Dans un précédent article Jeune et endurant, on parie ?, nous avions expliqué l’importance du développement de l’endurance chez les jeunes, et démontré que l’on pouvait être jeune et endurant, à l’image de Kilian Jornet en trail (et bien d’autres à présent) et des meilleurs marathoniens mondiaux actuels qui ont entre 19 et 22 ans pour la plupart. Par le développement de l’endurance, nous entendons (voir article) la pratique d’une multitude d’activités aérobies (course, randonnée, vélo, ski de fond/randonnée/alpinisme) avec une approche progressive et toujours ludique. Et c’est peut-être ce côté ludique qui s’efface quand la compétition prend le dessus sur le jeu.
On ne peut pas être et avoir été ?
Les auteurs de l’étude intitulée “Excelling at youth level in competitive track and field athletics is not a prerequisite for later success” (traduction : exceller dans les compétitions d’athlétisme en étant jeune n’est pas un prérequis pour de futurs succès) ont examiné les performances en athlétisme (sprint, lancer, sauts, demi-fond) de 134 313 athlètes âgés de 12 à 35 ans.
Ils ont noté que seulement 9% des hommes et 13% des femmes classé-e-s parmi les 20 premiers seniors nationaux, avaient également été classés parmi les 20 meilleurs chez les moins de 13 ans (U13). Les auteurs ont également noté une dégradation du niveau de performance au fur et à mesure que ces jeunes (U13) montaient en catégorie. Ces résultats montrent donc qu’exceller au niveau des jeunes en athlétisme compétitif n’est pas une condition préalable au succès en senior. Et les auteurs de conclure qu’améliorer notre compréhension du développement de l’athlète serait utile pour les entraîneurs, les parents et les fédérations pour établir des attentes de performance réalistes et pour faire progresser la politique du sport chez les jeunes.
Des disciplines sportives comme le tennis ou la gymnastique sont très étudiées par les psychologues du sport et les chercheurs car elles présentent un taux d’abandon sportif des adolescents extrêmement élevé, avec parfois des burnout ou des troubles du comportement alimentaire très inquiétants pour la santé physique et psychique des jeunes en question. En athlétisme, la pression est moindre mais la répétition des compétitions représente une charge mentale qui n’est pas évaluée par les parents et les entraîneurs. Chez les jeunes, il faut veiller à ce que les motivations soient fortement intrinsèques et que la réussite par procuration de l’entourage soit bannie.
Et en trail ?
Le problème ne se pose pas vraiment car les courses de trail ne sont pas ouvertes aux jeunes car la réglementation fédérale impose une limitation en termes de distance. Cela n’empêche pas certains de multiplier les compétitions (cross, piste, courses de village) et de se spécialiser trop tôt. En effet, l’étude envisage le cas des jeunes de moins de 13 ans. A cet âge, il faut insister sur l’apprentissage et sur le développement ludique et progressif des qualités physiques de base que sont la coordination, l’endurance, la vitesse, la souplesse et la force ; mais aussi sur le développement des qualités techniques et tactiques, des qualités relationnelles et des habiletés mentales. Tout ce travail de développement nécessite de longues années avant d’arriver à la phase de maximalisation du potentiel de chaque athlète, qui survient rarement avant 18-20 ans.
En accord avec l’étude, nous pouvons conclure que la pratique précoce de la compétition – qui correspond à une spécialisation du jeune – n’est pas une démarche permettant de former les futures élites. La formation et le développement des innombrables qualités à développer par le jeu doivent rester la priorité des formateurs et des instances responsables.
*Excelling at youth level in competitive track and field athletics is not a prerequisite for later success
PHILIP E. Kearney & PHILIP R. Hayes
Sports Performance 2018