conseils, je dirai qu’il est d’abord important de prendre du plaisir, et de profiter du paysage. Il faut bien se connaître, et partir doucement. Il faut bien s’hydrater (attention au manque de sel), toujours s’arrêter aux ravitos mais pas trop longtemps quand même, et manger si possible un peu des féculents proposés à mi course. Il est important de s’entraîner sur des terrains qui ressemblent à ceux de l’Utmb. Penser que la fin de course peut être compliquée. Il faut aussi respecter les temps récupération car on ne se rend jamais assez compte à la course suivante qu’on a en fait toujours pas récupérer de l’Utmb et qu’il demeure une sorte de fatigue latente !
Cette année, je ne serai pas présent à l’Utmb, n’ayant pas eu la chance d’être tiré au sort malgré les points acquis. Il y a toujours beaucoup de monde sur la liste des prétendants et assez peu d’élus au vu du nombre de candidatures. On verra l’année prochaine, pourquoi pas ! »